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Il y a de grosses et de petites étiquettes... Et caractériser un enfant comme dyslexique, dysorthographique, dyscalculique ou hyperkinétique fait partie des « grosses » étiquettes...

Mais le problème qui se pose quotidiennement à l’enseignant est aussi celui des « petites » étiquettes. Comment faire pour que Grincheux, Joyeux, Prof, Timide, Dormeur, Simplet, Atchoum et les autres puissent changer de rôle tant au niveau des apprentissages que des comportements ? Comment garder ouverts des possibles avec des enfants que l’on fréquente tous les jours ?

On a en effet coutume de prétendre, en analyse systémique, qu’après sept rencontres on commence à faire partie du système, donc que le regard que l’on porte sur un groupe perd sa force de nouveauté et de divergence. Que peut donc mettre en place un enseignant conscient des limites induites par cette stabilisation progressive du regard pour pouvoir encore s’étonner des enfants ?

« Étonnez-moi, Benoît... », dit la chanson. Mais comment s’organiser pour préserver cette possibilité ?
Des variations sur plusieurs éléments sont envisageables.

Le regard

Tout d’abord, dans les regards, et notamment dans l’utilisation du regard de l’autre. Le projet « Lecture et Petite Enfance » qui se déroule dans les écoles maternelles de Saint-Gilles depuis plusieurs années, en constitue une bonne illustration. Les séances de lecture se produisent avec trois adultes pour une dizaine d’enfants en moyenne. Un enfant peut donc être vu par trois personnes différentes en une heure. Ce regard pluriel regorge de richesses lors des échanges sur la séance. En effet, un enfant peut se montrer tellement différent selon qu’il se trouve en interaction avec une mamie, son institutrice ou un grand de sixième. D’où l’intérêt d’ouvrir sa classe à des intervenants extérieurs, qu’ils soient institutionnels ou non, à condition d’organiser des moments de rencontres.

L’organisation spatiale

Le lieu est une seconde variable sur laquelle jouer. On sait que, à la fois, la territorialisation est un besoin de l’être humain, nécessaire à son équilibre mental, que les lieux possèdent une mémoire tantôt négative, tantôt positive ; et que la définition d’une place dans l’espace est aussi celle d’un rôle, d’une hiérarchie, d’un positionnement. On connaît tous l’histoire du cancre près du radiateur.
Jouer sur l’organisation spatiale, qui peut varier selon les activités, les tâches, les besoins des enfants, peut constituer une intervention intéressante. Et cela, sans jugement de valeur : une organisation frontale, par exemple, est parfois celle qui apporte une pertinence par rapport à un groupe d’enfants donné.
Cela peut être aussi changer de lieu. On sait tous comme les promenades scolaires ou les classes vertes sont souvent des occasions de découverte ou redécouverte de certains enfants. Mais sans aller jusqu’à ces sorties qui restent rares dans une année, l’utilisation de la BCD, de la salle vidéo, sont des occasions pour instaurer d’autres habitudes, d’autres règles, d’autres fonctionnements implicites et explicites, que ceux qui fonctionnent dans la classe. Donc, d’autres occasions de rouvrir des possibles.
C’est ainsi que des enfants de 4e primaire ont préféré suivre des séances de Philosophie dans la salle vidéo, qui est aussi la salle du Conseil d’École, plutôt que dans leur classe. Le vide, la sobriété du lieu et sa mémoire leur permettaient une meilleure concentration et solennisaient leur parole. Ceci nous amène à parler de l’intérêt de varier les activités et notamment d’avoir des moments d’Activités Sans But Lucratif qui sont autant de temps où on peut oser, essayer, intégrer, créer, s’essayer, surprendre et se surprendre. Les ateliers philo font partie, entre autres, de ces moments.
Pour animer ces ateliers, les prérequis sont simples mais exigeants : il faut être persuadé que les enfants ont quelque chose à dire sur les petits et les grands problèmes du monde et avoir envie de l’entendre.
L’atelier philo est un moment de réflexion collective où on réfléchit ensemble sur une problématique qui émerge peu à peu d’un thème ou d’un support (histoire, film...).
Le dispositif doit être solidement réfléchi et garanti par l’adulte car il détermine les conditions d’émergence de la parole. Il n’y a personne à convaincre, le but n’est pas nécessairement d’arriver à une réponse, mais plutôt d’examiner une question sous le plus grand nombre possible d’angles, une découverte de la complexité.
C’est souvent une bonne occasion d’ouverture des possibles car on suscite beaucoup la créativité, l’originalité, la capacité à avoir une pensée divergente, qui donnent des éclairages nouveaux. On assiste parfois à une redistribution des cartes et des rôles du fait que d’autres compétences sont sollicitées.