157 Edito

Que sont boire, manger, déféquer, copuler, sinon des besoins vitaux que le mammifère satisfait quasi instinctivement. Mais l’homme y a ajouté le plaisir. Le manque crée l’ennui, l’abstinence cause la souffrance mais l’excès nuit, et la répétition devient drogue. Pour éviter que sa recherche de jouissance le mène à l’indigestion, l’homme a essayé de boire sans être saoul, de manger sans grossir et de copuler sans se reproduire. Il a inventé la contraception.

Si tout s’arrêtait là, ce serait bien trop simple. La complexité en l’occurrence porte un nom: le psychisme. Contrôlé, raisonné, déluré, libéré, voire débridé, il guide tant bien que mal la vie de chacun. Ancré dans les relations avec le père, avec la mère, lié à l’éducation, baigné dans une culture; il interprète, pour l’un en bonheur, ce que l’autre a en horreur et il traduit, en frustration pour le premier, ce que le second réussit.

Mais au rayon des plaisirs il n’y a pas que la bouffe ou le sexe… Le mammifère a dû s’adapter au milieu de vie et faire preuve d’ingéniosité pour survivre dans un univers hostile. L’homme va plus loin, il transforme le milieu ou joue même à Dieu en le créant. Il joue aussi pour rien, il pond des idées, les fait rebondir, les associe, il invente et construit des théories pour expliquer son environnement, ses créations concrètes ou mentales et ses propres pensées. L’homme joue pour le plaisir, pour son plaisir. Le plaisir intellectuel est pur, sans amertume et sans effet secondaire non désiré.

Le sexe et l’intelligence sont au centre du plaisir, le plaisir est au centre de l’école. Mais il y a des existences sans sexe, des apprentissages sans plaisir, des écoles sans intelligence, des frustrations plein les têtes, des découragements plein les cœurs, de la violence plein les murs, des incendies dans les classes, des pompiers dans les profs et des fêtes qui se terminent en apocalypse.

Réintroduire le plaisir dans les cours, permettre à l’esprit d’être bien dans son corps, intégrer le corps à la société, c’est de la psychologie, de la pédagogie et de la politique. Quel métier difficile!