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Deuxième Conseil des Profs. Le Conseil a lieu tous les vendredis de 15h à 16h. Il rassemble tous les profs titulaires, une des surveillantes éducatrices, Michèle, la puéricultrice, Colette et moi-même, directeur.

Plusieurs points sont systématiquement abordés : l’agenda, la tournante des tâches, le « ménage », les surveillances, la sieste, la garderie, l’ordre du jour (ce qui est à débattre et par rapport auquel il faut prendre décision ou position), le Conseil de participation et les infos.
Au point « surveillances », Dominic (instit en maternelle) prend la parole.
- Je me suis vraiment fait agresser, jeudi midi, par des enfants de 6e. Ils jouent à balle pelote avec une balle de tennis sur le mur de ma classe et comme je l’ai déjà demandé l’an passé, ça m’empêche de travailler. L’an passé, ils jouaient au foot et les murs tremblaient tellement que des boîtes déposées sur les étagères sont tombées. Je suis sorti pour prendre la balle et Yasmina m’a vraiment engueulé en disant que je n’avais pas le droit. Je lui ai confisqué la balle et elle est rentrée en furie en me lançant « Rends-moi cette balle, je n’ai rien fait d’interdit ! Ce n’est pas marqué dans les décisions qu’on ne pouvait pas jouer à la balle pelote ». Je sais pas, mais à ce rythme-là, ils nous grimpent sur la tête. Et puis quelle arrogance !
- Je leur en ai parlé, commente Florence, la titulaire des sixièmes, j’ai bien vu qu’il y avait un problème. Ils ont fait une proposition au Conseil d’école (assemblée hebdomadaire réunissant deux délégués de chaque classe -vingt-deux enfants en tout- et moi-même, on y discute principalement des espaces collectifs non gérés par les différents Conseils de classe. Le Conseil d’école a lieu le vendredi de 11h à 11h30 et est accueilli chaque semaine dans une classe différente, les enfants assis sur les tables, spectateurs attentifs et silencieux).
- J’ajoute qu’au Conseil d’école, on en a effectivement parlé. Voici ce qui s’y est dit (j’avais le rapport tout frais sous les yeux) : Suite à plusieurs discussions pendant les récréations et après avoir demandé individuellement à Élisa et à Florence, les enfants de sixième demandent via le Conseil d’école l’accord d’Élisa, de Florence et d’Alain pour jouer à la balle de tennis contre les murs de leur classe quand elles ne sont pas dedans. Je leur ai dit qu’on en parlerait au Conseil des Profs. La demande est claire et tient compte des objections de Dominic. Florence et Élisa, qu’en pensez-vous ?
- Pas de problème pour nous, du moment qu’ils vérifient effectivement. Élisa ajoute qu’elle trouve que c’est important que les enfants puissent jouer à ce genre de jeux, que ça les occupe bien et que c’est génial de les voir jouer, organiser des règles, des tournantes. C’est quand même mieux que de les voir se battre. Je trouve en plus, ajoute-t-elle, et là je remercie Florence, qu’ils ont réussi, proprement, de passer de la colère à la proposition constructive.
- Ce ne fut pas simple, soupire Florence, mais le fait de pouvoir « déposer » le problème au Conseil d’école calme tout le monde !
- Je suis bien d’accord, dit Dominic qui reprend la parole, mais c’est plutôt le problème de l’attitude, de l’arrogance, de toujours tout discuter et d’engueuler les adultes qui ne font que leur métier, surveiller. C’est quand même pas aux enfants à faire la loi !
- J’interviens en abondant dans le sens de Dominic. Ce n’est certainement pas aux enfants à faire la loi, c’est nous, adultes qui veillons à leur sécurité et qui DEVONS prendre toutes décisions urgentes à partir du moment où il y a danger. Mais que disent les « Décisions » (sorte de règlement de la cour, élaboré avec les enfants au cours des années, pendant les Conseils d’école) ? (Je lis l’extrait concerné) : On ne peut lancer la balle contre aucun mur des bâtiments de l’école. Je pense que c’est une décision qui parlait de la balle de foot, prise l’an passé, suite aux problèmes de l’étagère de chez Dominic.
- C’est bien ce que j’ai dit aux enfants, mais ils rouspètent, en disant, comme toi, que c’est limité pour la balle de foot, commente Dominic.
- Donc la décision n’est pas assez précise ? demandé-je.
- Non, dit Dominic, et s’il faut commencer à tout préciser, c’est jouer le jeu des enfants.
- Sans jouer le jeu, dis-je, on peut, comme les enfants, utiliser ce qui existe institutionnellement pour préciser ce que nous, adultes, estimons important de préciser. C’est utiliser proprement tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter les affrontements. Les enfants le font bien, avec l’aide d’adultes, bien sûr, mais rien ne t’empêche, Dominic, de préciser ce que tu estimes imprécis et par là, nuisible à une « cohabitation respectueuse ».
- OK, je ferai une proposition dans ce sens au prochain Conseil d’école.
- Il ne faut pas oublier, ajouté-je, que chaque fois qu’un nouveau jeu s’installe dans la cour, il y a quelques semaines de frictions, de frottements entre enfants eux-mêmes, entre enfants et adultes. C’est une période de « légifération intense ». C’est l’occasion pour les enfants de se confronter à des adultes qui placent des interdits, des barrages à leur toute-puissance. Il faut donc en profiter pour (ré) installer cette possibilité extraordinaire de faire des demandes, de proposer et de transformer le conflit et l’agression en paroles audibles, paroles d’enfants relayées et accompagnées par des adultes.
- Je voudrais dire quelque chose, dit Colette, timidement. Je voudrais dire que je sens bien ce que Dominic veut dire. Quand on est seule, face à des enfants qui vous narguent, vous insultent, et ça m’est arrivé plus d’une fois, c’est terrible. La seule solution, c’est d’en parler ensemble, comme on le fait ici. Les enfants sentent bien si les adultes se contredisent et alors, ça tire à hue et à dia. Et là, c’est vraiment dangereux !