Des écoles plus efficaces

Dans une volonté de rendre le système scolaire plus équitable et de lutter contre une école à deux vitesses, la Fédération Wallonie-Bruxelles a commandité une recherche au département Éducation et technologie de l’Université de Namur[1]Charlier, E, Albarello, E., P. Anselin, Ph., Tripnaux, C. (2013)., Revue de la littérature sur les politiques prioritaires, analyse de contenus et des processus de constructions des PGAED., … Continue reading dont les objectifs étaient de repérer, dans la littérature scientifique, les leviers qui peuvent soutenir l’action des acteurs éducatifs pour développer une école plus équitable et plus efficace pour tous.

Dans cet article, nous dégageons, de la littérature, quelques balises sur lesquelles les acteurs scolaires pourraient s’appuyer pour analyser et développer le système scolaire.

Partant de la réalité de la classe, nous nous sommes demandé quelles étaient les pratiques pédagogiques les plus efficaces.

Des enseignants réflexifs

Comme on pouvait s’y attendre, l’enseignant constitue un élément central ; l’impact de ses pratiques pédagogiques sur les élèves est souligné. Par sa capacité à évoluer, à remettre ses pratiques en question, à les évaluer et à les modifier, à interroger les savoirs qu’il enseigne, il peut aider l’élève à dégager du sens et lui rendre les savoirs accessibles. De plus, sa capacité de renvoyer à l’élève une vision positive de lui-même est primordiale pour soutenir l’amélioration des résultats des enfants qui lui sont confiés, particulièrement en cas de difficultés scolaires. Des exigences fortes en matière d‘apprentissage vis-à-vis d’une classe contribuent à élever le niveau de tous les élèves.

C’est la représentation du métier qui est questionnée ici, et donc l’identité professionnelle de l’enseignant. Sans remettre en question ses rôles de transmetteur de savoirs ou de socialisation, l’enseignant a comme mission de veiller à développer ou renforcer chez l’élève une image positive de lui-même.

Des occasions d’apprentissage différenciées pour les élèves

Face à des publics variés, l’enseignant doit différencier les situations d’apprentissage qu’il propose aux élèves. Il existe de multiples méthodologies et outils de différenciation, il ne s’agit pas ici de les hiérarchiser, mais d’attirer l’attention sur l’importance de les utiliser de façon complémentaire pour rencontrer les différences entre les élèves. C’est donc une réflexion sur la capacité de l’enseignant à diagnostiquer les spécificités des élèves et à pouvoir y adapter son enseignement qui est mise en exergue. Cela suppose la maitrise de différents outils et stratégies pédagogiques pour pouvoir varier les approches.

Nous pourrions dire que ces deux premières balises questionnent tant la formation initiale que continuée en interrogeant à la fois l’identité professionnelle de l’enseignant et ses compétences professionnelles.

Des classes hétérogènes

Tout ne repose pas sur les épaules des enseignants : l’établissement scolaire et la façon dont il est organisé et dirigé peuvent également soutenir l’apprentissage des élèves. Miser sur l’hétérogénéité des classes est favorable au développement des élèves en difficulté. Il s’agit donc de bannir ici la constitution délibérée de classes faibles et de classes fortes, car cela figerait à long terme des regroupements par niveau et contribuerait à étiqueter les élèves. La constitution de classes fortes et de classes faibles n’est pas favorable aux apprentissages, particulièrement à ceux qui se retrouvent étiquetés comme faibles.

Une école favorable au développement professionnel des enseignants

L’école est un lieu de vie et d’apprentissage pour les élèves, mais aussi pour les enseignants. L’école devrait également pouvoir offrir à l’enseignant l’occasion de partager ses expériences avec ses collègues et de collaborer à la construction de projets et de dispositifs pédagogiques, en un mot devenir apprenante pour l’enseignant aussi. C’est donc le climat et la culture de l’école qui sont ici interrogés. Cette culture est notamment le fruit du type de leadership développé. Un management distribué, favorisant la coopération et les interactions entre les différents acteurs de la communauté éducative, est favorable au développement de pédagogies ouvertes et innovantes.

Ces troisième et quatrième balises insistent sur l’importance d’une réflexion sur la gestion des établissements et sur la formation initiale et continue des cadres scolaires.

Un système éducatif refusant les orientations précoces

La gouvernance est également questionnée. Un premier élément évoqué est la référence à un tronc commun assez long pour permettre de faire face à l’hétérogénéité des élèves. Prolonger la scolarité commune diminue l’impact de l’origine sociale car cela permet de retarder les choix d’options et, ainsi de laisser plus de temps aux enfants de milieux défavorisés pour définir des choix de vie qui reflètent leurs potentialités et leur permettent d’échapper à certains déterminismes sociaux.

De réformes ouvertes aux spécificités des établissements et accompagnées

Le passage d’une gestion centralisée à une gestion plus locale, une ouverture de l’école vers son environnement, un renforcement de l’autonomie des établissements permettent de faire face plus aisément à la diversité des populations scolaires et à la complexification de l’acte d’enseignement. Une plus grande autonomie des établissements scolaires peut aider à l’appropriation personnalisée des réformes. Ils peuvent plus aisément en être les acteurs en les relayant, les interprétant et en les adaptant aux spécificités de leur terrain, moyennant un accompagnement par des services extérieurs n’entretenant pas de relations hiérarchiques avec ces écoles. L’accompagnement favorise une réflexion métacognitive sur les changements pratiqués et leurs enjeux au sein des établissements.

Les cinquième et sixième balises rappellent l’importance de replacer le problème de l’efficacité de l’école dans une vision systémique qui interroge les acteurs à tous les niveaux du système scolaire.

En conclusion

On peut dire que même s’il n’y a pas de modèle de l’école efficace, on peut dégager de la littérature quelques balises pour construire une école adaptée à son contexte et à ses acteurs. Au temps des certitudes et de la centralisation des décisions semble devoir succéder un temps de confiance dans les acteurs de l’école. Ceci ne va pas, bien entendu, sans une réflexion sur leurs conditions de développement professionnel et dès lors sur leur formation, tant initiale que continue.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Charlier, E, Albarello, E., P. Anselin, Ph., Tripnaux, C. (2013)., Revue de la littérature sur les politiques prioritaires, analyse de contenus et des processus de constructions des PGAED., Recherche en éducation n° 155/12 financée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, rapport final, novembre 2013. Namur : Université de Namur.