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Ne vous trompez pas ! Vous ne trouverez pas dans cette rubrique une nouvelle légende scandinave du Moyen Âge. Vous n’y lirez pas non plus une épopée familiale. Mais c’est une longue histoire que je vais vous raconter. Elle débute en 2001 et n’est toujours pas terminée… Les héros : des enseignants et des parents. Le lieu : une école en discrimination positive de la région bruxelloise. Son titre : L’école et la famille.

Salle des profs, sur la table des appels à projet (pour les non-initiés, des petits prospectus édités par des fondations, des institutions, des ASBL…) qui procurent un financement, à condition que vous expliquiez à quoi vous allez le dépenser… Normal et finalement pas trop exigeant !
Je parcours une série d’appels à projet, les uns après les autres… Tiens, en voilà un autour du lien École/Famille ! Dans l’école où je travaille aujourd’hui, le lien École/Famille, ce n’est pas facile tous les jours ! C’est une école en discrimination positive (à l’époque de ce premier épisode, on disait en ZEP) et expliquer aux parents comment nous travaillons n’est pas évident.
Nous sommes en 2001 ; je pense encore en francs belges et je convertis encore péniblement les montants, de l’euro aux francs belges. Le montant indiqué sur le prospectus me parait bien peu élevé : passer, une fois encore, des heures à élaborer et mettre par écrit un projet, est-ce que ça en vaut la peine, pour seulement 40 000 FB ?
La directrice de l’époque attire mon attention : cet appel à projet provient de la Fondation Roi Baudouin et le PO y joue un rôle… ce serait bien d’y répondre. Je relis donc le prospectus. Ce n’est pas 40 000 FB mais 400 000 FB qu’offre la Fondation ! Voilà qui est plus intéressant et qui donne de réelles possibilités d’agir à une équipe pédagogique.
Dans notre école, la communication, avec de nombreux parents, est difficile, en grande partie parce que la communication écrite en français fonctionne mal. Nous avons donc pris l’habitude de rencontrer les parents de manière informelle, le matin, quand ils amènent leurs enfants à l’école, ou le soir, à la sortie. Oralement nous les informons donc de la sortie du jeudi, du paiement des cantines, du comportement des enfants… Mais quand il s’agit de leur expliquer comment nous travaillons avec leurs enfants, en cinq minutes devant la porte de la classe, ce n’est plus possible ! L’idée nous vient alors de créer une vidéo (en 2001… aujourd’hui, c’est un DVD) qui montrerait les choix pédagogiques de l’école et les principales approches didactiques des enseignants. Cette vidéo tournerait en boucle, sur un écran TV, à l’entrée de l’école. Lors d’une concertation, l’idée est présentée à l’équipe et les enseignants qui ont envie de participer à ce projet se manifestent. Une petite équipe se constitue et se réunit pour élaborer le projet… qui sera retenu.

Paroles de parents

Mais que mettre dans cette vidéo ? Les idées ne manquent pas mais il va falloir faire des choix ! Pour orienter ces derniers, nous décidons de consulter les parents de notre école. La coordinatrice de la ZEP de l’époque, Françoise ROBIN, se propose pour réaliser cette enquête. Également étudiante en sciences de l’éducation à l’ULB, elle commence les interviews de 17 parents dans le cadre d’un travail personnel. Nous nous rencontrons à plusieurs reprises. Elle nous communique des éléments importants dont nous allons tenir compte pour réaliser notre vidéo.
Les propos des parents ont été rassemblés autour de quatre axes : attentes des parents par rapport à l’école (le rôle de l’école), leurs attentes en terme de collaboration et d’information, les points positifs sur l’école que les parents ont mentionnés dans leur interview sans qu’une question spécifique ne leur ait été posée et enfin ce que leur suggère les trois mots : plaisir, individuel/groupe et réussite/erreur.

Rôle de l’école

Quelques familles attendent que l’école donne, transmette quelque chose, mais bien plus de parents ont exprimé que ce sont les enfants qui apprennent. Les parents attendent aussi de l’école qu’elle enseigne aux enfants à être quelqu’un de bien, de respectable et à respecter les autres. Ils pensent que l’école permettra d’avoir un bon métier, pour se débrouiller dans la vie. Ils font confiance à l’école, mais expriment un peu d’inquiétude : « J’espère qu’on ne sera pas déçu, que tout va bien se passer ».
Pour centrer les propos des parents autour de l’apprentissage, Françoise leur a posé explicitement la question : « Qu’est qu’apprendre à l’école ? », après les avoir laissés parler librement. Ils parlent alors d’apprendre à lire, à calculer, à écrire, à bien parler mais aussi d’apprendre ce qu’on ne connait pas. Ils citent à nouveau « apprendre les bonnes manières, ce qui est bien, ce qui n’est pas bien ». D’autres disent qu’« apprendre, c’est bien connaitre ses leçons, ses devoirs ».
Les propos des parents interrogés se classent évidemment en deux catégories. Il y a ceux qui ne demandent pas plus d’information ni de collaboration. Ces parents posent leurs questions aux institutrices au jour le jour, en venant conduire et rechercher leurs enfants. Il y a les autres, qui souhaiteraient plus d’informations : ils voudraient savoir ce qui se passe en classe pour aider l’enfant à la maison, qu’il soit en difficulté ou non.
Aucun parent n’a exprimé le désir d’avoir des informations générales sur l’école. Ils se centrent essentiellement sur leur enfant. Par contre, certains ont mentionné spontanément qu’il y avait des séances d’information où « ils [les enseignants] disent aux parents ce qu’ils font ; ils parlent en général avec tous les parents ».
Beaucoup de parents se demandent ce qu’ils peuvent faire, ce qu’ils doivent faire à la maison avec leur enfant.

Points positifs

Ce qui est le plus souvent souligné par les parents, c’est la bonne relation avec les enseignants et la directrice de l’époque. Deux parents ont expliqué qu’ils ont choisi notre école pour la diversité culturelle des enfants qui la fréquentent. Certains apprécient aussi le fait qu’il y ait une salle de gym, une bibliothèque, des sciences et du néerlandais.
Voici ce qu’ils ont dit des mots « plaisir », « individuel/groupe » et « réussite/erreur » :
- plaisir à l’école : plaisir parce que « mon enfant adore l’école », parce que « c’est le plaisir d’apprendre, il faut leur donner l’envie d’apprendre », parce que « les enfants apportent du plaisir à l’institutrice ; c’est un plaisir de recevoir un enfant », parce que « c’est un plaisir de rencontrer les parents ».
- individuel/groupe : les parents sont tous bien conscients qu’il y a, dans notre école, une valorisation du travail de groupe. Quant aux objectifs de cette manière de mettre les enfants au travail, voilà ce qu’ils en disent : en groupe parce qu’« il a des amis à l’école », parce qu’« il y a des groupes de forts, de moyens et ça fonctionne bien ; ça donne envie de travailler pour changer de groupe », parce qu’« il ne faut pas travailler individuellement sinon on n’a pas le temps de s’occuper de chaque enfant ; collectif, c’est mieux », parce que « pour faire du calcul, des maths, c’est mieux », parce que « si on peut faciliter les apprentissages quand on travaille en groupe, pourquoi pas », parce que « les enfants sont à leur aise, comme ça », parce que « les institutrices doivent travailler avec leurs collègues ».
- réussite/erreur : tous les parents parlent de réussite de leurs enfants. Ils espèrent que leur enfant va réussir à l’école primaire pour pouvoir réussir plus tard. Ils parlent majoritairement de l’erreur comme d’un échec. Quand ils en parlent en d’autres termes, c’est pour souligner que personne n’est parfait, qu’on peut tous se tromper, qu’on fait tous des erreurs dans la vie. Certains disent même qu’il ne doit pas y avoir d’erreur. Un seul parent identifie un lien entre l’erreur et l’apprentissage : « On fait tous des fautes au début, c’est l’apprentissage. Mais il ne faudrait pas que ça se répète ! »
Nous devons maintenant tenir compte de toutes ces paroles de parents pour en élaborer d’autres, celles des enseignants, qui puissent leur faire écho. Rendez-vous au prochain épisode !

ps:

Le titre de l’article est celui donné à sa campagne par la Fondation Roi Baudouin.