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Accueil / Publications / TRACeS de ChanGements / Rubriques hors dossiers / Ouvertures / Mais si, il y a des écoles « riches » !

Qui a eu l’idée stupide de faire appel au personnage de Robin des bois pour justifier le refinancement des écoles (des) pauvres ? Il fallait bien se douter que les « riches » allaient se rebiffer. Et même, trouver des alliés syndicaux !

Riches ? Oui, je sais, tout est relatif, camarades. Personne ne considère que les subsides de fonctionnement ou les taux d’encadrement de la Communauté française permettent de faire des folies à qui que ce soit, où que ce soit. Malgré un refinancement qu’il ne faudrait pas oublier.
Mais, quand même. Quand on a un peu bourlingué d’école en école, on est nécessairement frappé par d’énormes différences… de richesse entre écoles. Je me limiterai à ma modeste expérience et à ce que j’ai pu observer. Comme professeur d’école normale (pardon, comme maitre-assistant dans un Institut supérieur pédagogique d’une Haute école !), j’allais visiter des étudiant(e)s en stage. Les un(e)s travaillaient dans l’une des 19 communes de Bruxelles, d’autres en Brabant wallon. Que ce soit dans la capitale ou dans la jeune province, je pouvais passer le même jour d’une école « riche » (de Boitsfort, de Woluwé ou de Lasne, par exemple) à une école pauvre, voire très pauvre (et ici je ne mets pas de guillemets), à Saint-Josse, à Cureghem ou à Clabecq.

« Riches » ?

Quand, dans un quartier résidentiel, une école primaire ou secondaire dispose de locaux récents (ou récemment rénovés), d’espaces verts, d’un centre de documentation et d’une bibliothèque richement achalandés, d’un complexe sportif… on peut parler d’une école riche. D’autant que la population qui la fréquente, élèves et parents, est dotée d’un capital culturel « riche ».
Oui, il y a des communes riches et des communes pauvres. Oui, il y a des pouvoirs organisateurs privés et publics qui disposent d’un patrimoine immobilier respectable… et d’autres qui tirent le diable par la queue !
Autre expérience : j’ai eu la chance et le privilège de travailler 12 ans et de diriger pendant 7 années un merveilleux établissement en Brabant wallon. Larges espaces bien dégagés, pas de hauts murs sinistres, belles et grandes cours de récréation, piscine, terrains de tennis couverts… Une école riche. Ensuite, j’ai décidé d’aller travailler dans une école professionnelle à Bruxelles, à l’ombre de la gare du Midi. Une autre planète ! Tout aussi passionnante. Si pas plus. Mais là, on réalise la profondeur du fossé entre les écoles riches et les écoles (des) pauvres. Sans discussion possible. Et toutes les conséquences que cela peut avoir sur l’exercice du métier d’élève et de prof.

Solidaires ?

Dès lors, en période de vaches maigres, quand le politique envisage d’octroyer un plus (encore beaucoup trop modeste) aux écoles pauvres, je vis mal les refus catégoriques de certaines organisations et le recul peu courageux du gouvernement.
Certes, les modalités envisagées par le décret Robin des bois étaient à revoir : il n’y a évidemment pas 60 % d’écoles riches ! Loin de là ! Certes, la gestion financière de DAERDEN ne prête pas à rire : elle a été calamiteuse. Et les partis au pouvoir sous la législature précédente se sont engagés à la légère. Oui, on doit toujours espérer plus d’investissements pour l’éducation et l’enseignement. Mais on ne peut oublier d’autres secteurs de la Communauté française encore plus mal lotis : alphabétisation, écoles de devoirs, lecture publique, éducation permanente, aide à la jeunesse…

Aujourd’hui, la solidarité impose un geste fort des écoles riches. Un « one shot », comme ils disent. On ne peut pas déplorer unanimement les résultats de PISA [1] : les écarts abyssaux entre les résultats de la majorité des élèves des écoles riches et ceux des écoles pauvres… et ne rien faire pour que ça change.
Il y a d’autres pistes que celles qui étaient sur la table. Place à l’imagination plutôt qu’au refus systématique. En voici une de piste. Modeste sans doute, mais de bon sens. Ne pourrait-on envisager, pour les deux dernières années du secondaire général, des regroupements d’élèves dans des auditoires qui leur donnent un avant-gout de l’université ? Puisque c’est la fierté des écoles riches que de les préparer à l’université, ne serait-il pas souhaitable que ces jeunes étudiants ne passent pas sans transition de classes de 20, 25 ou 30 élèves (sans parler des options à 8 ou 10 !) dans des auditoires où ils seront parqués à plusieurs centaines ? Et ces regroupements devraient s’organiser progressivement, en interréseaux, bien sûr. Belle manière de trouver des moyens et de faire évoluer des systèmes rigides et couteux. Pour certains licenciés, ce serait l’occasion d’aller découvrir d’autres contextes de travail. Je peux leur assurer que c’est très stimulant !

Mesdames et Messieurs les décideurs, cherchez, imaginez des pistes moins linéaires et surtout plus porteuses de sens que celles qui étaient envisagées. Des pistes lisibles pour tous les citoyens, des pistes qui n’hésitent pas à appeler un chat un chat et qui puissent convaincre les uns et les autres que le statuquo est profondément injuste et source de lendemains de déqualification et de désaffiliation dont tous auront à pâtir.

Ce texte a été rédigé fin avril 2010 et refusé par Le Soir : « actualité trop chargée ». Pour rappel, en avril 2009, la majorité PS-CDH avait prévu 40 millions pour « l’encadrement différencié ». La nouvelle majorité « olivier », issue des urnes en juin 2009, avait décidé à l’été, en catimini, de procéder à une opération « vases communicants » qualifiée de Robin des bois (portant sur 25 millions). Tollé syndical. Suspension des cours et abandon rapide par le gouvernement… en rase campagne électorale !

notes:

[1Programme international pour le suivi des acquis des élèves.