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Rien au départ. C’est la réponse que je donne à la question qui m’a été posée : « Qu’est-ce que cela change dans la pratique enseignante quotidienne de faire partie d’un mouvement comme CGé ? » Mais c’est un jeu qui rapporte, vous ne vivrez plus comme avant…

Pour mieux comprendre, faisons un parallèle avec cette situation des profs de math et de français qui avaient décidé de se retrouver autour de questions d’histoire de certains concepts mathématiques, dont celui de limite notamment. Ils avaient commencé leur recherche sans aucune visée ou arrière-pensée pédagogique, mais ils affirmaient qu’au bout du compte, la richesse de ce travail avait complètement modifié leurs pratiques en prenant conscience de difficultés mathématiques, d’obstacles épistémologiques et des chemins empruntés par ceux qui avaient élaboré ces concepts.

Pourquoi jouer ?

Avant de préciser les apports du mouvement, il est nécessaire de comprendre pourquoi on rallie un mouvement comme CGé. À mon sens, parce qu’il y a questionnement et recherche de solutions.

En fin d’humanités, nous étions en révolte contre nos professeurs et leurs méthodes que nous qualifiions de surannées. Un peu plus tard, quand j’ai fait un stage passif dans le cadre des cours d’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur, j’ai constaté l’ennui des élèves au cours. Une fois sorti, je voulais faire autre chose, autrement.
« CGé est une alarme, uûüut. »
En quête de soutien, réflexions et méthodes, j’ai fait partie du GEM (groupe d’enseignement mathématique de LLN) où l’on produisait collectivement des séquences de cours et où on réfléchissait à l’enseignement des maths. Et de là, j’ai été entrainé à CGé où je pouvais rencontrer des enseignants de toutes branches et de tous niveaux.

Petit à petit, tant dans ma démarche personnelle que dans l’évolution du mouvement, les préoccupations pédagogiques et didactiques en ont amené d’autres, plus philosophiques, sociologiques et institutionnelles.
Pour gagner quoi ?
Il n’y a pas de socioconstructivisme sans construction élaborée d’un enchainement de situations problèmes. On ne peut y arriver qu’en travaillant en groupes, en pillant les productions d’autres groupes, en s’instruisant des résultats de recherches dans les domaines qu’on enseigne.
On ne peut pas mener activement une classe active composée d’élèves actifs sans échanger des pratiques, sans confronter des principes, sans débattre des méthodes avec des collègues. Dans son école, on se sent seul, parfois même très seul. À CGé, on rencontre des camarades qui veulent relever ces défis dans leur branche, en interne ou au travers des contacts avec des mouvements frères.
Avec les meilleures séquences de cours pensées avec le plus grand soin, on peut se planter parce que le public est peu réceptif à ce qu’on propose, parce que la classe explose, parce que certains élèves pètent les plombs, parce que le prof (qu’on est) dérape. On ne peut enseigner aujourd’hui sans comprendre au moins un peu ce qui se passe dans son école et dans la société. On doit pouvoir comprendre et expliquer les comportements des élèves. On doit pouvoir analyser ses propres réactions. Où discute-t-on de ces choses-là ? Dans un mouvement comme CGé !

Alarme

Ce n’est pas tout d’être devenu riche, il faut encore le rester. Tout banquier vous le dira, il ne faut pas dormir sur ses lauriers. Il faut réinvestir en permanence, il faut rester sur ses gardes et ne pas dilapider en quelques instants ce qu’on a mis du temps à construire.

Pour moi, CGé est une alarme. Quand je cède au découragement, uûüut. Quand j’invoque le fatalisme, uûüut. Quand je trouve que les élèves sont pourris ou biesses, uûüut. Quand j’ai envie de jouer au démago plutôt qu’à l’adulte qui cadre et responsabilise, uûüut. Quand j’oublie que j’ai une part de responsabilité dans l’échec d’une classe, uûüut. Quand je n’ai pas suffisamment essayé d’autres moyens, d’autres formes, uûüut. Quand il est temps d’envisager de nouvelles pistes, uûüut.

J’ai une collègue d’origine turque, architecte d’intérieur de formation, qui enseigne le dessin notamment dans une école de classe 1 et dans une école de classe 20. Géographiquement, c’est moins de 7 km, moins de 10 minutes en voiture. Culturellement et sociologiquement c’est le plus grand écart non seulement au su des indices, mais au vu des réalités. Chacune des écoles a un recrutement très local. Deux mondes si proches, mais l’un est au centre-ville et l’autre en périphérie ; deux mondes si éloignés, chacun avec son école ; des barrières étanches et des carrières presque toutes tracées en fonction du lieu de naissance ; des frontières immuables qui le resteraient en intervertissant, par exemple, les deux corps professoraux. Qui peut trouver ça normal ? CGé est un rappel permanent que les inégalités existent, que tous les acteurs de l’enseignement de la classe 1 à la classe 20 doivent en être conscients, que sans mobilisation générale et sans mixité sociale, il n’y aura pas de changements.