Cette formation invite le demandeur d’asile à effectuer le premier pas vers une ouverture sur son nouvel environnement, à réfléchir sur sa destinée nouvelle. C’est aussi un lieu d’échange d’expériences entre les demandeurs d’asile et avec les Belges. Les formatrices soutiennent, orientent, dirigent, écoutent et apaisent les participants. L’accent est mis sur l’orientation socioprofessionnelle.
Avant toute chose, le demandeur d’asile a besoin de se sentir écouté dans son combat quotidien. C’est là que réside sa préoccupation première. La formation l’aide d’une part à reprendre confiance et à comprendre son nouveau milieu, et d’autre part à voir clair dans les démarches administratives et les procédures juridiques. Le demandeur d’asile retrouve peu à peu ses compétences et prend de l’assurance, notamment au travers d’échanges d’expériences avec des Belges et d’autres réfugiés.
Un processus accéléré ?
Les formatrices n’apportent pas de discours préétabli. Les méthodes appliquées varient entre la maïeutique, le dialogue et les débats lors desquels les participants tout comme les formatrices élaborent les synthèses afin d’aboutir à la bonne approche des choses. Tout est conçu ensemble et l’investissement des participants est total. Cependant, le programme souffre d’un manque cruel de moyens. Il est beaucoup trop court pour rencontrer l’ensemble des besoins. Pour Kanyi Akakpo Toulan, résident togolais du centre Chantecler-Oignies, « une telle formation devrait se dérouler sur une durée raisonnable, vu le nombre important de notions nouvelles auxquelles le demandeur d’asile doit se familiariser ».
Des participants venus de tous les horizons
Le profil des participants est très variable et c’est ce qui fait la richesse de la formation. Mais cette disparité n’est pas sans créer des difficultés. Comme l’expliquent Charlotte Sanzabera et Solange Umutoni qui résident actuellement au centre d’accueil d’Yvoir, « il y a une grande disparité entre les participants en ce qui concerne le niveau d’études. En effet, les participants n’ont pas tous le même niveau. Le dénominateur commun qui les rassemble ici est qu’ils sont demandeurs d’asile et qu’il leur faut de l’information. À cause de cette disparité, lors des débats et des discussions, certains vont émerger parce qu’ils sont plus éloquents ou qu’ils comprennent plus rapidement les données. D’autres auront plus de difficultés ».
Dix jours de formation et après ?
Pour Anicet Valery Kenfack, Camerounais ayant résidé au centre de Melreux-Hotton, « la formation s’arrête trop vite, ce qui ne permet pas de joindre la théorie à la pratique. Il n’est pas facile de remplir les objectifs fixés et de donner aux demandeurs d’asile une formation pouvant leur servir de référence pour un nouveau départ et les aider à atteindre l’objectif qu’ils se sont fixé dans leur projet migratoire ».
Pour leur donner un peu plus de temps, la formation propose deux journées de rencontre individuelle avec chaque participant afin de préciser ses attentes et ses objectifs. Nombreux sont ceux qui, au-delà des deux jours de suivi individuel, restent en contact avec les formatrices pour bénéficier d’appuis et de conseils. Ce processus ne prend en réalité fin que lorsque le demandeur d’asile décide de ne plus être suivi. Cette étape est prépondérante dans la mesure où la responsabilisation des réfugiés eux-mêmes est essentielle.
Un défi au quotidien
Les centres d’accueil sont éloignés les uns des autres et une formation réunit au moins les résidents de trois centres. Cela pose de véritables problèmes de déplacements (train, bus, tram), de ponctualité… Et comme les moyens budgétaires alloués au projet sont limités, à peine 10 % des résidents d’un centre peuvent bénéficier de la formation.
Fatoumata Barry, ex-résidente du centre de Manhay, actuellement employée au centre de Fraipont, se demande : « Pourquoi tous les résidents n’ont pas accès à la formation ? Pourquoi moi et pas l’autre ? Sur quoi se base-t-on pour choisir les participants ? Voilà des questions qui tournent dans ma tête et auxquelles je n’arrive pas à donner de réponses. Les centres sont pleins de demandeurs d’asile qui ne cherchent qu’à s’ouvrir sur la société belge. Mais pourquoi, eux, n’ont pas le privilège de bénéficier de la formation ? ».
Pour Lys Gehrels et Adriana Buitrago, formatrices, « C’est un immense défi à relever : le droit à la formation pour tous, peu importe le statut de l’individu, peu importe sa nationalité, sa race, sa couleur de peau. Rien n’a été fait dans ce sens pour les demandeurs d’asile mis à part les rencontres individuelles avec des assistants sociaux. Les demandeurs d’asile qui, contrairement à ce que l’on pense, sont pour la majorité des cadres et des intellectuels dans leurs pays d’origine, manquent d’information et donc de formation ».
Sortir du brouillard
Demandez aux humains pourquoi ils craignent la mort, ils vous diront, s’ils le savent, que c’est la peur de l’inconnu. Il en est de même pour un apatride ou un demandeur d’asile qui met pied dans un pays autre que le sien.
Pour le demandeur d’asile, l’inconnu c’est tout ce qui l’entoure, les humains, les systèmes et les mœurs, toute chose extérieure qui existe, ces choses qu’il ignore. Le demandeur d’asile est en manque de confiance. C’est là un des plus grands mérites de la formation, les participants en sortent avec une personnalité renforcée et se sentent à nouveau aptes à entreprendre.
Ayayi AYI