Chaque acteur d’un projet a une vision du travail et des intérêts particuliers.
À la faveur d’une série d’expositions de photographies regroupées sous l’intitulé Bitum Bitum et se déroulant dans le quartier, une classe de sixième année primaire s’est mise en projet. Face aux affiches des expositions, les réactions ne tardent pas : « Quoi, ce sera des photos comme les photos de classe ? » et se prolongent durant la visite d’une des expos : « Mais elle est ratée, cette photo-là, pourquoi il la montre ? », « Pfff, trop simple, la photo : tu fais clic clac et c’est tout ! », « C’est pas de l’art, c’est mon voisin sur la photo ! »
L’enseignante décide alors d’inscrire la classe dans un projet existant (le projet Vu) dont le but est de découvrir d’un même mouvement son quartier et la technique photographique. Il s’agit de parcourir les rues du quartier en suivant un des trois itinéraires proposés et de rapporter de son voyage 36 photos reprenant des détails colorés (une couleur primaire par groupe et par itinéraire). Pour l’enseignante, c’est l’occasion d’aborder des notions comme le plan, l’échelle, les couleurs primaires, les noms de rues (qui les choisit ? pourquoi boulevard ici et avenue là-bas ?), les corporations (mercier, boucher, cordonnier,… « Abricotier, c’est un métier ? » se demandent certains) ainsi que la naissance et le développement d’une ville. Les enfants comprennent qu’une ville ne se développe pas par hasard et que ce sont aussi les habitants qui font la ville, par leurs actes quotidiens, positifs ou négatifs.
Lorsqu’ils ont suivi les parcours, les enfants se sont surtout attachés à la beauté, l’originalité des photos, plus qu’à des notions d’Histoire ou de Patrimoine, encore peu développées. La gestion des 36 vues à réaliser le long du parcours était déjà en elle-même une préoccupation importante pour les enfants.
Au développement : dix fois la même voiture bleue, plusieurs façades jaunes, des plaques de rue en émail bleu, des pubs rouges, une voisine qui pose,… et un regard plus attentif.
Sous le vernis
Quelques 900 photos parmi lesquelles il faudra choisir et qu’il faut agencer en vue de l’exposition qui regroupera, entre autres choses, les réalisations des différentes écoles participant au projet Vu. La partie réalisée par l’école était composée des photos sélectionnées, de courts récits d’impressions, de peintures et de dessins des enfants. Et elle fit leur fierté : mis sur leur 31 pour le vernissage en présence de la presse, ils se rendent compte qu’on parle d’eux dans le journal, que leur action dépasse le cercle de l’école, se propage plus loin qu’ils ne l’auraient espéré.
De plus, l’expo présentait la valise pédagogique réalisée par les enseignants en prolongement du projet et comprenant une série de fiches d’activités artistiques ou historiques vécues ou à tester.
Ce sont des activités hors du projet Vu et menées par l’enseignante qui ont permis aux enfants de trouver dans la ville les traces de son passé. Celle-ci avoue s’être sentie un peu bernée car le projet dans lequel elle croyait s’inscrire au départ tournait autour de la photo essentiellement. Ce n’est que par la suite que des exigences de liens avec le patrimoine lui ont été rapportées par sa promotrice « parce que c’est avec la Fondation Roi Baudouin, on a des subsides, tu comprends bien… »
Une seconde ombre au tableau : l’école normale dans laquelle ils exposent récupère une vitrine après deux jours seulement, la valise est reléguée dans un coin peu de temps après, les heures d’ouverture sont trop restreintes,… Ce qui montre que les différents acteurs du projet ne sont pas sur la même longueur d’onde.