Je suis d’origine chinoise. Je
suis arrivée à 5 ans en Belgique
parce que j’ai été adoptée. J’ai dû
apprendre le français, c’est pour ça
que je suis restée plus longtemps
en maternelle. Je suis entrée en
primaire à presque 7 ans.
J’ai toujours eu des difficultés à l’école. Je suis
allée chez des logopèdes.
Au début, c’était pour apprendre les sons,
voir si j’écoutais bien, apprendre à lire… Après,
on a repéré vraiment d’où venaient mes problèmes
: j’ai un trouble de l’attention. Je suis allée chez
un médecin qui m’a prescrit de la Rilatine. C’est un
médicament qui permet de rester concentré sur son
travail. J’étais en 3e primaire. J’ai senti une différence.
J’étais plus attentive en classe et j’arrivais à rester plus
longtemps sur une tâche sans être distraite. Avec la logopède,
j’ai appris à m’organiser dans mon travail. J’ai
fait une étiquette – « Stop, j’écoute, je réfléchis, je fais. »
– que j’ai collée sur mon banc en classe. J’ai aussi appris
à mettre en fluo les mots importants des consignes.
J’avais besoin de plus de temps que les autres pour faire
mes feuilles. Quand les autres avaient fini, ils commençaient
une activité plus artistique ou en atelier. Quand
j’avais fini, je rangeais mes affaires et j’entrais dans l’activité
que les autres avaient déjà commencée.
En 5e année, nous avons vu que j’avais encore beaucoup
de problèmes en math. Je suis allée chez une autre
logopède. Avec elle, j’ai travaillé les problèmes
: utiliser le cache pour bien lire
les consignes, mettre en fluo, trouver
les indices pour répondre, chercher les
opérations nécessaires et résoudre. La
logopède me faisait travailler de plusieurs
manières différentes : visuellement,
en racontant, en bougeant ou en
jouant. Elle m’avait aussi construit un
abaque réutilisable pour que je comprenne mieux les
nombres et les grandeurs.
À la fin de la 5e année, mes parents et mon institutrice
ont choisi de me laisser encore 2 ans en primaire.
C’était difficile à la rentrée parce que ceux qui étaient
dans mon année depuis 5 ans passaient en 6e et aussi à
cause du regard des autres. Je n’avais pas envie d’expliquer.
Mais c’était bien pour mes études. J’ai eu plus de
temps pour apprendre. Je n’ai pas eu l’impression de
m’ennuyer et j’étais bien dans la classe.
J’avais vraiment envie de réussir et j’étais stressée.
Le CEB est super important. Il certifie qu’on a les bases
suffisantes pour aller en secondaire, pour faire des
études et apprendre un métier. Je travaillais beaucoup.
En plus de mes devoirs pour l’école, je faisais d’anciens
CEB pour me préparer à la présentation des épreuves
et apprendre des méthodes de travail : toujours le fluo
dans les consignes, si je ne sais pas répondre tout de
suite, je passe, puis revenir sur les questions et ne pas
laisser de réponses vides, me relire attentivement. J’ai
écrit la méthode sur une étiquette que j’ai pu emporter
avec moi.
Quelques gouttes de rescue[1]Rescue : gouttes
de fleurs de Bach
pour surmonter
les situations de
stress. et j’y suis allée. Tout
le monde se regardait. On était tous les sixièmes des
4 écoles, en tout 80 élèves, dans un hall omnisport.
Chacun tout seul sur une table. On nous a distribué
les épreuves. Là, il y a eu un bug : on m’a donné deux
épreuves, une normale et une version adaptée pour
dyslexique. J’ai regardé les deux, j’ai vu que c’étaient
les mêmes questions. Je n’ai pas osé lever le doigt. J’en
ai commencé une. Je ne savais pas quoi faire de l’autre.
« Une tension permanente entre ” faire émerger ” et ” tirer “. »
C’est seulement à la fin de l’examen, quand on ramassait
les carnets, qu’ils ont remarqué que j’en avais deux.
J’ai complété les questions du mieux que je pouvais,
mais avec le stress, j’ai perdu du temps à relire, j’étais
très tracassée par le temps qui passe. Quand les 4 jours
d’épreuves étaient finis, je me suis dit : « Les dés sont
jetés ». Mais je me demandais si j’allais réussir. Et je n’ai
pas réussi !
Sur le coup, j’étais hyper déçue. Pendant les vacances,
j’ai beaucoup parlé avec mes parents. Eux aussi
étaient déçus, mais ils m’ont encouragée à continuer à
me battre pour avoir mon CEB.
Je suis allée dans une nouvelle école, en première
différenciée. Nous étions un petit groupe de 12 élèves et
notre titulaire était très motivante. Les profs nous donnaient
parfois des nouvelles matières, mais la plupart
du temps c’était encore des exercices pour préparer
le CEB. J’ai eu le sentiment de m’ennuyer. J’étais plus
forte que les autres et je pouvais les aider. Ça, ça m’a fait
du bien. Même quand je prenais mon temps pour bien
faire les exercices, j’avais fini avant les autres. Je ne me
sentais plus en difficulté. Mais je ne me sentais pas non
plus à ma place. Parmi les autres élèves, il y en a qui ne
faisaient rien, certains même étaient souvent absents.
Nous étions seulement quatre sur les douze à être motivés
au travail.
Au moment des épreuves, nous étions dans un petit
local, avec peu de gens et trois surveillants qui nous
rappelaient nos méthodes de travail. Le temps était le
même, mais comme j’étais moins stressée et que les
profs nous disaient : « Prenez votre temps, n’allez pas
trop vite, lisez bien les questions ! ». J’ai eu l’impression
d’avoir tout le temps dont j’avais besoin pour bien faire
mes examens.
J’ai eu mon CEB avec 80 % de moyenne ! C’est dans
la partie « Traitement de données » que j’ai eu les meilleurs
résultats en math. Ça, ça m’a fait vraiment plaisir.
Mon parcours n’est pas le même que celui des autres,
mais, globalement, j’en suis fière parce que je n’ai jamais
abandonné !
Maintenant, je suis en 1re secondaire, mais une première
encore spéciale. Il parait que comme j’ai 15 ans,
je suis obligée d’aller l’année prochaine en professionnelle.
Je ne sais pas encore ce que je vais faire… Je passe
des tests pour savoir dans quelle branche m’orienter.
Moi, j’aime le social. J’aimerais être éducatrice ou assistante
sociale.
Notes de bas de page
↑1 | Rescue : gouttes de fleurs de Bach pour surmonter les situations de stress. |
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