C’est la période des bulletins. Pourquoi ne pas passer en revue les matières traitées par les « responsables » de l’enseignement ? Ont-ils été à la hauteur de leur promesse : « l’enseignement est notre priorité ».
Tout le monde en convient : le système scolaire en Communauté française est un « grand corps malade ». Ce qui n’exclut pas des réalisations remarquables ici ou là. Les classements internationaux : pitoyables. Le coût des redoublements : énorme. La privatisation rampante : en croissance. Le moral de beaucoup d’enseignants : morose. Etc. Face à ces défis de taille, quelles réponses du politique ? Inventaire partiel et partial.
Il faut hélas reparler du feuilleton « inscriptions ». Rappel : parce que quelques écoles secondaires élitistes avaient des pratiques sélectives et inacceptables, « on » a mis en route un train fou. On a créé de l’inquiétude partout. Mais on a surtout provoqué des effets pervers multiples : centrer toutes les attentions sur le début du secondaire ; renforcer le souci du particulier au détriment de l’intérêt général ; donner des tonnes d’arguments aux adversaires de la « mixité sociale » ; accessoirement, offrir un mauvais feuilleton aux médias ! Et qui se fait surtout entendre depuis 4 ans sur ce dossier ? A qui donne-t-on largement la parole ? A des groupes d’abord soucieux de promotion individuelle, voire d’élitisme. Par rapport aux nobles objectifs annoncés, c’est un échec retentissant ! J’ose l’écrire en sachant que je vais me faire bien des « ennemis » …de tous bords.
Passons à l’enseignement supérieur où deux dossiers ont fait et feront la Une : le débat sur l’accès à l’université et le projet de prolonger la formation initiale des instits et régents à 5 ans. Sur la formation des maîtres, la méthode est intéressante : donner largement la parole aux acteurs et confier la synthèse à une équipe universitaire de qualité. Espérons qu’on ne se perdra pas dans des problèmes de tuyauterie et que ce sera l’occasion de recentrer la formation sur l’essentiel : comment garantir à tous les élèves un « socle commun » de bon niveau. Donc former à travailler avec les enfants qui ont le plus de difficultés et avec les familles les plus éloignées de la culture scolaire. Et plutôt que de prolonger la formation initiale à 5 ans (parce que l’Europe), multiplier les périodes sabbatiques qui devraient permettre des revalorisations successives. Eviter ainsi des pénuries graves et une impasse financière évidente !
J’ai écrit « accès à l’enseignement supérieur ». Mais le ministre a mis en avant la limitation de l’accès aux études de médecine. Il faut impérativement envisager la question pour tout l’enseignement supérieur (type court et type long). L’échec en 1° année y est colossal (près de 60%). Ce massacre n’est pas nouveau, mais il touche de plus en plus de jeunes parce qu’il y en a de plus en plus qui fréquentent ce niveau. Une situation coûteuse, surtout sur le plan humain. Dès lors, je comprends mal le refus obstiné de la FEF quand on parle de tests ou de « passeports ». Je ne plaide évidemment pas pour des tests contraignants ou éliminatoires, mais pour des avertissements clairs sur les lacunes à combler. Et pour des lieux et des formateurs compétents prévus pour ce faire … dans les institutions publiques bien sûr.
Sur tous ces dossiers les tensions dans la majorité politique ont été patentes. Mais le comble vient d’être atteint avec « Robin des bois ». Vers l’Avenir a justement écrit : « on est au degré zéro de la politique ». Au lieu de convaincre qu’il faut mobiliser toutes les forces et le maximum de moyens là où ça fait le plus mal, on est parvenu à diviser et à renforcer le sentiment des écoles « riches » …qu’elles sont pauvres ! A faire passer à la trappe l’urgence de repenser fondamentalement un système qui produit autant d’exclusions, d’abandons et d’élèves très faibles. Alors que « les écarts ne sont pas inévitables … les inégalités observées ne résultent pas de différences dans la répartition des aptitudes naturelles, mais bien dans l’application de politiques qui ont permis de réduire l’écart vis-à-vis d’élèves défavorisés ». (Unicef, Innocenti, déc. 2010)
Il faudrait encore parler de la certification par unités (CPU) dans l’enseignement qualifiant (technique et professionnel). Enfin un projet pour ce secteur … mais précipitation et improvisation font craindre le pire. On assiste aussi, à tous les niveaux, à une multiplication des évaluations externes et internes. Que de temps passé à évaluer et perdu pour les apprentissages ! C’est un des facteurs parmi d’autres qui poussent de plus en plus de parents à inscrire leurs enfants à des cours privés. Un cap a été franchi cette année : ces officines multiplient les publicités sur les antennes et dans les journaux. Elles promettent monts et merveilles aux parents inquiets. Pourtant on n’a jamais autant parlé de « remédiation » … à l’école. Et pour tous !
Enfin, cette année a été le théâtre d’un « réveil » des profs. Ou plutôt d’une grève, manifestation publique de leur profond « malaise ». En soi, c’est un signe de bonne santé ! Mais ça débouche sur quoi ? Sur des primes de fin d’année réévaluées au forceps. Un débat illisible sur les fins de carrière et de vagues promesses sur les conditions de travail.
On ne peut sous estimer les confusions que tout ce brouhaha crée dans l’opinion publique. Quelle image du système scolaire, du métier d’enseignant ? Y a-t-il là de quoi donner envie à des jeunes « qui en veulent » de s’engager dans la promotion du savoir pour tous, dans la lutte contre une des inégalités les plus criantes : la relégation impitoyable des enfants des familles pauvres ?
Quelle image du projet politique ? Confuse pour le moins ! Ecoutons les plus sévères : « jouer avec l’enseignement et donc avec l’avenir des gosses, pour des raisons purement politiciennes, s’apparente à une forme d’irresponsabilité difficilement admissible dans le chef de ténors censés être au dessus de la mêlée » (Vers l’Avenir, 17 juin, journal plutôt modéré).
Un bilan trop noir ? Oui, parce qu’il ne souligne pas les remarquables efforts de nombreux profs et de quelques belles équipes. Non, si on est lucide face aux énormes défis à relever. D’autant que le contexte ne favorise pas la démocratisation : « Nous sommes entrés dans l’ère de la marchandisation de l’offre scolaire où les élèves et leurs familles deviennent des clients comme les autres. Si on l’abandonne aux forces du marché, le soutien privé risque de maintenir et d’exacerber les inégalités » (rapport « le défi de l’éducation de l’ombre » de MarkBray).
Un contexte qui appelle les politiques à beaucoup plus de courage, à beaucoup plus d’audace, à beaucoup plus de cohérence ! « Doit beaucoup mieux faire ! ».