De nombreux parents [1] de Molenbeek sont très inquiets pour la scolarité de leurs enfants. Ils sont conscients de ce qu’une majorité d’entre eux ne peut rêver à un avenir scolaire brillant, ou même satisfaisant. Ils ne savent pas où le dire ni que faire pour améliorer ces chances d’avenir. Un petit groupe, qui réfléchit régulièrement aux questions d’école, a écrit une lettre à tous les institutrices et instituteurs des écoles de la commune, pour tenter d’établir un meilleur dialogue entre l’école et les familles. Un peu comme une bouteille à la mer… Certains professeurs ont été heureux de cette lettre. Bientôt, ils seront invités à une rencontre, pour qu’on se parle au-delà des peurs et des préjugés. Viendront-ils ?
Chers enseignants,
Nous avons décidé de vous écrire une lettre parce que la scolarité de nos enfants nous tracasse beaucoup et que nous trouvons que, dans beaucoup d’écoles de Molenbeek, il y a encore trop de choses « qui ne vont pas ».
Nous savons le grand travail que vous faites auprès de nos enfants et nous vous en remercions. Cependant trop d’enfants encore n’arrivent pas à vraiment bien apprendre et ne réussissent pas l’école. Nous nous demandons sans cesse que faire.
Nous pensons que parents et enseignants ne se connaissent pas assez et nous aimerions qu’il y ait plus de dialogue entre nous. Contrairement à ce que certains professeurs pensent, nous sommes très concernés par l’école et la plupart d’entre nous essaient réellement d’aider les enfants. Mais souvent nous n’avons pas les moyens de le faire ou nous ne savons pas comment nous y prendre.
Nous n’osons pas toujours franchir la porte de l’école pour vous parler. Parfois nous sommes arrêtés par la barrière de la langue, parfois c’est parce que nous n’avons pas toujours été bien reçus dans nos démarches ou parce que notre propre scolarité n’a pas été une bonne expérience. Dans les écoles où il y a un médiateur ou une médiatrice, nous voyons que cela encourage beaucoup les parents.
Nous sommes conscients des difficultés pour le professeur d’enseigner dans une commune comme la nôtre, avec trop d’enfants dans les classes, un certain nombre qui ne connaissent pas assez ou pas du tout la langue de l’école, parfois un manque de places ou de matériel, des différences de culture. Nous sommes donc solidaires avec vous et voulons entre autres nous battre contre les réductions d’argent et de personnel dans l’enseignement, alors que maintenant il n’y a même plus de place pour tout le monde. Les enseignants devraient être des agents protégés, par le gouvernement et par les parents.
Nous vous écrivons ici certaines de nos difficultés et de nos questions, nos espoirs aussi et quelques idées pour progresser en espérant que vous nous écrirez à votre tour ou que nous pourrons vous rencontrer, pour découvrir vos idées.
Ce qui est difficile :
- Maintenant que les écoles ne peuvent plus accueillir tous les enfants, on ne connait pas toujours les bons moyens pour trouver une place ;
- Nous ne pouvons pas toujours aider nos enfants dans leurs devoirs et nous voyons qu’ils ne sont pas toujours capables de les faire ;
- Certains parents ne connaissent pas suffisamment la langue de l’école, même quand ils suivent des cours ;
- Le cout de l’école devient un gros problème pour beaucoup de familles qui ne peuvent plus suivre. On se sent jugés, et on a honte parfois ; malgré nos efforts, on n’y arrive pas.
- On voit qu’il n’y a pas toujours assez de personnel pour encadrer nos enfants, en dehors des classes. Certaines difficultés entre enfants ne sont pas résolues, et nous avons parfois peur pour leur sécurité.
Des questions : - Comment se fait-il qu’il y ait en Belgique des écoles meilleures que d’autres ?
- Pourquoi les enseignants ont-ils souvent l’air si fatigué ? Qu’est-ce qui pourrait les aider ?
- Que fait-on pour les enfants qui apprennent plus lentement ?
- Comment faire pour encourager encore plus les enfants ?
- Y a-t-il différentes manières pour faire apprendre ? Laquelle choisit l’école de nos enfants ?
- Comment se fait-il que certains enfants réussissent en primaire avec un bon bulletin, mais ne parviennent pas à suivre dans le secondaire
Ce qui pourrait nous aider : - Savoir que dans l’école, il y a quelqu’un qui est là pour écouter quand on a des questions ou qu’il y a un problème. C’est important que nous puissions rencontrer les instituteurs de nos enfants. Nous pouvons expliquer des choses sur nos enfants qui peuvent aider les enseignants. Et nous, nous avons besoin de mieux comprendre ce qui passe à l’école.
- Ne pas avoir peur d’être incompris quand on va à l’école, cela éviterait que certains parents parlent mal ou de manière agressive.
Des idées pour avancer : - Se battre pour demander qu’on construise des écoles et qu’on diminue le nombre d’enfants par classe. Avec des classes trop grandes, le professeur n’a pas le temps de s’occuper de ceux pour qui c’est plus difficile.
- Demander qu’il y ait un médiateur par école.
- Organiser plus de rencontres pour informer les parents et encourager ceux qui n’y viennent pas.
- Prendre du temps pour apprendre à se connaitre entre professeurs et parents pour qu’on comprenne mieux les cultures des uns et des autres. Par exemple : comment chacun définit les limites, comment on punit les enfants, quelles sont les valeurs importantes, comment on gère le temps, etc.
- Pour les réunions, trouver parmi les parents de l’école ceux qui peuvent traduire dans la langue des parents qui ne parlent pas encore français ou néerlandais.
Et un rêve :
Qu’à Molenbeek, on ait des écoles formidables, avec encore plus de qualité qu’ailleurs, des écoles qui rendent jalouses les autres communes. Nous aimerions nous investir pour cela.
Des parents de Molenbeek
[1] Ce groupe de parents se réunit à la Maison médicale « Le Renfort » à Molenbeek