As-tu ton coach ?

Je rentre du désert et je rêvais de rédiger un billet « civilisation » après quelques jours vécus au rythme des Touaregs. Mais voilà, le premier son entendu sur le sol belge, sur ma radio préférée, m’a replongé brutalement dans la dure réalité du marché scolaire ou plutôt extrascolaire. Finies les vacances avec des sages !

Une pub évidemment. Une pub lancinante qui revient toutes les heures avant les infos. Un peu comme si c’était une info. Une pub qui surfe sur les inquiétudes des parents qui ont découvert, juste avant le congé de Toussaint, le premier bulletin alarmant ou « limite » de leur progéniture. « Pas de panique, nous sommes là ! Avec nos coachs, on peut vous assurer la réussite à Noël. Visitez notre site….. ».

Bon, rien de bien neuf, me direz-vous. C’est le vieux marché des cours particuliers, aussi vieux que la « bonne vieille » école, qui se met au goût du jour. Dans votre jeunesse étudiante, vous avez peut-être été coach scolaire …sans le savoir ! Mais il y avait mieux que le recours à un étudiant inexpérimenté. Quand le gamin ou la gamine avait des difficultés, surtout en math. et en langues, on préférait que ce soit « son » prof (celui qui allait décider de sa réussite !) qui lui consacre quelques heures supplémentaires. Contre monnaie sonnante. Donc, pas d’hypocrisie, pas de paradis perdu.

Quoi de neuf alors ? Aujourd’hui, ce marché, jadis discret (et au noir), s’affirme sur la place publique. Il propose une palette de services diversifiés et sophistiqués (si on en croit les annonces) qui vont booster le petit. Qu’est-ce que vous voulez de plus ? Simplement poser quelques questions parce que les temps ne sont plus… L’école s’est heureusement ouverte à toutes et à tous. On sait que cette massification ne s’est pas, hélas, doublée d’une démocratisation. On rappellera au passage que sa mission est de promouvoir « l’émancipation sociale de tous ».

Question évidente : à qui ces « services » sont-ils proposés ? Cela va de soi, aux enfants des familles qui disposent de ressources suffisantes. Et les tarifs parlent d’eux-mêmes : entre 25 et 30 euros/heure. Avec un minimum de 10 heures. Faites les comptes. Question plus sensible : à l’heure où on ne cesse de parler de « remédiation » à l’école, voilà que l’on assiste à son externalisation…pour quelques-uns. N’est-ce pas la mission première de l’école de mettre tout en œuvre, dans ses murs, pour que celles et ceux qui ont des difficultés les surmontent ? Plus délicat encore : les parents qui ont recours à ces boites privées sont-ils conscients qu’ils sont complices de la faillite d’un système qui ne remplit plus ses missions ? A moins qu’ils ne soient de ceux qui considèrent que la compétitivité justifie l’élimination des plus faibles …qui ne peuvent se payer ces « services » complémentaires ?

Ce marché du coaching scolaire a explosé en France ces dix dernières années. Les mises en garde se sont multipliées chez nous. Dans une communauté qui a fixé pour mission à son école « l’émancipation sociale de tous » (tous partis démocratiques confondus), la vigilance et la régulation s’imposent d’urgence. Politiques, pouvoirs organisateurs, syndicats, associations, citoyens, …y a du boulot !