La boule à zéro

L’arrivée d’un nouvel élève est toujours un événement important quel que soit son âge. L’accueillir, lui permettre de prendre sa place dans le groupe pour qu’il se sente vite à l’aise et puisse trouver rapidement des repères, c’est important !

Les premiers jours, un « ancien » de maternelle accompagne, un bout de chemin, le nouveau ou la nouvelle : visite des locaux, présentation des membres, rituels du conseil, tableau des responsabilités…

Des locaux pour filles et garçons

Le fait de ne pas avoir de portes entre les classes maternelles facilite une intégration rapide et un parrainage entre les enfants. Les lieux sont aménagés pour favoriser les déplacements : dans le local de Marie-Rose, les enfants peuvent se reposer, jouer aux poupées, se défouler sur le château, laisser des traces dans le sable, dépasser leurs peurs en sautant dans la piscine, inventer des circuits, imaginer être des tigres, des princes ou princesses… Chez Sarah, ils apprécient la menuiserie, les voitures, les jeux de construction, le magasin, faire la cuisine, inventer des circuits, jouer avec les barbies…

Dans notre local, on trouve des livres de toutes sortes, on manipule des graines, on fait des bricolages, des jeux de coopération, on peut peindre sur divers supports… Bref, garçons et filles trouvent rapidement des jeux adaptés à leur motivation du moment lors de la verticalité. Des filles jouent aux voitures, des garçons à la poupée. Ils jouent à papa et maman. Le temps passe vite : il faut se déguiser, conduire les enfants à l’école, faire les courses, préparer le repas, aller rendre visite à marraine…
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Coralie et Walid

C’est dans ce contexte que Coralie une petite de cinq ans, la tête rasée (un trop-plein de poux), a fait son entrée dans notre groupe. Walid a « flashé » sur elle, et c’est tout naturellement qu’il s’est désigné comme responsable de son accueil. Tout de suite, ils sont inséparables, jouent à se poursuivre dans toute l’école, promènent de longs moments les bébés…

Et après quelques jours, des liens profonds se sont tissés entre les deux enfants. Jusqu’au jour où… nous avions décidé de réaliser des marionnettes pour dénombrer les enfants présents ou absents de l’école. Walid assis près de Coralie a réalisé qu’elle faisait une marionnette de « fille ». Quelle stupéfaction ! « Quoi, t’es une fille ! ».

Qu’est-ce qui s’est passé dans la tête de ce petit garçon de cinq ans pour que je lise une gêne profonde sur son visage…. Comme si tout à coup, un fil s’était rompu… comme si une barrière venait de s’ériger entre deux enfants qui s’adorent !

« T’es une fille… toi ! »

Je me demande si leurs jeux vont changer. D’où viennent ces préjugés tels « si t’es une fille je te regarde autrement » ? Et si Coralie n’avait pas eu la tête rasée et continuellement un pantalon, est-ce que Walid l’aurait aussi bien accueillie ?

J’ai demandé à Walid ce qui s’était passé dans sa tête et ce qui avait changé maintenant qu’il savait que c’était une fille. Chaque fois que nous abordons le sujet, systématiquement, apparaît de la gêne… mais il ne peut mettre des mots sur ce malaise !