Et quand serons-nous sages ? Jamais, jamais, jamais !…
La terre nourrit tout, la terre nourrit tout, les sages, les sages, la terre nourrit tout, la terre nourrit tout, les sages et les fous…
Les rondes, quand elles sont l’occasion de légitimer le vécu de l’enfant, les émotions et les sentiments qui n’ont pas d’autre reconnaissance sociale, deviennent parfois de joyeuses expériences curatives. Cette chanson en est une, elle le crie haut et fort, le rappelle aux adultes, le signale aux enfants : leur droit à « l’enfance », à la vie qui bouillonne en eux, à la bienveillance, leur droit à la différence, à la reconnaissance inconditionnelle de leur dignité …
Le mouvement de la danse va donner de la puissance au message. En posant la question, on « avance », le cercle, le groupe se resserre. La réponse est alors chantée haut et fort en frappant énergiquement des pieds sur la terre. Ensuite, on revient à sa place en reposant la question « quand serons-nous sages ? ». La réponse est alors scandée et marquée une nouvelle fois : « Jamais, jamais, jamais ! »
Adultes et enfants il y a tant d’intensité, de joie et de conviction dans ce cri, dans vos cris, que je crois à la force et au soulagement que cela procure de pouvoir le dire haut et fort.
La danse continue… « La terre nourrit tout »… est chantée en tournant ensemble dans un joyeux pas de course ou de galop, en prenant soin de bien garder les mains reliées.
Dans la nécessité de tenir compte des autres pour arriver à danser ensemble peut se vivre, au delà des mots, une expérience positive de solidarité, de coopération, de fraternité. De démocratie aussi. Pour que le cercle existe, chacun y a sa place. Les plus forts, plus agiles, plus rapides apprennent à être attentifs aux plus fragiles qui sinon, risquent d’être lâchés, éjecté de la ronde et d’être alors blessés, même involontairement. La danse apprend ainsi à prendre soin à la fois de soi et des autres.
Pour que cette chanson soit vraie. Pour oser cette danse avec eux, sans leur mentir, il s’agira pour moi d’être particulièrement attentive à mes regards, à mes mots, à mes attentes, à ma façon d’encadrer Martin, Kévin ou Samira si jamais ils font « les fous » pendant la danse… Comment vais-je accueillir leur énergie, leur fatigue, leur imagination débordante ou leurs pieds qui ne tiennent pas en place ? Arriver à transformer le « arrêtez de faire les fous ! » en « comment vais-je intégrer tous ces éléments dans mon programme ? ».
À force de le chanter, de le danser j’ai appris à chercher le sens de leurs mouvements (et de leurs mouvements d’humeur) plutôt qu’à rêver de leur calme et de leur sagesse. J’ai appris à oser « composer » avec chaque classe, à oser prendre en compte ce que les enfants expriment, à oser m’enrichir de l’apport de ces petits « fous », à pouvoir accueillir chaque tempérament d’enfant sans vouloir qu’il soit… ce qu’il n’est pas.