Dans ce travail de haut vol, Étienne Bourgeois veut réhabiliter la transmission
comme un temps incontournable de l’apprentissage. Pour ce faire,
il commence par déconstruire l’idée de l’émancipation promue par les courants
pédagogiques qui voient l’apprenant comme une personne déjà douée
d’autonomie et de capacité d’apprentissage, qui va pouvoir d’elle-même
s’emparer de nouveaux savoirs. Comme alternative, il propose le concept
de subjectivation. La définition complexe de ce terme se construit petit à
petit, mais il en donne une image en début d’ouvrage : « chemin par lequel
l’individu qui apprend devient sujet. »
Ensuite, il se met du côté de l’apprenant. Il identifie cinq temps dans le
processus de subjectivation :
• la construction de connaissances nouvelles ;
• la mise au travail des connaissances acquises ;
• le vide médian : temps de sidération, de pensée blanche où les éléments
nouvellement acquis peuvent se mettre en lien avec des connaissances,
des perceptions antérieures, temps de l’intuition et de la joie de
la conquête propre ;
• la réflexivité critique : temps pour mettre en perspective différents
modèles avec une réflexion critique, puis pour s’engager dans une
position personnelle ;
• du Je au Nous : temps de l’engagement en exposant sa position, du
recueil de feed-back et du lien social en partageant les connaissances
nouvelles avec d’autres.
Le processus de subjectivation est bien plus complexe que ce que ces étapes
peuvent le laisser entendre, il est question de va-et-vient, de tensions et
surtout, de la place de l’Autre dans tout le processus.
Enfin, il se met du côté du formateur, de l’enseignant. Il repart du postulat
qu’il n’y a pas de subjectivation sans transmission, mais qu’il peut
évidemment y avoir transmission sans subjectivation. C’est donc dans le
cadre de la transmission qu’il analyse les gestes qui facilitent la subjectivation.
Certains semblent fondamentaux, comme de maitriser la matière
enseignée. D’autres font échos à des enjeux chers à CGé comme « enseigner
les savoirs comme des réponses humaines à des questions humaines signifiantes
» ou « faire entrer les savoirs dans la vie des apprenants ». Il consacre
aussi quelques pages à la pédagogie institutionnelle qui permettrait de travailler
la « fonction subjectivante du cadre normatif ». Mais il entre ensuite
dans d’autres gestes moins familiers comme celui de transmettre le désir
d’apprendre, de mettre du jeu entre soi et le savoir, d’inscrire dans la lignée
du don et du contredon… Des thématiques qui outillent utilement la réflexion
pour repenser le métier d’enseigner.
Étienne. Bourgeois, Le désir d’apprendre, PUF 2018.