L’école a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Nous sommes nombreux à avoir attiré l’attention sur le risque de creuser les inégalités et sur les différences entre des écoles pour assurer le suivi des élèves et maintenir du lien. Serons-nous à la hauteur pour la rentrée de septembre 2020 ?
Le confinement ne se résume pas à une absence prolongée de l’école. Il a des conséquences sociales (aggravation de la fracture sociale et pas seulement des inégalités scolaires), psychologiques (les conditions de vie du confinement ne sont pas les mêmes pour tous) et scolaires (le trou dans les apprentissages creuse un peu plus l’écart).
Les conséquences du confinement sur la qualité des apprentissages et sur le décrochage d’un nombre important d’élèves doivent être prises en compte. Il ne s’agit pas seulement d’assurer la continuité pédagogique : l’échelle de temps doit être revue, ce n’est pas comme si on pouvait rattraper le temps perdu avec un peu de remédiation.
Si certaines familles baignent dans un flot d’informations sur l’état des connaissances médicales sur le virus, la réalité et les limites du risque de contamination, d’autres n’entendent que des informations lacunaires et contradictoires dont elles ne savent que faire. Et, bon nombre d’entre elles décideront peut-être de ne pas renvoyer leurs enfants, à l’école, entre mai et juin.
Pas parce qu’elles ont ce qu’il faut à la maison sur le plan pédagogique et socioculturel, mais parce qu’elles ont peur pour la vie de leurs enfants, faute d’explications claires et explicites sur la pandémie et son mode de propagation.
Dès lors, si les enseignants de leurs enfants n’ont pas amorcé ou maintenu un dialogue de qualité, la priorité pour les PMS d’ici la rentrée devra être de recontacter ces familles.
Pour elles, il y a urgence. L’urgence de prendre le temps de parler, devant leur porte ou par téléphone, et de leur donner suffisamment d’informations pour les éclairer sur les risques de la décision qu’elles prendront. Et une fois rentrés à l’école, le premier apprentissage qui leur sera proposé devra évidemment porter sur une approche de ce qui est en train de se jouer avec la pandémie : voilà une occasion de faire des maths, des sciences et du français qui fait du sens.
Tout le monde semble se focaliser sur l’obligation d’agir sur l’état des sanitaires dans les écoles, et c’est une bonne chose ! Spéciale dédicace à tous les enfants et aux adultes qui se souviennent qu’ils se retenaient toute la journée d’aller aux toilettes vu leur état de délabrement.
Mais il s’agit de bien plus que cela ! Devant l’impossibilité de concilier la nécessité de maintenir la distanciation et les différentes visions de ce qui était indispensable et prioritaire lors du déconfinement partiel des écoles, il était peu probable que massivement l’école puisse se centrer sur les élèves en difficultés d’apprentissage et de lien avec elle.
Pourquoi, par exemple, avoir ajouté les sixièmes primaires à la liste des années prioritaires ? À quoi bon continuer à jouer le jeu du CEB qui devrait perdre de son importance avec la mise en œuvre du tronc commun ? Pourquoi ne pas avoir considéré que la sixième primaire s’inscrit dans un continuum d’apprentissages et en profiter pour sortir de la logique de la sélection pour entrer dans celle de faire apprendre tous ?
L’école a besoin d’un vaste plan de reprise des apprentissages et de soutien aux écoles pour accompagner les élèves qui ont décroché ou qui sont en difficultés sur les plans scolaire, social et psychologique. L’année scolaire 2020-2021 sera une année spéciale dont l’organisation devra intégrer, dès la rentrée, les contraintes imposées par les conséquences du confinement (inégalités scolaires et socioéconomiques aggravées, apprentissages à rattraper).
Il s’agira de repenser l’école, de repenser la progression des apprentissages, la composition des classes, la taille des groupes d’élèves, d’aménager les horaires, d’apprendre à coopérer dans la classe, d’organiser de l’accompagnement personnalisé pour un nombre conséquent d’élèves et de mettre en œuvre des solidarités entre élèves, au sein des équipes éducatives et, pourquoi pas, entre écoles. Des solutions existent et pour une part, elles ont déjà été pensées dans le cadre du Pacte (accompagnement personnalisé, approche évolutive et spiralaire des apprentissages, évaluation formative, centration sur les essentiels, etc.)
Bien sûr, cela coutera plus cher parce que les besoins en encadrement augmenteront pour organiser l’accompagnement personnalisé et pour permettre à certaines classes, à certaines écoles, de travailler avec de plus petits groupes d’élèves quand les difficultés scolaires y sont plus nombreuses. En ce qui concerne les moyens budgétaires, des transferts de montants à l’intérieur du budget de l’enseignement pourraient être envisagés pour réorienter prioritairement les montants pendant une année sur les besoins liés aux conséquences du confinement, et au besoin de dépasser le budget afin d’éviter l’explosion prévisible des couts du redoublement, du décrochage et des tensions sociales en général.
Avec le Pacte et au-delà du Pacte, la FWB est au pied du mur : s’il s’agit de faire de la lutte contre les inégalités scolaires un objectif d’amélioration du système scolaire. Il ne faudra pas rater la rentrée scolaire de septembre 2020 et répondre aux attentes que cet espoir a suscitées, en adaptant les moyens à ses ambitions et en réussissant à mobiliser l’ensemble des acteurs au-delà des bonnes intentions !