Et partout, c’est la même chose ! Les enfants auraient leur place à l’école si les professeurs leur disaient : “ Si je n’étais pas professeur, je n’aurais pas de quoi gagner ma vie : c’est vous qui faites que je suis payé. Et moi, je suis à votre service pour que vous appreniez ce qui vous intéresse… ” Mais ce n’est pas cela du tout ! C’est le monde à l’envers. Les enfants sont au service de la maîtresse pour qu’elle jouisse de les emmerder avec des choses qui ne les intéressent pas. Alors qu’elle est là au service de leur intelligence, pour répondre à tout ce qui les questionne mais on ne le leur signifie pas.
La maîtresse, en imposant le silence, empêche les enfants de communiquer. L’école, c’est un lieu où il ne faut pas faire de bruit, pas parler, pas communiquer, pas dire ce qu’on pense de ce que la maîtresse vient de dire : « Veux-tu te taire pendant que je parle… » Alors qu’elle pourrait dire : « Qu’est-ce que tu as dit ?… Ah, ce n’est pas tout à fait la question. Je vais te répondre tout à l’heure… Si nous écoutions maintenant ce que votre camarade a dit. Ah, il a pensé à ça ! Oui, c’est vrai : j’avais dit un mot qui y ressemble, ou bien un mot qui, suivant la façon dont il est écrit, a deux sens… » etc.
Il y a des enfants qui font des associations verbales surprenantes. Ça fait rire tous leurs camarades, surtout ceux qui veulent faire la cour à la maîtresse, qui sont déjà aliénés, dans la dépendance. Et pourtant, voilà enfin un marginal : qu’elle en profite, la maîtresse ! C’est justement ce marginal qui est intelligent. Il a peut-être fait une association hors de propos, mais qui avait un intérêt : ça permet par exemple de voir ce que c’est qu’un synonyme. Et l’expliquer à tous. C’est cela, l’accueil symbolique de l’être humain par la société. Or d’habitude on n’accueille pas tous ses questionnements, y compris ceux auxquels la maîtresse ou le maître n’ont pas de réponse.
in La difficulté de vivre
Françoise Dolto
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