De grâce, cessez de considérer les services publics
comme l’oeuvre de Dieu et les intérêts privés comme la
part du diable. L’État prône le light, allège la fiscalité des
entreprises qui embauchent, dégraisse la lourdeur administrative,
privatise pour endiguer la sclérose publique et
accueille à bras ouverts ceux qui ont réussi et qui nous
font rêver. Les grandes entreprises mettent leur expertise
et savoir-faire au service de toute la société, les patrons
nous indiquent la marche à suivre, les banquiers nous
ouvrent des opportunités et les économistes multiplient
les métaphores pour faire comprendre les moyens de
créer du développement et de la croissance générateurs
d’emploi.
Est-ce vraiment du délire, qu’en contrepartie de tous ces
efforts du privé, on invite les chômeurs à s’activer, on
propose aux travailleurs de sacrifier un saut d’index pour
assumer leur part légitime face à la crise ? Est-il tout
à fait inconsidéré d’attendre de l’école qu’elle s’adapte
à son monde, qu’elle pactise pour l’excellence, qu’elle
« teache » for Belgium, qu’elle forme des jeunes prêts à
s’insérer sur le marché de l’emploi ?
Si tant de gens le pensent ! Si même les politiques de la
droite au centre en passant par la gauche rose et molle le
croient ! S’il y a des preuves que ça marche : Géoroute et
une poste toujours plus efficace et au service des gens,
des plans de transport toujours renouvelés et des trains
toujours plus à l’heure ! Si, dans la gazette de ce matin,
cinq économistes belges rappellent que l’école francophone
(tout comme la justice) est parmi les mieux financées
au monde, mais que ses performances ne sont pas
brillantes ! Qu’attend-on ?
Qu’attend-on ? Pour refaire de la politique pour et par le
peuple ? Pour sortir du dogme économique et financier
dominant ? Pour se laisser emporter par un vent du sud
qui nous pousse à remettre au centre de nos préoccupations
des termes comme souveraineté, dignité, espoir,
justice ? Pour se libérer des parangons de la liberté d’entreprise
et de profit qui nous admonestent continument
leurs recommandations qui lavent et délavent notre cerveau
et celui de nos concitoyens ? Pour bâtir une école
qui apporte le plaisir et donne le gout d’apprendre, une
école qui instruit, rend critique et libère ? Qu’attend-on ?
Comité de rédaction