Ci-dessous, le début de l’introduction et le début de la conclusion d’un TFE en régendat sciences réalisé sous forme de pédagogie du projet en classe de 1e accueil. Ce début de début et ce début de fin montreraient-ils ce qui est en jeu dans un travail de fin d’études à finalité professionnelle, à savoir la constitution de son identité et de son projet professionnels ?
Vous arrivez dans un couloir sombre et étroit au bout duquel se trouve une porte fermée. De cette porte jaillissent quelques bruits qui d’abord vous semblent sourds, mais qui se clarifient au fur et à mesure que vous avancez, de ce pas hésitant, mais régulier, serrant votre sac très fort comme si vous serriez la main de votre maman après un cauchemar lorsque vous étiez enfant.
C’est la première fois pour vous…
Vous entendez des cris, des rires, des chants, mais aussi des pleurs, des insultes et des mots que vous ne comprenez pas parce que vous n’en connaissez pas la langue. Il vous parvient également des sons graves qui ressemblent à des coups donnés dans le sol et dans les murs. Vous ressentez les vibrations qui se propagent de vos pieds jusque dans votre tête et qui résonnent dans celle-ci comme des coups de fusils.
Vous marchez encore et la porte grandit à chacun de vos pas. Votre cœur bat de plus en plus vite. Vos mains deviennent moites et votre souffle n’est plus régulier. Vous vous approchez encore. Il ne reste plus que deux mètres… un mètre… vous voulez faire demi-tour, abandonner. Vous arrêtez de marcher, baissez la tête et respirez un grand coup.
Vous voulez savoir…
Après quelques secondes, qui ne vous ont jamais parues aussi longues, vous levez la tête, tendez la main, tournez la poignée et poussez la porte tout en avançant de trois pas. Soudain, vous êtes paralysé, vous ne pouvez plus bouger. Le souffle coupé, vous ne voyez plus rien, les sons vous semblent lointains.
Vous allez découvrir…
Le voile devant vos yeux s’écarte peu à peu avec le casque qui vous empêchait d’entendre correctement. Des images en noir et blanc d’abord, mille couleurs ensuite. Un son unique au départ, mille langages à l’arrivée. Tant de diversités réunies dans une seule pièce ! Et pourtant, la même expression, les mêmes questions dans tous les regards rivés sur vous : « Je n’en ai rien à faire ! Qu’est-ce que je fais ici ? Pourquoi ? Je ne comprends rien ! Je suis un moins que rien ! Qu’est-ce qu’elle me veut celle-là ? » (…) [1]Ici se situait entre ce qui précède qui en constituait l’introduction et ce qui suit qui en constituait la postface, le TFE de Julie Boverie.
C’est terminé cette année, vous allez repartir…
…Vous les regardez à nouveau. Ils sont autour de vous et demandent un autographe. À chaque petit mot que vous écrivez, des images vous reviennent. Celles d’élèves posant mille questions et s’appliquant à des exercices en sciences. D’autres vous montrent des élèves donnant tout d’eux-mêmes pour réaliser un document vidéo. Vous vous souvenez d’enfants très fiers de leurs responsabilités, de leurs initiatives, de leurs prises de risque. Vous vous souvenez alors de ce que chacun a apporté pour le groupe par le projet…
Tant de diversités réunies dans une seule pièce ! Et pourtant, la même expression dans tous les regards rivés sur vous : « Je me suis bien amusé ! J’ai appris des choses ! Je suis passé à la télé ! Je suis content de moi et des autres ! » Une question vous est alors posée : « Quand est-ce que vous revenez ? C’était bien avec vous ! »
Après les « au revoir », vous baissez la tête, tendez la main vers la poignée et tournez la porte que vous laisserez ouverte, en avançant de trois pas. Vous vous souvenez encore d’une exclamation. Celle qui vous disait : « Merci ! Merci de nous faire confiance. »
Alors vous reprenez ce couloir, blanc, lumineux et spacieux. Vous marchez encore et la porte rétrécit derrière chacun de vos pas. Vous vous éloignez… 10 mètres… 20 mètres vous séparent d’eux maintenant. Vous voulez faire demi-t`une assignation à résidence genre « Tu es étranger, tu es d’ailleurs ». On l’a transformé en « Je suis d’ici et dans ces rues, il y a eu des immigrés flamands »
Notre objet de travail, simplement à partir de ces noms de rues, était devenu l’entrée dans « comprendre un où je vis avec d’autres ». Les différentes entrées, sociologiques, historiques et géographiques du cours d’Etude du Milieu, l’action participative aussi, ont nourri la compréhension de ce bout de monde. Le cours de français a aidé à le lire, l’écrire, le nommer. Et pour le transversal, des observations, des classements, des formulations d’hypothèses, des vérifications sur documents réels, des analyses, des synthèses.
Faire de « manques » (« ils ne savent même pas écrire leur adresse à leur âge ») un tremplin, me plaît toujours beaucoup et j’ai remarqué à chaque fois que le choix de ce genre de chemin débouche sur de belles surprises.
Quant à l’écriture et à la prononciation des adresses, à force d’en parler de ces rues, d’y circuler ensemble, d’en regarder les plaques, les noms se sont peu à peu fixés dans les yeux et les oreilles. Pour le fun, nous avons fait un jour une dictée des noms de rues. Beaucoup les écrivaient correctement. Pour les noms qui ne l’étaient pas, nous avons fait un petit travail sur les sons et leur transcription (y compris flamands), ce qui nous a menés vers plein d’autres mots aussi, par jeu. Last but not least, de tout ce chemin, nous avons fait un petit livre que les élèves ont voulu didactique pour d’autres. Ils l’ont appelé Rue des Rigolos.
Notes de bas de page
↑1 | Ici se situait entre ce qui précède qui en constituait l’introduction et ce qui suit qui en constituait la postface, le TFE de Julie Boverie. |
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