Autre chose que les examens. Pourquoi ? Comment ? Dans un précédent numéro d’Échec à l’échec [1], l’auteur de cette démarche explicitait son refus des examens et défendait l’idée du chef-d’œuvre pédagogique. Il nous met ici à l’ouvrage.
Prenons, en exemple, une situation scolaire complètement renversée, en partant de cette idée : « Si une question d’examen est originale, créative, nouvelle, demande un transfert de connaissances, cette question vaut la peine d’être à la base d’un apprentissage plutôt que de servir à discriminer sans lendemain. » Profs de langue, ceci est pour vous… si vous aimez Tintin.
Renforcer les apprentissages ? Y mettre l’énergie du plaisir (libido) ? Décupler les forces de chacun par l’entraide ? Faire que les élèves gagnent tous l’estime de toute la classe ? Permettre au professeur de quitter son statut de censeur pour devenir admirateur de tous les élèves ? Comment ? En remplaçant les examens par des mini-projets.
Un projet
Matériel. Des albums de Tintin, en anglais, néerlandais, allemand ou espagnol… selon la lange étudiée.
Tâche. Réaliser à deux un mini chef-d’œuvre pédagogique solidaire au lieu des contrôles individuels :
- choisir une séquence de l’album et la jouer au théâtre durant 5, 10, 15 minutes environ selon le degré d’avancement de la classe.
- Si le niveau de compétence est suffisant, écrire à deux une préface pour un album d’Hergé.
Pourquoi cette proposition ? Beaucoup de professeurs remarquent que, durant les examens, les élèves n’apprennent rien (8 jours à Noël et à Pâques, 15 jours en juin… est-ce bien sérieux ?).
Les pédagogues qui voudraient abandonner les examens redoutent une chute du rendement des élèves, le laxisme, les reproches venant de tous les horizons… si aucune solution préférable n’est envisagée.
Heureusement, Tintin est arrivé !
Une chance, la plupart des professeurs et des élèves connaissent les albums d’Hergé. Le référentiel est donc familier, facteur propice à l’apprentissage des langues. De plus, la langue orale des échanges entre les personnages de ces BD est particulièrement riche et adéquate.
D’autre part, tous les albums sont édités dans la langue du cours. C’est le rôle du professeur (ou des élèves en recherche-projet) de trouver les albums et les moyens de se les procurer.
Au point de vue scénique, le découpage du scénario convient particulièrement bien à une représentation théâtrale ou filmique. Il est bon de savoir que Les bijoux de la Castafiore et Les sept boules de cristal sont actuellement mis en scène par des troupes de théâtre.
En outre, la réflexion philosophique est éveillée sur les valeurs morales véhiculées par Tintin et cet aspect mérite l’ouverture de débats. Le choix d’un album Tintin au Congo ou Tintin en Amérique, pour en écrire la préface par exemple, peut s’avérer particulièrement judicieux !
La force est dans le groupe
En arithmétique 1+1=2. En pédagogie, 1+1=3. C’est à dire que les groupes prévus par le professeur dégagent une forte énergie, soutenue par l’adulte. Le rôle de ce dernier est essentiel :
- entrer dans l’étude de préfaces de bouquins (en français pour le professeur de français ou même en français pour le professeur de langue) pour trouver les règles d’écriture de ce genre littéraire ;
- constituer des groupes d’élèves où l’hétérogénéité sera la règle ;
- fixer les délais, soutenir les défaillances, faire appel à des aides extérieures (théâtres, par exemple) ;
- insuffler une atmosphère faite du « Tous capables », de non-jugement, d’admiration ;
- installer, en connivence, l’exigence de la mémorisation, de la prononciation, de la mise en scène…
- persuader les élèves, les parents, voire les collègues, que réaliser un projet qui a du sens, c’est utiliser les compétences acquises tout en continuant à apprendre.
Il est clair que les apprentissages grammaticalement structurés, la mémorisation de vocabulaire, accompagneront l’élaboration de ce mini chef-d’œuvre pédagogique et que d’autres moyens comme la chanson, les films, les journaux continueront à être exploités.
[1] Echec à l’échec n° 154, mars 2002.