Ces cours sont en fait
des leçons de morale
et de religion ! Ce qui
entraine que, dans
notre petit pays, il n’y
a pas d’enseignement
de la philosophie. Ou si
peu. Donc « religionS ».
Dans l’enseignement
public, un cours de
religion de chacun
des cultes reconnus
par l’État (israélite,
orthodoxe, musulman, protestant,
catholique) doit être proposé aux
élèves et aux parents. Dans l’enseignement
catholique, un seul cours :
de religion catholique.
LA QUESTION
Mais voilà, tout récemment,
en octobre dernier, le directeur
du Segec (Secrétariat général de
l’enseignement catholique) s’est
publiquement posé la question de
l’opportunité d’organiser aussi un
cours de religion musulmane dans
certaines écoles de son réseau : « La
question cruciale que nous posons
aux politiques est la suivante : est-il
juste, lorsqu’une majorité des élèves
fréquentant une école catholique est
de confession musulmane, de ne pas
leur offrir le choix de suivre un cours
de cette confession, même si le cadre
légal l’exclut actuellement ? » Les
termes dans lesquels la « question »
est posée ne laissent planer aucun
doute sur la réponse du patron.
Curieuse intervention qui a fait
l’effet d’une bombe et a pris de
court les observateurs les plus avertis.
C’est en effet au terme de trois
journées de Congrès (au cours duquel
il semble que cette question n’a
pas été abordée !) que le directeur,
dans un long discours de clôture, a
posé sa « question ». Éclipsant par là
nombre de thèmes intéressants.
Les sites d’info et la presse se sont
évidemment précipités sur ce sujet
saignant. La Libre allant jusqu’à
barrer sa Une d’un titre-choc : « Des
cours de religion islamique à l’école
catholique ». Sans point d’interrogation
! Avec une grande photo du
Coran en sus. Si on parlait plutôt de
religion musulmane ? Les réactions
critiques n’ont pas manqué : du syndicat
chrétien à la Fapeo. Les plus
virulents sont les professeurs de
religion catholique qui enseignent
dans ces classes à majorité musulmane.
Ils disent qu’il n’y a pas de demande
des enfants, ni des parents.
Mais surtout qu’ils font un travail
d’ouverture et de dialogue interreligieux
passionnant. De quoi amener
les élèves à mieux se connaitre, se
comprendre et, ils l’espèrent, dépasser
les stéréotypes et les caricatures.
À conserver absolument.
LE BON MOMENT
Coïncidence ? Cette sortie inattendue
du patron du Segec a eu
lieu au moment où s’ouvrait au
Parlement de la FWB un débat très
attendu sur un « tronc commun » à
tous les cours « philosophiques ».
Après les tentatives d’Hervé
Hasquin, de Richard Miller et de
quelques autres (dans les années
90 et 2000), la ministre Simonet
propose d’avancer sur trois axes :
le questionnement philosophique,
le dialogue interconvictionnel et
l’éducation à la citoyenneté. Sans
toucher à l’horaire des cours et à
l’emploi ! Bien vu. Même si cette
proposition divise le monde laïque.
Certains — et non des moindres —
estiment que « La multiplication
des cours de religion est un problème
en soi. Notamment parce que cela
constitue un manque de respect visà-
vis de la vie privée de la personne.
L’école doit être un lieu de vivre ensemble
où l’on enseigne un cours de
philosophie ou de morale à part entière
».
En effet, on peut légitimement
se demander si, 50 ans après le
Pacte scolaire qui a coulé dans la
Constitution une organisation des
cours « philosophiques » couteuse
et surtout communautariste, il ne
serait pas grand temps d’aller plus
loin, de rassembler. Sans oublier
que, dans une école de plus en plus
soumise au culte de la performance
et de la compétition, l’espace réservé
aux cours « philosophiques »
doit être préservé. C’est un des derniers
lieux où d’autres valeurs sont
de mise : gratuité, non-violence,
ouverture aux spiritualités, droits
de l’homme, équité…
REVOIR UN SYSTÈME DÉPASSÉ
L’école a pour mission de former
des citoyens responsables et
ouverts aux cultures de la planète.
Pour devenir des acteurs lucides
dans cette société d’aujourd’hui où
les conflits et tensions à dimension
religieuse se multiplient, n’est-il pas
indispensable que tous les jeunes
soient initiés à l’histoire comparée
des religions et spiritualités ?
Comme Régis Debray l’a proposé
et fait adopter en France (où il n’y
a pas de cours de religion dans les
écoles publiques).
L’école a pour ambition d’amener
les élèves à « penser par euxmêmes
». Elle doit développer
l’esprit critique. Est-ce qu’un enseignement
de la philosophie n’y
contribuerait pas grandement ?
Aujourd’hui, malgré les efforts de
quelques enseignants (souvent de
morale ou de religion), la majorité
des élèves sortent de l’enseignement
secondaire avec un bagage
philosophique pauvre, voire inexistant.
Est-ce que cela n’explique pas,
en partie, les réactions simplistes
et purement émotionnelles sur des
questions de droit, de morale et
d’identité ?
La montée des intégrismes, la
multiplication des marques d’intolérance
voire de racisme, mais aussi
l’analphabétisme culturel et religieux
de beaucoup de jeunes qui les
empêchent d’accéder à des oeuvres
fondatrices du patrimoine de l’humanité,
l’indispensable construction
d’un vivre-ensemble multiculturel
et multiethnique… tout plaide
pour une révision en profondeur
d’un système dépassé.