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Quand un enfant travaille bien à l’école, pas de problème… Les parents sont contents de l’école, ils n’envisagent pas de l’en changer et, souvent, ils la conseillent volontiers à d’autres parents. Mais quand les problèmes scolaires surgissent, beaucoup de parents se mettent à analyser la pédagogie, les professeurs, la direction, la remédiation… C’est ce que nous a raconté Henri [1], papa de deux enfants, tous deux inscrits jusqu’il y a peu, dans la même école.

Pourquoi avez-vous choisi d’inscrire vos enfants dans l’école « De nos rêves » ?
Mon épouse et moi n’avons pas cherché longtemps dans quelle école inscrire nos deux enfants. J’avais passé toute ma scolarité dans l’école « De nos rêves », je m’y étais bien plu et tout avait bien marché. J’ai pu entreprendre les études supérieures que je désirais et je n’ai pas rencontré de difficultés importantes. Mes parents m’y avaient inscrit un peu par hasard : cette école se trouvait sur le trajet de leur domicile à leur lieu de travail, pas trop loin de chez nous. Ils furent assez surpris par la manière dont l’enseignement y était dispensé, l’école « De nos rêves » est une école à pédagogie active, mais mes sœurs et « On a fait une croix sur nos convictions. »moi nous nous y plaisions et nous n’avions pas de difficultés scolaires. _ Nous avions de chouettes copains, de chouettes profs, nous étions fiers d’être dans cette école, de bonne réputation et de niveau élevé. Nous y avons donc inscrit nos deux enfants, certains d’avoir fait le bon choix.

Que s’est-il passé pour l’ainé de vos enfants ?
Pierre recommence sa 3e année secondaire dans une autre école. Carla est toujours dans l’école « De nos rêves », en 1re année secondaire. Pierre était en échec dans beaucoup de branches, en fin de 3e secondaire. Les professeurs disaient qu’il avait des lacunes, qu’il n’avait pas le niveau nécessaire, qu’il n’avait pas le niveau du CEB (qu’il a pourtant obtenu !), qu’il ne pourrait pas continuer ainsi dans cette école. Nous avons donc décidé qu’il recommencerait sa 3e secondaire dans un autre établissement.
Et vous, comment analysez-vous les difficultés scolaires de Pierre ?
Pierre a passé les tests « PMS » qui n’ont mis en évidence aucune difficulté scolaire et qui étaient même largement positifs. Cependant, nous avions bien remarqué que les résultats scolaires de Pierre n’étaient pas suffisants. L’école « De nos rêves » a des caractéristiques qui conviennent bien à certains enfants, mais qui ne convenaient pas à Pierre. D’une manière générale, si la manière d’enseigner convient à l’enfant, il restera dans cet établissement et en sortira bien formé. Si pas, il est très difficile pour les parents d’aider leur enfant. On le voit bien au nombre de classes : 4 en 1re année de secondaire et une seule grosse classe en dernière année de secondaire. Les enfants à qui cette pédagogie ne convenait pas ont quitté cette école.

Qu’est-ce que vous avez identifié comme caractéristiques qui ne convenaient pas à Pierre ?
D’abord, le refus d’utiliser un manuel. Ce qui ne pose pas de problème quand l’enfant est capable de prendre des notes correctement, quand il comprend ce qui est vu et ce qui est attendu par le professeur pendant la leçon. Dans le cas contraire (et c’est le cas de Pierre), le cahier est défaillant et ni l’enfant ni les parents ne peuvent relire les notes pour essayer de comprendre à la maison ce qui n’a pas été compris en classe. J’avais énormément de difficultés à aider mon fils tellement ses cahiers étaient mal tenus.
Ensuite, les travaux de recherche à domicile. Pierre ne savait pas où chercher. Les ressources principales qu’il utilisait étaient WIKIPEDIA et nous ! _ Il existe bien une bibliothèque à l’école, mais il est difficile d’avoir suffisamment de documents pour tous les élèves. Je ne savais pas non plus comment lui expliquer comment faire une recherche. Les documents sur lesquels les enfants tombent sont souvent des ouvrages ou des sites avec trop d’infos dans lesquels l’enfant ne sait pas faire le tri.
Le travail de groupe aussi. Je n’ai rien contre le travail de groupe, au contraire, mais cette technique (Henri précise qu’il s’agit de travaux de recherche à faire en groupe.) est surexploitée dans l’école « De nos rêves » et mal utilisée par les professeurs. Tout est à faire par l’enfant, de manière autonome : former les groupes, se réunir, se répartir le travail. Le travail s’élabore en dehors de tout cadrage et est finalement dirigé par les parents. Il n’y a pas assez d’interventions en classe qui accompagneraient les élèves dans leurs travaux de groupes. Ces travaux exigent de très grandes capacités d’anticipation, d’organisation et d’autonomie, ce qui faisait défaut à Pierre. J’ai aussi envie d’ajouter que les enseignants n’avaient pas l’air d’être formés pour accompagner correctement ces travaux de groupe. La pédagogie de l’école « De nos rêves » exige beaucoup des parents et des professeurs. L’école a le mérite d’être une institution qui essaie de faire son job, mais les expériences que les enfants y font sont plus ou moins réussies et plus ou moins heureuses. C’est le lot des organisations faites d’hommes et de femmes. Ceux-ci, dans l’enseignement, devraient être mieux formés aux techniques qu’ils tentent d’utiliser. Si pas, ce sont les enfants qui en paient le prix.
Enfin, la remédiation. Pierre a été en remédiation, du rattrapage pour parler simple. C’est 36 000 brols qui doivent être envisagés comme des portes de secours pour l’enfant en difficulté. Ces remédiations ont lieu pendant les heures de cours. Les parents n’en sont pas informés et, souvent, les professeurs responsables de cette aide sont absents ou occupés à d’autres choses dans l’école. Je me demande aussi pourquoi les professeurs ont attendu aussi longtemps avant de mettre en place ce qui aurait dû l’être : ce n’est qu’en 3e année de secondaire qu’on nous a dit qu’il n’avait pas le niveau du CEB ! Comment Pierre a-t-il pu « tromper » les professeurs aussi longtemps ?

Et la nouvelle école dans laquelle vous avez inscrit Pierre, qu’est-ce que vous appréciez dans cette école ?
Les résultats scolaires de Pierre s’améliorent, mais c’est en fait un coup de chance ! Trouver une école qui convienne à son enfant de manière rationnelle est presque impossible ! Nous voulions toujours une école proche de notre domicile. On avait entendu dire que, dans l’enseignement catholique, il y avait une plus grande prise en compte de l’enfant. On a donc fait une croix sur nos convictions et on a aussi envisagé d’inscrire Pierre dans une école catholique.
Le discours de certaines directions, clairement élitistes, nous a déplu. Nous avons écouté beaucoup d’avis sur beaucoup d’écoles : certains disent que l’école X est bonne et d’autres que cette même école X est mauvaise ! Nous avons finalement sélectionné six écoles. Aucune de celles-ci ne pouvait nous dire si oui ou non il y aurait des places à la rentrée scolaire, en 3e secondaire. _ Pierre était donc inscrit sur plusieurs listes d’attente. Trois écoles pouvaient finalement l’accepter. Notre préférence aurait été vers une autre ! Mais, cette nouvelle école convient mieux à Pierre : c’est une autre forme de pédagogie plus structurée et plus structurante, le travail est plus dirigé. La remédiation a lieu en dehors des heures de cours, le mardi après-midi. Les parents sont tenus au courant de ce qui s’y fait et les professeurs sont bien présents.
Les parents de Pierre reconnaissent que c’est pour eux une expérience douloureuse que d’avoir fait un choix qu’ils croyaient être bon pour leur fils et de devoir reconnaitre leur échec. Ils sont évidemment très heureux que les résultats scolaires de Pierre s’améliorent. Carla, elle, est toujours dans l’école « De nos rêves ». Alors qu’elle n’a pas de gros problème scolaire, ses parents se demandent aussi aujourd’hui si elle ne serait pas mieux ailleurs !

notes:

[1« De nos rêves », Henri, Pierre et Carla sont des noms d’emprunt pour une école, un papa, son fils et sa fille qui existent vraiment !