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Accueil / CDoc / Recensions / « Le principal, il nous aime pas »

L’auteur, d’abord professeur de physique et militant du mouvement
ATD Quart Monde, a choisi de prendre la direction d’un collège de banlieue
en province. Son livre est construit comme un journal avec dates et heures,
pour toutes sortes de pans de vie de ce collège. Il raconte de façon très
alerte le quotidien à la fois banal et plein d’imprévus de ce collège.

Il nous donne entre autres à suivre six jeunes « dans leur confrontation
avec leurs camarades et leurs enseignants, dans leur scolarité trouée
d’absences et ponctuée d’actes de rébellion, dans les liens chahutés avec leur
famille, dans leurs rêves fous de vies déjà adultes, dans leurs fragilités aussi.
Ils interpellent cette École à laquelle ils disent à la fois leur rejet et leurs
espoirs. »

Ce livre est beau dans son ras des pâquerettes, dans sa sobriété et dans
la façon, pour ce directeur, de parler en toute simplicité de son mode de
présence aux enseignants, aux jeunes et aux quartiers d’où ils viennent :
Beauregard, plus populaire, Longny plus favorisé. Plusieurs pages
évoquent ce qui se passe entre jeunes ou entre parents des deux milieux.
Tout au long des récits, on remarque comment le directeur est
vigilant aux jeunes les plus en difficultés, ceux qui font l’expérience de la
discrimination scolaire, premier visage de l’exclusion sociale, comment il
entre en contact, par petites touches, avec le quartier le plus défavorisé,
avec tel et tel parent.
Ce qui frappe aussi ce sont les modalités imaginées par ce directeur
pour à la fois faire respecter les cadres et à la fois faire place aux personnes.
L’extrait ci-dessous en est une belle illustration :
« Lundi 23 novembre – 8 h. Victor à Yann :
Te mettre à la porte une semaine ? Quel sens ça a ? Tu es déjà tellement
absent. Mais quand même ! Tu les accumules. Je ne peux pas laisser passer
ça. Étienne n’y était pour rien et, en le tapant, t’as pas fait semblant !
Yann reste silencieux. Il ne cherche ni à se justifier, ni à se rebeller.

Tu en penses quoi d’être exclu toute la semaine ?
Je devais faire un exposé jeudi.
Dans quel cours ?
L’option Découverte professionnelle. Je dois faire un exposé sur le CFN4
et les autres de mon groupe ils le font sur la CCJI5.

Il est prêt ton exposé ?
Oui, je l’ai fini samedi.
Alors, tu reprends les cours jeudi après-midi pour le faire.
Yann fait oui de la tête. Il a semblé à Victor entendre un timide merci. En
salle des professeurs, pendant la récréation, il fait part à Mme Houssaye
de la décision d’exclusion.

Il ne sera donc pas là demain ? demande-t-elle.
Non. Ça commence dès maintenant.
Dommage. Parce que demain de 11 h à 12 h je leur passe un film qui servira
de base à tout un travail. C’est un domaine où, d’habitude, Yann
s’exprime bien.

Ça tombe mal ! Qu’est-ce qu’on fait ?
Oh, juste une exception demain entre 11 h et 12 h, dit-elle en riant.
Victor appelle Mme Courant pour qu’elle transmette à Yann qu’il est
attendu au cours de français demain à 11 h. Mme Courant fait allusion au
brevet blanc de demain après-midi. “Yann m’en avait parlé”, dit-elle. Eh
bien, que Yann vienne donc demain à 11 h et l’après-midi aussi. Quand un
décrocheur s’accroche... »

R. Félix, « Le principal il nous aime pas ». L’école à l’épreuve de la mixité
sociale, Éditions Quart Monde et Chronique sociale, 2011.