Déchainez-vous ! Réveillons-nous !

Anecdote : je suis pas peu fier (enfin…). Ma dernière contribution à ce blog « PISA : les écarts se creusent » a atteint un tel niveau de notoriété (restreins, m’petit) qu’elle a été publiée deux fois dans La Libre (12 décembre et 6 janvier). En janvier, je me suis aventuré dans l’espace « commentaires » du site (une bonne cinquantaine). La nausée ! Je n’y ai découvert que des propos haineux, vindicatifs, élitistes, … et quelques attaques ad hominem.

Rien d’étonnant me direz-vous. La fréquentation de ces espaces entraîne des rentrées publicitaires non négligeables. Plus ça saigne, plus on se défoule et plus ça rapporte. Bravo !

Pourquoi y revenir ? C’est un phénomène bien connu. D’accord, mais je suis inquiet de constater à quel point « les écarts se creusent » dans l’opinion publique sur une question aussi cruciale que celle évoquée par les « commentateurs » : « Quelle éducation pour nos enfants ? ». Dans la presse de référence, on peut lire des « opinions » ou « cartes blanches » d’auteurs aux sensibilités diverses (tant mieux) et aux analyses fondées sur des expériences de terrain, des recherches, des enquêtes, … Et puis, dans les mêmes journaux, sous couvert d’anonymat, s’expriment des gens de plus en plus convaincus qu’il faut sélectionner davantage, orienter et faire le tri, que la compétition est la loi de nos sociétés et qu’il faut donc y préparer dès que possible les élèves. Que l’école doit préparer à l’emploi et que le reste est un « supplément d’âme », accessoire. Merci la liberté d’expression.

Nous sommes très loin des « missions de l’école » fixées par un décret en 1997. Elles sont toujours la loi ! On y met en avant : confiance en soi pour tous les élèves, émancipation de tous les élèves, ouverture aux cultures, citoyenneté, solidarité, maitrise de compétences multiples, … Le moment ne serait-il pas venu, pour les politiques en particulier, de réaffirmer courageusement ces missions ? D’évaluer leur mise en œuvre.

Et les citoyens ? La presse leur offre-t-elle suffisamment de débats de fond ? Leur donne-t-elle accès à la pensée de « prophètes » comme Edgard Morin, Albert Jacquard, Michel Serres,….. De personnalités soucieuses du long terme, des générations futures, du sort de la planète ?

J’en profite pour vous partager une découverte récente : les réflexions de Pierre Rabhi sur le sujet : « … il faut être en priorité attentif à l’enfant, en développant une pédagogie de l’être qui permette avant toute chose de le faire naître à lui-même, c’est-à-dire de l’aider à révéler sa personnalité unique, ses talents propres, pour répondre à la vocation que lui inspire sa présence au monde et à la société. C’est le doter d’une cohérence intérieure qui lui donnera le sentiment d’être à sa véritable place dans la diversité du monde. Pour que cette naissance à soi-même advienne réellement, il est indispensable d’abolir ce terrible climat de compétition qui donne à l’enfant l’impression que le monde est une arène, physique et psychique produisant l’angoisse d’échouer au détriment de l’enthousiasme d’apprendre » [1]Vers la sobriété heureuse, Babel, n° 1171, 2013.

Réveillons-nous toutes et tous. Exigeons et nourrissons des débats citoyens sur ces questions cruciales. Gare à la lame de fond insidieuse qui pèse sur les enseignants qui sont attachés aux missions de l’école et leur donnent la priorité au quotidien.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Vers la sobriété heureuse, Babel, n° 1171, 2013