Le gout ou le désintérêt pour la lecture sont intimement liés à l’histoire de chacun, notamment à l’histoire scolaire et ses différents temps.
Ses premiers souvenirs de lecture en primaire, Amin s’en rappelle très bien. Amin a d’abord appris à lire dans des groupes de niveaux, comme disaient les institutrices. Puis, un des rituels proposés par son enseignante était la lecture quotidienne d’une phrase inscrite au tableau. Il garde un très bon souvenir de la lecture en début de primaire car, pour lui, c’étaient principalement de bonnes histoires… Parallèlement, à la maison, il y a des livres : dernier d’une grande famille, ça aide ! On raconte des histoires dont on se souvient, en français, en arabe aussi. Les grandes sœurs adorent lire, du coup ça aide. On emprunte des livres pour le petit frère, on lit des histoires et on encourage à en faire autant.
« Vers la fin des primaires, nous faisions toujours des groupes pour la lecture sauf que nous devions lire un livre pour une certaine date et après on en parlait tous ensemble. » En sixième, ils étudiaient des poèmes (par cœur) et les récitaient devant la classe. Ils travaillaient l’intonation, la diction et la lecture à haute voix. Ces activités l’ont amené à lire de plus en plus et surtout à apprécier ce qu’il lisait : « mes premiers J’aime lire », des BDs, des premiers romans… Il aimait lire, ça, il s’en souvient. Il quittait les primaires en se disant que la lecture, il en ferait toujours, que ce serait idiot de ne pas faire quelque chose qu’on aime bien.
Arrive le début du secondaire et son incompréhensible besoin de tout « vérifier »… si le livre a bien été lu, si l’on se souvient des détails qu’un adolescent perçoit comme futiles… Amin raconte que son professeur aimait les livres « anciens » et qu’il ne mettait aucun gout dans ses cours. Après avoir lu le livre, il y avait une interrogation écrite et puis c’est tout… De quoi enlever le gout de lire pour un sacré moment ! Il raconte assez tristement l’épisode Anne FRANCK. Il rentrait de l’école avec, comme nouveau choix de livre, le célèbre Journal d’Anne FRANCK. Il se souvient de l’engouement et de la joie de sa grande sœur lorsqu’il lui annonça la lecture du mois ! Elle l’emmena acheter une « belle édition du livre », car un livre comme ça « on doit pouvoir posséder le sien », disait-elle. Triste déception lorsque Amin comprit que tout comme pour les livres précédents, il n’y aurait rien de plus qu’une lecture en devoir, une interrogation écrite et une note dans le bulletin…
Envolé l’espoir de retrouver les discussions et les débats du primaire. Ce n’était pas qu’un cauchemar, c’était pire ! Un de ses plaisirs les plus anciens venait de s’effondrer. Il ne prenait plus plaisir à lire, il ne lisait quasi même plus, il faisait simplement ce qu’on attendait de lui. Et en faisant, il découvrit les joies des résumés de livre sur internet et les Hé psst, de quoi il parle le livre ? « Imaginez la déception à la maison quand on s’est rendu compte que je n’aimais plus lire ! Ma plus grande sœur a tout essayé : des livres attirants, des livres effrayants, elle me prêtait ses livres, les siens, alors qu’elle ne les prête presque jamais ! Elle devait vraiment être désespérée ! »
L’année scolaire suivante, Amin change d’école, de professeur, mais reste fermé aux livres. Il raconte que son nouveau professeur de français était déjà plus jeune et arrivait avec des activités qu’il n’avait jamais vues en secondaire. Elle proposait des discussions autour de textes, elle proposait des livres adaptés à leur classe, des activités qui donnaient envie de s’intéresser aux livres. Amin raconte qu’il a commencé à reprendre gout à la lecture, car son professeur se mettait surement à leur place pour choisir les livres. Amin reste conscient qu’elle n’a pas de baguette magique, car son enseignante propose aussi des livres qui ne l’intéressent pas trop, mais au moins, en classe, ils ont des discussions, des échanges, ils font des activités qui intéressent…
À la maison, on se réjouit, on recommence à conseiller des livres, à accompagner gaiement en librairie pour acheter les livres demandés par l’enseignante, enfin, quand elle ne les commande pas pour toute la classe ! Amin raconte même ce qu’il fait en classe spontanément, chose qu’il ne faisait plus depuis… les primaires !
Il dit maintenant qu’il a retrouvé le plaisir de lire et qu’il regrette qu’il y ait des professeurs comme celui qui ne faisait rien des livres qu’ils lisaient. Quand on lui pose la question à savoir s’il laisserait une seconde chance au Journal d’Anne FRANCK…. ? Il répond qu’il ne sait pas, que ce livre lui avait malheureusement laissé un mauvais souvenir et qu’il regrette de l’avoir découvert comme ça. Peut être que s’il avait dû le lire avec son professeur actuel…