Le décret « Missions », dans sa version de juillet 1997, contraignait les chefs d’établissements scolaires à signaler au Conseiller de l’Aide à la Jeunesse la situation des jeunes qui dépassaient vingt demi-jours d’absence non-justifiée. Cette disposition a fort heureusement été modifiée en 2006 par le décret renforçant les dispositifs d’accrochage scolaire.
L’obligation de signalement au SAJ a présenté au moins deux mérites :
l’éducatif et le social, plus encore que par le passé, ont été invités à l’échange. Sur le terrain, les contacts, les collaborations se sont multipliés. Des initiatives communes se sont développées. Une (re)connaissance mutuelle s’est imposée. Plus personne aujourd’hui ne peut contester le lien qui s’établit entre les difficultés d’ordre social, familial et personnel d’une part et d’ordre scolaire d’autre part, ni l’exigence de transversalité dans la prise en charge des jeunes en difficulté.
ensuite, cette procédure de signalement a prioritairement ramené la gestion de l’absentéisme scolaire sur le champ de la prévention, du social et de l’éducatif. L’absentéisme scolaire est d’abord entendu comme un appel à l’aide avant de recourir à l’autorité du policier ou du juge.
Cette procédure de signalement était en réalité peu soucieuse des principes et des pratiques de l’aide à la jeunesse. Durant près d’une décennie, elle a pesé sur les rapports entre le SAJ et l’école. Trop heureuse de se voir offrir une aide dans la gestion de l’absentéisme scolaire, l’école n’a pas toujours pu ou voulu comprendre ou même accepter le cadre d’intervention spécifique du SAJ. D’où, de multiples malentendus et de nombreuses insatisfactions.
L’absentéisme comme symptôme
Le Conseiller de l’Aide à la Jeunesse s’est vu placé au centre du dispositif de gestion de l’absentéisme scolaire, tout en étant de surcroit dans l’incapacité structurelle de répondre aux attentes de l’école. Le SAJ s’est trouvé ainsi engorgé au détriment de ses autres prises en charge (par exemple, à Bruxelles, plus ou moins 2 500 signalements d’absentéisme scolaire par an).
Le renforcement des moyens d’intervention des CPMS en matière d’absentéisme, de décrochage voire de violence scolaires aurait été bien plus efficace et plus respectueux des missions de chacun.
En signalant l’absentéisme au SAJ, l’école attendait de celui-ci un contrôle social et une rapide réintégration scolaire des jeunes. Or, le SAJ aborde l’absentéisme scolaire plutôt comme le symptôme d’une difficulté psychologique ou sociale ou d’un dysfonctionnement familial. En d’autres termes, le SAJ n’intervient pas sur l’absentéisme en tant que tel. Son travail est axé sur les conditions psychologiques, familiales ou sociales favorisant entre autres la reprise de la scolarité. Le SAJ n’est donc pas à proprement parler un dispositif de raccrochage scolaire.
L’intervention du SAJ suppose l’adhésion des jeunes et de leur famille à un programme d’aide. Entendre et comprendre une difficulté, préparer et négocier un programme d’aide demandent du temps. L’action du SAJ mise donc sur le temps, ce temps qui est la condition d’une relation d’aide acceptée. Le SAJ revendique de pouvoir en disposer… ce qui lui est souvent reproché par l’école.
Refonder la relation parents-école
Une gestion efficace de l’absentéisme scolaire passe d’abord par un réinvestissement des missions d’éducation et de socialisation de l’école. L’absentéisme voire la violence scolaire ne trouveront pas leur meilleure solution dans une externalisation du problème vers des services comme le Service de l’Aide à la Jeunesse au risque d’une délégitimation, d’une perte de sens et d’autorité de l’école.
La multiplication des dispositifs extra-scolaires contribue à l’éclatement ou à la dilution des responsabilités (de moins en moins on gère, de plus en plus on relaie), à un désengagement de l’école, à la démission ou au désarroi de nombreux parents se vivant de plus en plus comme incompétents ou dépossédés de leur autorité éducative.
Ce qui a changé suite au décret 2006
Le décret du 15 décembre 2006, renforçant le dispositif des « services d’accrochage scolaire », modifie le décret « Missions » en ce qui concerne le signalement des absentéismes scolaires. Ce décret met fin au signalement automatique de l’absentéisme scolaire au SAJ. Il réaffirme le rôle prioritaire des CPMS (se référer aux circulaires 1971 et 1972 pour l’enseignement secondaire) ainsi que le devoir, pour le SAJ et l’école, de collaborer pour tous les mineurs en danger ou en difficulté.
L’école interpellera le SAJ après avoir activé les services de première ligne. L’information adressée au SAJ précisera notamment ce qui a été entrepris par l’école (PMS, visites aux parents,…), les éventuelles absences ainsi que les éléments ou les indices (éventuellement l’absentéisme scolaire) qui font craindre que l’enfant soit en danger psychologique ou physique ou confronté à des difficultés graves.
Notre cadre de collaboration étant ainsi définie, le SAJ, et ce sera la conclusion de cet article, pourra répondre à :
une demande de coordination entre les différents intervenants. Le Conseiller détermine les finalités de l’intervention sociale et éducative, en garantit son exécution et son évaluation régulière (par la contractualisation d’un accord-programme engageant les différents partenaires, mandatés ou non).
une demande d’aide complémentaire, par la mise en place de services spécialisés et mandatés du secteur de l’aide à la jeunesse.
une demande de concertation ou de médiation. Autorité sociale, le Conseiller rappelle la Loi (dont nous sommes tous dépositaires), dénoue les enjeux et les contentieux en repositionnant chacun à sa juste place dans la relation éducative et sociale.
une demande de prise en charge, dans le cadre des articles 30 (exclusion scolaire) et 31 (situation de crise nécessitant un éloignement scolaire) du décret discrimination positive du 30 juin 1998 modifié par le décret du 15 décembre 2006.
une demande de collaboration avec un service d’accrochage scolaire (SAS, décret du 15.12.2006).
une demande de bilan médico-psychologique, de guidance psycho-éducative ou de thérapie familiale auprès d’une équipe SOS Enfants que le SAJ peut mandater dans les situations de maltraitance.
Le cadre général de l’aide à la jeunesse
Depuis 20 ans déjà, une bonne part de la protection de la jeunesse a quitté le giron fédéral pour être confiée aux Communautés, à la suite des lois de réformes institutionnelles d’aout 1980 et d’aout 1988.
En découle un système de protection de la jeunesse « déjudiciarisé » : l’aide à la jeunesse voit le jour. Le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse en est l’élément organisateur fondamental.
Le décret organise l’aide à la jeunesse selon les priorités suivantes :
- le caractère supplétif de l’aide à la jeunesse. L’aide sociale générale, c’est-à-dire l’aide dispensée par les services de première ligne tels que les CPAS, les CPMS, les services de santé mentale (SSM), doit être envisagée en priorité. L’aide à la jeunesse, appelée aussi aide spécialisée ou acceptée, en est le complément. La prise en charge par les services [1] de l’aide spécialisée ne peut être qu’exceptionnelle et provisoire.
- la volonté de déjudiciariser. Il s’agit de trouver, autant que possible, des réponses sociales aux difficultés sociales. Une recherche de solutions avec la famille doit être privilégiée dans le cadre de l’aide acceptée. Le Tribunal de la Jeunesse intervient seulement lorsque le danger est grave et que le jeune et sa famille refusent l’aide proposée ou négligent de la mettre en œuvre.
- la prévention. Il est nécessaire d’agir prioritairement sur les causes qui provoquent les situations de difficulté et de danger (par exemple, les difficultés sociales, les problèmes de logement, la grande pauvreté,…).
- le respect des droits fondamentaux du jeune. Le droit d’être entendu, d’être accompagné dans ses démarches au SAJ, de consulter son dossier, d’être assisté d’un avocat,…
- la priorité à l’aide dans le milieu de vie. Il faut d’abord veiller à apporter une aide qui privilégie le maintien des jeunes dans leur environnement et dans le respect de leurs liens familiaux.
L’organisation du Service de l’Aide à la Jeunesse
Le décret de l’aide à la jeunesse institue le Conseiller de l’Aide à la Jeunesse qui dirige le service de l’aide à la jeunesse (SAJ). Le SAJ comporte une section sociale (les délégués qui apportent l’aide individuelle) et une section de prévention générale.
Le Conseiller et le SAJ proposent une aide aux jeunes de moins de 18 ans en difficulté, aux enfants en danger ainsi qu’aux personnes qui éprouvent des difficultés dans l’exécution de leurs obligations parentales. Les demandes d’aide émanent des intéressés eux-mêmes, de leur entourage proche ou de toute instance sociale (PMS, CPAS, SSM, Écoles, Parquet…). Ces demandes sont adressées par écrit au Conseiller ou introduites à la permanence sociale du service.
L’examen de la demande
Sous la responsabilité du Conseiller, les délégués du SAJ évaluent la nature du problème (danger ou difficulté) ainsi que les ressources disponibles dans le milieu familial et l’environnement social. Il s’agit d’abord d’informer, d’orienter si possible et d’accompagner vers l’aide sociale générale ou spécifique (scolaire, médicale, juridique, psychologique).
L’établissement d’un accord-programme écrit
Si l’aide demandée ne peut être dispensée par les services de première ligne, alors seulement et avec l’accord des personnes intéressées, le Conseiller confie à son service social ou à des particuliers (famille d’accueil) ou enfin à des services spécialisés mandatés ou partenaires (équipe SOS Enfants, Service d’Accrochage Scolaire (SAS), IMP/SRJ, AMO,…), le soin d’apporter l’aide appropriée durant le temps nécessaire.
Dans ce cas, un programme d’aide est préparé par le délégué du SAJ, négocié et conclu avec le Conseiller (signature d’un accord-programme). Cet accord est régulièrement suivi et évalué, au plus tard dans les 12 mois.
[1] À titre d’exemple : Centre d’aide aux enfants victimes de maltraitances (CAEVM), Centre d’accueil d’urgence (CAU), Centre d’orientation éducative (COE), Centre d’observation et d’orientation (COO), Centre de premier accueil (CPA), Service d’accueil et d’aide éducative (SAAE), Service d’aide et d’intervention éducative (SAIE), Service de placement familial (SPF).