1 Finalités

Que veut CGé ? Que veulent les pédagogies actives ? Que veut la pédagogie explicite ?

CGé, comme les mouvements pédagogiques frères^[1]Éducation populaire (Freinet), Le Grain, GFEN, CRAP, CEEPI…, poursuit deux objectifs à priori liés : améliorer les apprentissages, la réussite des enfants de milieux populaires qui sont massacrés par la majorité des systèmes scolaires et favoriser l’émancipation (l’empowerment^[2]Lire les deux excellents dossiers du Grain : bit.ly/40EpDcO et bit.ly/417jDJD ) de tous les jeunes.

Ceux-ci interagissent tant dans leurs moyens : une même pédagogie permettrait de poursuivre ces deux objectifs que dans leur finalité : contribuer à une société plus juste, autrement dit changer l’école pour changer la société. Ces deux objectifs sont également liés parce que nous sommes convaincus qu’une société inégale produit une école inégale et que la réussite des enfants de milieux populaires doit passer par l’action politique contre l’ordre scolaire et social. La pédagogie est politique.

« Pour nous, la pédagogie est politique et technique. »

Un peu trop vite et de manière diffuse, les pédagogies actives ont été associées à ces deux objectifs, et le moyen, la pédagogie, a caché les objectifs, les mouvements pédagogiques devenant les défenseurs des pédagogies actives, entrainant une série de dérives et de confusions. Réaffirmons que notre action ne poursuit pas la promotion des pédagogies actives, mais bien celle d’une école et d’une société plus justes.

À partir des années 70, les pédagogies actives sont devenues tout et n’importe quoi. Certains pédagogues allant jusqu’à conseiller que l’activité, la plus ludique et motivante possible, cache l’apprentissage parce que certains enfants répugneraient à travailler et à apprendre. Et cela, alors que Freinet, pédagogue actif par excellence, affirmait : « Ce n’est pas le jeu qui est naturel à l’enfant, mais le travail^[3]Invariant n° 10, voir bit.ly/3zwV1hu. » En même temps, le socioconstructivisme, théorie de l’apprentissage, a été réduit et confondu avec les pédagogies actives, comme pratiques.

C’est ce qui a conduit, dès 1971, avec Bernstein^[4]Poursuivi en Belgique, entre autres par Éric Mangez. jusqu’aux travaux récents du groupe ESCOL^[5]Voir, par exemple, P. Rayou, « Pédagogie explicite », dans Recherche et formation 2018. bit.ly/3nMGBat, à une longue suite de recherches critiques s’appliquant particulièrement aux pédagogies actives comme pédagogies invisibles où l’implicite des enjeux de l’activité et des objectifs d’apprentissage explique les difficultés d’apprentissage des enfants dont la famille ne possède pas les codes scolaires.

Dans leurs écrits, sans faire référence à cette longue suite de recherches, les promoteurs de la pédagogie explicite affirment que seule une pédagogie explicite permet les apprentissages de tous. Ses promoteurs partagent donc, avec les mouvements pédagogiques, l’objectif de réussite des enfants de milieux populaires, estimant que leurs difficultés d’apprentissage s’expliquent exclusivement par le caractère implicite des pédagogies autres que la pédagogie explicite. Mais, ils ne partagent avec nous ni l’objectif d’émancipation ni la conviction que l’échec des milieux populaires est un produit de l’ordre scolaire et social. Pour eux, la pédagogie n’est que technique.

Pour nous, la pédagogie est politique et technique.

Néanmoins, dans la poursuite de notre objectif de meilleure réussite des enfants de milieux populaires, il peut être intéressant de s’inspirer de leurs recommandations. Nous développerons dans la suite de ce texte nos principes pédagogiques visant à la fois une meilleure réussite des enfants de milieux populaires et l’émancipation de tous en faveur d’une société plus juste.