Les chantiers de la rentrée

À en croire un de nos quotidiens de référence, les chantiers de la rentrée scolaire seraient au nombre de cinq : les inscriptions (encore !), les prépensions, trouver des profs, réformer le qualifiant, l’alternance dans le spécial. Ce dernier chantier est assez nouveau. Les quatre premiers sont au menu depuis des années et ils pourrissent la vie des écoles, des élèves, des parents et des enseignants. Vivement qu’on avance !

Mais à mon sens, la ministre (ou le journaliste ?) passe sous silence « le » grand chantier, celui qui devrait mobiliser tous les politiques, tous les citoyens, tous les médias. Il n’est pas nouveau non plus. Il est plus alarmant et plus urgent que tous les autres : réduire l’écart, que dis-je, le précipice qui sépare les résultats des « bons » élèves de ceux de leurs camarades faibles ou fragiles. Plus crument : réduire les profondes inégalités que le système scolaire renforce bien souvent.

Voilà donc un silence bien inquiétant dans le chef de la « grande » presse. D’autant que, au même moment, le Délégué général aux droits de l’enfant tirait la sonnette d’alarme en proposant le Manifeste « Pauvreté et école : quelles priorités ? ». Bernard De Vos et une équipe pluraliste qui a planché sur le sujet y font état du vécu douloureux des familles précaires et ils proposent des mesures [1]. Ils insistent entre autres sur la priorité à accorder à la petite enfance et en particulier à la qualité de l’accueil de ces familles à l’école maternelle. Ils réclament une gratuité totale de l’enseignement fondamental et une refonte de la formation des enseignants qui leur assure à tous de solides bases en sciences sociales.

Toujours au même moment, à Marche, un séminaire européen était consacré à la pauvreté infantile. Dans le cadre de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Les questions d’éducation et de scolarité étaient évidemment au menu. Peu d’échos dans les médias. Sauf dans la presse régionale. Le ministre Philippe Courard, le régional de l’étape, a bien « vendu » son initiative. C’est un expert en promotion de la province de Luxembourg et de ses actions au bénéfice de la dite province. On a bénéficié de pleines pages pour souligner les avantages que l’horeca local allait tirer de la rencontre. Mieux, on a eu droit à un grand article, illustré de photo princière, titré : « Pas de menu spécial pour les princesses ! ». Du solide, quoi. Mais sur le fonds du dossier, très peu d’informations ou de matière à réflexion !

Priorité à ce chantier-là, s’il vous plait !

Donc changement de ton et de cap radical. Savez-vous que la Communauté française ne consacre même pas 1% de son budget « enseignement » à la lutte contre les inégalités dans l’enseignement ? Avec les restrictions actuelles, ce budget n’atteint pas les 65 millions promis par un décret d’avril 2009. Sur un budget de 7 milliards !