Des élèves en recherches autour de la problématique de l’équilibre : de l’activité scientifique à la création d’une oeuvre d’art, en passant par la nécessité de mesurer et de communiquer par écrit.
Voici telles quelles quelques activités vécues. Lors de la séquence précédente, les élèves avaient été mis au défi de maintenir en équilibre le plus longtemps possible une bouteille sur un livre dont on soulevait lentement une des extrémités. Nous reprenons le tableau sur lequel nous avions noté nos conclusions.
• La bouteille tient mieux quand on la remplit, mais pas tout à fait.
• Il faut mesurer le « penché ».
Je demande aux élèves s’ils veulent ajouter quelque chose à ces conclusions avant que nous ne commencions l’activité et je note les remarques qu’ils proposent. « On peut remplir la bouteille avec de l’eau, des cailloux ou... ? »
J’avais noté que Kim, Jeanne, Boris et Noé n’avaient pas partagé leurs expériences. Je les interpelle et ajoute ce qu’ils disent :
On a ajouté une « jupe en papier » autour de la bouteille.
On a ajouté de la plasticine du côté contraire au penché.
On a mis un bloc entre la bouteille et le livre.
Du penché à l’angle
Quand nous sommes tous d’accord sur le contenu des notes, je propose qu’on commence par apprendre comment mesurer « le penché », afin de pouvoir réaliser des expériences mesurées à partir desquelles nous pourrons tirer des conclusions plus intéressantes.
Chacun, dans son cahier, est invité à dessiner et à imaginer comment prendre les mesures nécessaires. Après deux minutes, nous nous rassemblons en cercle. Sur une feuille, au milieu, je garde les traces des discussions.
Plusieurs élèves demandent comment on peut mesurer avec l’équerre du tableau qui jusqu’à présent nous a aidés à tracer des droites parallèles. Boris, qui nous a fait la proposition, nous montre comment faire. « Cédric, tu veux bien m’aider à tenir le livre comme si on avait fait une expérience. Voilà, je mets le milieu de l’équerre à la pointe du livre et du sol. Puis je regarde jusqu’où le livre arrive. Il est écrit 50. Donc ça fait 50. » Lilas ajoute : « Il est aussi écrit 130. Comment tu peux savoir que tu dois prendre 50 ? » Sur la feuille collective, j’ajoute : « Comment choisir entre 50 et3 ? »
Moi : J’ai des équerres comme celle du tableau, mais en plus petit. Et voici quelques angles tracés sur une feuille. Je vous propose par trois, de les découper et de les mesurer des deux manières proposées et de noter les mesures obtenues.
Johan : Le dernier c’est un « coin droit », comme on avait fabriqué pour vérifier si nos étagères étaient bien « d’équerre » avant de visser les croisillons !
Les élèves ont tous envie de bouger, de se mettre au travail... Cette dernière remarque est un peu passée inaperçue. Nous y reviendrons. En attendant, je signale à Johan que j’ai entendu : « Ah ! Tu te souviens de ça ? »
Johan : Oui, et toutes les autres ouvertures sont plus petites que le « coin droit ».
Moi : C’est vrai, peut-être que tu pourras te servir de cette info pour mesurer tes angles ?
Les élèves se mettent en groupe et se lancent dans le travail. La feuille synthèse des discussions est affichée au tableau. Je prends du recul par rapport à la classe et observe les relations qui se nouent entre les élèves. J’interviens dès que j’observe un élève en erreur : celui qui place mal le centre de son équerre, celui qui oublie de mettre la latte verticalement par rapport au sol (ou au banc). J’observe aussi que plusieurs élèves n’ont pas besoin de dresser l’angle, qu’ils mesurent correctement alors que l’angle est à plat sur le banc.
Des obstacles à la précision
Après une dizaine de minutes, nous nous réunissons à nouveau en cercle. Ceux qui ont eu des difficultés s’expriment en premier.
Paul : Certains angles n’étaient pas assez « grands »... ils n’arrivaient pas jusqu’aux nombres de l’équerre. Je ne sais pas combien ils mesurent.
Célestine : Moi j’ai allongé le côté avec une latte, comme si j’avais mis la latte sur le dessus du livre. Ça ne change rien à l’ouverture du livre...
Kim : Mais tu ne voulais pas m’aider à tenir l’angle debout sur le banc, alors moi je ne savais pas mesurer.
Hugo : Moi j’ai mis l’angle sur le banc, en plaçant « le sol » de l’angle contre le bord du banc... Après j’ai mesuré à plat comme si j’étais en l’air..
Moi : Pouvez-vous rappeler le problème et la solution qui est proposée ?
Plusieurs doigts se lèvent, à chaque rappel, je laisse une trace.
Lilas : L’angle n’est pas assez long pour arriver aux mesures sur l’équerre, on peut prolonger le côté avec une latte.
Tom : Quand on veut mesurer tout seul, c’est plus facile de poser l’angle, à plat, sur le bord du banc et faire comme si ce bord était le sol.
Je relance les enfants au travail en les invitant à mesurer seuls au moins trois angles et les laisse de nouveau une dizaine de minutes en recherche. Cette fois, je passe près de chacun, vérifie ses procédures, fais oraliser la technique de mesure : « Je place la pointe de l’angle sur le zéro de l’équerre et le bord de l’équerre sur le côté de l’angle. Je prolonge l’autre côté si c’est nécessaire. Je mesure et je note les deux nombres.... »
Lilas : Tu vois, là, le coin droit, il n’y a qu’un nombre : 90. Est-ce que ça veut dire qu’avant c’est plus petit que 90 et après plus grand que 90 ? Alors cet angle mesure 50 et pas 120.
Moi : Comment pourrais-tu vérifier ta supposition ?
Lilas : Je pourrais aller regarder dans le lexique mathématique.
Moi : D’accord. Tu nous raconteras.
Nous nous retrouvons encore une fois en groupe de discussion. Les enfants relèvent que l’angle C arrive à la même hauteur avec la latte que A alors que le livre est moins soulevé par rapport à la table et que B et C ont la même ouverture, seule la longueur du livre (côté) a changé. Lilas nous informe que l’angle se mesure en degrés et que l’angle droit mesure 90°.
J’ai pris note ou corrigé (effacé, complété) sur la feuille de référence au fur et à mesure des interventions.
Moi : Mais, pourquoi est-ce qu’on a appris à mesurer un angle ?
Lilas : Parce qu’on voulait voir quelle était la méthode la plus efficace pour faire tenir une bouteille en équilibre.
Moi : Est-ce que tout le monde a compris comment mesurer un angle ?
Trois doigts se lèvent.
Moi : Que proposez-vous comme solution ?
Kim : Tu nous expliques encore un peu maintenant.
Margot : Je suis d’accord.
Pol : Moi je préfère que tu restes près de moi pendant que je fais et que tu me corriges.
Moi : D’accord. Est-ce que vous vous souvenez comment on pouvait faire pour améliorer l’équilibre de la bouteille ?
1. Remplir la bouteille un peu avec de l’eau.
2. Remplir la bouteille un peu avec des graviers.
3. Mettre une jupe à la bouteille.
4. Mettre de la plasticine du côté opposé à la pente sur la bouteille.
5. Mettre un bloc entre la bouteille et le livre.
Je propose aux élèves de se mettre en équipe et de vérifier scientifiquement nos hypothèses. Nous reprenons l’affiche sur laquelle nous avions noté la procédure et je propose de l’affiner.
Procédure de recherche :
• choisir une expérience et la schématiser.
• rassembler le matériel et expérimenter en variant une seule donnée.
• mesurer et noter les résultats dans un graphique.
• choisir une nouvelle expérience. (non)
Toujours plus loin
Pendant que les élèves se mettent au travail par deux, je reste avec les trois élèves en difficulté et leur propose de nouveaux angles à mesurer. Je les regarde faire, leur demande d’oraliser ce qu’ils ont l’intention de faire, les encourage dans leurs bonnes démarches et corrige les autres. Après une dizaine de minutes, ils sont prêts à mesurer leurs angles. Je les invite à faire les expériences à trois en vérifiant chaque fois à deux la mesure des angles prise.
Pendant 35 minutes, je les observe travailler. Puis petit à petit, un léger brouhaha s’installe... Un élève a réussi à faire tenir sa bouteille jusqu’à 40°. Quelques groupes se déplacent pour voir comment il a fait... Jusqu’à ce qu’une voix claire sorte du lot : « Boris a réussi à arriver à 52° ! »
Un mouvement se crée dans la classe. J’en profite pour les inviter à se réunir dans le coin « discussion » avec les graphiques qu’ils ont obtenus.
Après quelques échanges de joies ou de déceptions, nous relevons, dans les graphiques, les techniques les plus efficaces :
• mettre 1 cm de graviers dans la bouteille.
• mettre une jupe de 20 cm de diamètre autour de la bouteille.
Et celle qui n’a servi à rien : mettre un bloc, quelle que soit son épaisseur, entre le livre et la bouteille.
Afin de garder la mémoire de cette activité, j’invite les élèves à écrire au moins cinq phrases à propos de ce que nous avons vécu. Quand les textes ont été corrigés, ils apparaissent dans le journal de bord de la classe.