154 Edito

Besace à l’épaule, bâton au poing et le savoir-faire pour viatique, ils cheminaient d’un chantier à l’autre et bâtissaient les cathédrales. Cinq années d’apprentissage pour les lapins et les renards (surnoms donnés aux tout jeunes). Un tour de France, périple au cours duquel chacun réalise une œuvre magistrale – le chef-d’œuvre – qui doit témoigner d’une connaissance parfaite des matériaux et des techniques. C’est le long et double (spatial et temporel) parcours initiatique pour accéder au rang de compagnons ou d’enfants du progrès.

Le compagnonnage, histoire multiséculaire, c’est la transmission d’un savoir, de tours de main (gardés secrets), de maitre à élève. C’est l’apprentissage d’un véritable métier, nécessaire à la vie matérielle, à l’accomplissement de l’être et à l’équilibre social. C’est la quête d’un idéal, le besoin de se surpasser en développant ses capacités tant en habileté qu’en connaissances. C’est une tradition, des symboles, des coutumes pour marquer la continuité avec ceux qui ont marché sur la même voie. C’est l’adaptation aux changements et aux innovations. C’est la vie communautaire, l’entraide morale et matérielle. C’est le voyage et le partage de la vie des hôtes. Le compagnonnage, ce sont des techniques, teintées d’une certaine philosophie et baignées d’humanisme.

Le chef-d’œuvre des compagnons du Tour de France, c’est vraisemblablement le mythe fondateur de ce qu’on appelle, dans nos écoles, travaux de qualification ou de fin d’études. Mais qu’en est-il de la réalité ? En fonction de ce que vous vivez, de ce vous voyez, de ce que vous lirez dans ce numéro et de votre façon de l’interpréter, vous en arriverez à des conclusions claires ou diffuses, contrastées ou ambigües. Mais qu’importe pourvu que cela vous pousse, collectivement, à chercher et trouver des moyens pour donner sens aux travaux et aux apprentissages qui y mènent.