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Se questionner à propos d’« éthique », pour l’école ou pour ailleurs, est-ce peut-être entrevoir en toile de fond ces paquets de mots, de gestes, d’actes, de choix que posent des humains en espérant se considérer comme des sujets ?

Quand je dis « éthique », me viennent à l’esprit des banalités pleines de mots et de tons, de silences et de regards, de gestes et d’allures…
Toute forme de parole, qui mine de rien — ou de beaucoup — fait prendre une posture en traits épais ou en fine broderie. Question de quotidien.
Quand je dis « éthique », me viennent à l’esprit des situations de relations. Entre personnes, entre groupes, entre fonctions différentes, entre classes sociales. Et me viennent aussi des propos entendus en conseils de classe ou ailleurs : « Tu es de quel côté ? … Tu es trop de leur côté… » Mais de quel côté être si ce n’est pas à leurs côtés ? Question de choix.
Quand je dis « éthique », me vient à l’esprit de quoi colorer et nourrir des choix. Ce qui les oriente et les soutient ne s’explicite pas souvent. Des interlocuteurs peuvent ne pas s’en douter, voire interpréter ces choix comme des faiblesses, comme des réactions affectives ou pulsionnelles.
Et me viennent aussi des pulsions bien sauvages qui peuvent empêcher toute posture éthique ou au contraire — pourquoi pas — réellement les consolider. Il y a de ces coups dominateurs qui tuent tout sujet. Il y a de ces colères qui soulignent les gouts de justice, d’émancipation, de libertés collectives. Question d’attachement à des valeurs.
Quand je dis « éthique », me viennent à l’esprit ces traits d’intuitions rapides nés des terreaux et des terrains : je poserai tel acte, je dirai tels mots parce que le long temps passé avec les uns et les autres — surtout les uns — aura fait naitre telle conviction, telle solidarité, liées aux positions, conditions et consciences socioéconomiques et culturelles. On dit bien qu’il faut prendre « le temps de la distanciation et de la délibération, mais vivent aussi l’identification et la perception rapide… de tel enjeu de nature éthique dans une situation donnée et, notamment, dans les situations dans lesquelles nous sommes nous-mêmes impliqués1. » Question d’empathie. D’emblée.
Quand je dis « éthique », me vient à l’esprit Faouzia, médiatrice scolaire, au travail avec des collègues et des parents. En bataille avec les tensions et questions nées dans les terres « communau-taires — ou — taristes » et dans les profondes racines.
Quels liens à qui et pour quoi ? Quelles ouvertures à de l’autre au risque d’être vue comme une vendue, collabo ? Quels refus et allégeances au risque d’être vue comme obscurantiste, voire radicalisée ? Question de loyauté.
Quand je dis « éthique », me viennent à l’esprit des fonctions et des statuts qui ne sont pas égaux, habités justement ou non. Des façons d’exercer emprise et influence les uns sur les autres, en classe ou ailleurs. Pas spécialement liés aux fonctions de responsabilité ou de pilotage. Prendre des rênes, les tenir, faire seul ou ensemble… Question de pouvoir.
Quand je dis « éthique », me viennent à l’esprit, telles propositions concrètes et singulières construites avec tel jeune en difficulté, avec tel étudiant en peine de bon stage, avec tel parent déchiré et… avec l’invention qui déplace, avec le temps à y passer, avec le moteur qui y pousse. Question de désir.
Quand je dis « éthique », me viennent à l’esprit des « élèves qui ne peuvent pas être manipulés, que nous sommes obligés de traiter avec la plus grande affection, en mettant à disposition les instruments et les connaissances qui leur permettront de construire leur propre identité ». Des élèves et… des adultes qui se lèvent sans s’appeler « élèves ». Question de tendresse, bordel.
Pour les questions et questions de… y aurait-il des réponses toujours claires ? Il y a en tout cas ces choix posés au quotidien en fonction de valeurs, de désir, de loi, de loyauté, mais autant savoir via « literatura y psicoanalisis2 », que :
No todo tiene explicacion
No todo tiene respuesta
No todo tiene sentido
No todo es justo
No todo es logico
Apprende a vivir con eso.