Au-delà des réformes actuelles, quel horizon pour l’enseignement technique et professionnel ?

Au-delà des réformes actuelles, quel horizon pour l’enseignement technique et professionnel ? L’enseignement technique et professionnel a été le centre d’une vaste refondation durant cette législature, menée par la ministre de l’Enseignement, Marie-Dominique Simonet (CDH). Mais on peut considérer qu’il faudra sans doute aller plus loin, car l’impact des mesures actuelles ne se fera sentir complètement que dans plusieurs années. « Ce n’est pas encore un débat sur la place publique, mais on en parle déjà quand même », explique Patrick Beaudelot, conseiller au cabinet de la Ministre. Il nous livre ici – à titre purement personnel – des perspectives venant compléter le travail en cours actuellement. D’une part, l’idée de prolonger le tronc commun jusqu’à l’âge de 15 ans pourrait être envisagée sous certaines conditions. D’autre part, il serait à envisager de revoir les parcours au sein des 2e et 3e degrés actuels afin de proposer des formations « métier » de deux ou trois ans. État des lieux.

« Tout d’abord, il est clair que l’enseignement francophone peut améliorer la manière dont les parcours sont construits. L’idée serait de poursuivre davantage le tronc commun et, ce faisant, de reculer l’âge de l’orientation du jeune. » Actuellement, les élèves, mis à part une minorité qui sont dans l’enseignement différenciés et n’ont pas obtenu leur CEB, suivent un tronc commun jusqu’à la fin du premier degré seulement. « Mais ce tronc commun est fortement imprégné du général. Il y a beaucoup de savoirs de type logicoverbal. Il est très peu axé sur d’autres compétences comme l’artistique ou le technologique. C’est pourquoi, notre réflexion porte sur l’idée d’étendre ce tronc commun jusqu’à l’âge de 15 ans, jusqu’en troisième année donc, mais à une condition : Il doit permettre plus de découvertes de soi-même à travers des activités différentes. L’idée est donc de donner une année en plus à l’élève afin qu’il puisse murir et réaliser un réel travail de construction du projet et de projection dans le futur. » Un projet pilote a d’ailleurs vu le jour en septembre 2012 dans 45 écoles de l’enseignement professionnel. Concrètement, ce projet, prévu sur une durée de deux ans, permet aux jeunes de 3e année de l’enseignement professionnel qui le désirent de passer par plusieurs écoles différentes afin de faire l’expérience de la construction, la mécanique… et ce, pendant deux à trois mois à chaque fois. Ce projet pilote pourrait préfigurer un futur redécoupage du parcours du jeune, après une évaluation prévue fin de l’année scolaire 2013-2014. « Je suis résistant à aller trop vite dans le choix professionnel donc j’aime assez cette idée d’une année où on propose à l’élève d’essayer différentes options. » Objectif ? « Contrer les clichés de genre et donc permettre aux filles de tenter des formations réputées masculines par exemple. L’école doit permettre de découvrir les différents secteurs et options possibles », explique Patrick Beaudelot.

Après la réforme ? Les mêmes élèves…

Est-ce que cela signifie que tous les élèves en troisième année vont réaliser ce travail d’orientation ? « Non. À la fin de la deuxième année, le CE1D permet de vérifier si le jeune a les compétences à 14 ans. Si c’est le cas, il peut continuer la trajectoire actuelle dans l’enseignement général. Par contre, pour les autres, qui ont eu des difficultés face à une épreuve axée exclusivement sur des compétences langagières, d’abstraction de logique…, on pourrait utiliser la 3e année pour leur permettra de réfléchir à ce qu’ils veulent faire par la suite. »

L’intention n’est donc pas de permettre à plus de jeunes de réussir dans l’enseignement général, mais bien « d’éviter l’orientation par relégation. On retrouvera les mêmes élèves qu’aujourd’hui dans ce système, mais ils auront fait un choix en connaissance de cause » (…) « Il faut sortir du modèle où l’intellect est valorisé et lui seul. On doit favoriser l’ascension sociale en proposant de se former dans des sections où il y a plus de possibilités de carrières. Là où des jeunes pourraient choisir une filière qui permet l’ascension sociale, on constate aujourd’hui que ce n’est pas le cas pour de multiples raisons. Il parait essentiel de favoriser des choix d’option plus construits, en travaillant davantage en relation avec le monde extérieur et en s’appuyant sur l’expertise des professionnels de l’orientation que sont les CPMS, qui auraient un rôle central dans ce projet.

Le deuxième axe de cette réflexion porte sur une redéfinition de la formation qualifiante avec, comme corolaire possible, la disparition de la distinction entre enseignement professionnel et technique. Mais pour arriver à quoi au juste ? “Il s’agirait d’arriver à un panel de métiers, et ce, en lien avec les nouveaux profils issus du SFMQ Patrick Beaudelot de continuer : ‘On s’aperçoit que certains métiers ont besoin de trois années complètes pour arriver au seuil d’embauche alors que pour d’autres métiers ce n’est peut-être que deux. À titre d’exemple, le secteur automobile nous explique que, tenant compte de l’évolution du métier qui est devenu de plus en plus technique, on a davantage besoin de techniciens que de garagistes tels que formés dans la filière professionnelle.’ Dans la nouvelle configuration issue de la redéfinition des profils de formation certains suivraient donc une formation de deux ans et d’autres de trois ans, par exemple. Quid de l’élève qui, après avoir suivi une formation de deux ans, est encore mineur ? ‘Il n’est pas question de changer l’âge de l’obligation scolaire. L’élève mineur devra donc s’inscrire dans une nouvelle option ou dans un perfectionnement.’

Pour une responsabilisation du jeune

Si dans le système actuel les élèves peuvent passer d’une option à une autre jusqu’à la 5e année pour des raisons diverses et variées, le cursus renouvelé et découpé en unités d’acquis d’apprentissage ne permettrait plus ces bifurcations en cours de route. . ‘Idéalement, le tronc commun doit préparer les élèves au choix de la formation métier qu’ils désirent poursuivre sachant qu’ils ne peuvent plus changer après. Il ne sera plus question, pour le jeune, de passer de l’option travaux de bureau à l’automobile pour se rendre compte, une fois inscrit, que cela ne lui convient pas non plus. Il s’agit donc de dire au jeune : ‘tu te lances dans une formation métier, mais si tu changes tu repars à zéro. C’est un discours de responsabilisation qui peut être audible. Dans le système actuel, on remarque une énorme volatilité des jeunes à l’intérieur du 2e degré, car elle est tout simplement permise. La redéfinition des profils métier amènera vraisemblablement la suppression de sections qui n’ont plus d’avenir, sur le plan de l’emploi. Par ailleurs, il est clair que la tendance actuelle est dans le sens du maintien de l’obtention du CESS selon des modalités à redéfinir et du renforcement des cours généraux. ‘On a une société européenne en difficulté face à la mondialisation. On ne peut rester prospère que si on oriente les jeunes au maximum vers les métiers d’avenir — par exemple les métiers du développement durable et de la technologie. Après chacun pose des choix personnels en fonction de ses gouts, de ses capacités…’