Carnet d’évolution

« Comment ça se passe avec lui en classe, madame ? Il apprend bien ? Il écoute bien ? Il est sage ? »

Qui n’a jamais, le matin dans les rangs, été confronté à ces questions auxquelles nous n’avons pas toujours le temps de répondre sur-le-champ.

C’est pour cette raison que deux à trois fois par an, nous convions les parents à une rencontre individuelle. C’est un moment de double échange. En tant qu’enseignantes, nous expliquons comment nous percevons l’enfant, comment il se comporte en classe, comment il évolue, quelles sont ses réussites, quels sont les défis que nous lui proposons de relever. Quant aux parents, c’est l’occasion de nous présenter une autre facette de l’enfant : ce qu’il raconte de l’école, de ses apprentissages, de la vie en groupe.

D’emblée, il nous a semblé judicieux de matérialiser
ces échanges pour transmettre au mieux nos observa- tions aux parents.

UN CARNET RÉALISÉ EN CONCERTATION AVEC TOUTES LES INSTITUTRICES MATERNELLES

En équipe, nous imaginons créer un outil qui serait utilisé dans toutes les classes, de la 1e à la 3e maternelle. Mais quelle forme lui donner ? Qu’y noter ? Comment le penser en continuité ? Comment faire pour qu’il ait du sens pour les enfants ? Doit-on le rendre aux parents ?

Comment ne pas donner une vision trop négative de l’enfant qui ne réussirait pas les défis proposés ? Autant de questions qui ont animé nos concertations durant plus d’une année et qui les occupent encore parfois.

Pour chaque domaine d’activité, nous pro- posons un, deux ou trois défis à atteindre pour le trimestre. Les défis sont pensés en conti- nuité de la 1e à la 3e maternelle. Par exemple, nous demandons aux enfants, au cours de
leurs années de maternelle, d’associer des objets selon 1, 2 puis 3 critères et de pouvoir ensuite construire un tableau à double entrée.

Selon les réussites de l’enfant, nous colorions un personnage en haut de la montagne si l’enfant y est arrivé, un enfant à mi-chemin de la montagne s’il y est presque arrivé, un enfant en bas de la montagne s’il lui faut encore du temps pour y arriver. Les enfants étant rarement en dessous de la montagne. Ils ont toujours un « petit bagage », ils connaissent toujours un petit quelque chose dans un domaine ou un autre. Mais cela nous pose problème quand ils ne parlent pas ou très peu. Notre premier rôle est donc de les amener à s’ex- primer, à dialoguer afin de les aider à mettre des mots sur leurs démarches.

L’enfant qui n’aurait pas atteint le sommet de la mon- tagne, à la fin d’une période, pourra retravailler ce défi lors de la période suivante. Pour aider l’enfant à progres- ser au mieux, il est important que nous ayons des traces pertinentes de son évolution. Nous essayons que celles- ci ne soient pas consignées dans un cahier, mais soient à vue d’œil dans les différents coins de la classe. Par exemple, au coin graphisme-écriture, où nous deman- dons, au fil des trois ou quatre années, de pouvoir écrire son prénom (d’abord en imprimé et ensuite en cursive, avec puis sans modèle), nous possédons un tableau sur lequel nous affichons chaque mois une trace d’écriture du prénom de l’enfant. Nous indiquons également s’il l’a écrit avec ou sans modèle. Nous pouvons ainsi aisément visualiser quelles lettres ou parties du prénom sont plus précisément à travailler (lettre écrite à l’envers, mal for- mée) et proposer à l’enfant des activités en fonction de ses besoins. C’est également plus attrayant pour l’enfant de voir son évolution.

Le carnet ne couvre évidemment pas toutes les com- pétences que nous travaillons en classe, nous avons choisi les plus pertinentes, celles qui leur serviront de base et leur permettront d’ouvrir d’autres portes d’ap- prentissage (dénombrer, citer le nom et expliquer les caractéristiques des formes géométriques, retrouver un mot dans un référentiel d’au moins 6 mots).

En fin de carnet, on trouve également une série de savoir-faire que nous colorions au fur et à mesure de leur acquisition (Je sais mettre mon manteau tout seul. Je range mon matériel. Je respecte les consignes don- nées.)

UN CARNET D’ÉVOLUTION, PAS D’ÉVALUATION

Pour nous, enseignantes, le carnet est un moyen de transmettre nos constats, de mettre en valeur les pro- grès de l’enfant, d’éventuellement trouver, en partena- riat avec les parents, des pistes à mettre en œuvre pour, ensemble, faire avancer l’enfant qui serait en difficulté (compter les marches des escaliers en les montant, prendre le temps de lire un livre le soir avant d’aller dor- mir). Pour les parents, c’est une belle « vitrine » de ce que nous faisons en classe : « Je n’imaginais pas que mon enfant savait faire cela… » Pour l’enfant, c’est une trace « parlante » de son évolution : « Pour cela, tu as encore besoin de temps, nous allons tout faire pour y arriver lors du trimestre suivant. » Ou « Tu as vu, la dernière fois, tu y étais presque et maintenant, tu y arrives ! Bravo ! » Les observations des enfants et la différenciation (proposer des outils différents pour arriver à un même objectif ) sont indispensables dans notre manière de fonctionner. Notre objectif étant d’amener tous les élèves en haut des montagnes pour la fin de l’année. Pour chaque pé- riode, nous notons un commentaire avec un point fort et un point à améliorer.

UN CARNET EN PERPÉTUELLE ÉVOLUTION

Depuis la première utilisation du carnet, nous avons apporté pas mal de modifications tant au niveau de la forme que du contenu. Celui-ci n’est pas « figé » parce que nous nous remettons en question, nous avons be- soin de changements, d’adapter ces changements à notre métier. Lorsque nous suivons des formations, nous revenons avec de nouvelles idées, de nouveaux défis, des certitudes et parfois des incertitudes.

Par exemple, les abréviations Acquis – En Voie d’Ac- quisition et Non Acquis ont d’abord été remplacées par des smileys et puis par les représentations du monta- gnard, car cela nous semblait plus significatif pour une évolution. L’enfant fait son chemin petit à petit, à son rythme, et les parents comprennent bien que s’il n’est pas en haut, il est en train d’évoluer. On lui laisse le temps dont il a besoin pour progresser. Parfois, un enfant reste longtemps à mi-chemin et tout d’un coup, c’est le déclic. Il avance, il escalade, il a emmagasiné des acquis. Quelle belle récompense pour nous, enseignantes qui, parfois, nous demandons si nous avons tout mis en œuvre, si on a proposé un assez large éventail pour l’aider à acquérir la compétence visée !

Depuis que cet outil a été mis en place, au sein de notre établissement, le carnet d’évolution n’a cessé de dévoiler de nombreuses facettes positives. Étant envi- sagé comme l’appréciation du travail de l’enfant en constant progrès, ce carnet lui permet de se situer, à son niveau d’apprenant, dans un processus d’apprentissage par rapport à une performance à atteindre.

De plus, l’enfant peut prendre conscience de son avancement, de ses points forts, de ses points faibles qu’il devra améliorer pour atteindre l’objectif.

En bref et concrètement, nous complétons ce carnet en fonction de la situation d’apprentissage de l’enfant par rapport à des objectifs précis et nous lui proposons de nouveaux défis pour qu’il se mette en projet. De fait, enseignantes, enfants et parents se renseignent sur l’état d’avancement de l’élève dans son « chemin » scolaire, sur l’itinéraire parcouru et celui qu’il reste à parcourir… pour gravir cette montagne riche en apprentissages !