C’est une question socioéconomique…

La scène se déroule en bibliothèque. J’y suis avec une classe de sixième. J’ai réservé le local et, depuis une heure, mes élèves y travaillent lorsqu’une enseignante entre avec ses élèves. « Ah, mais qu’est-ce que tu fais-là ? J’ai réservé ! », me dit-elle.

Surpris, je propose de vérifier dans le classeur des réservations. Elle a bien réservé, mais une semaine plus tard. Embêtée, elle me demande s’ils ne peuvent pas rester puisque c’est ce qu’elle avait prévu de faire : « Ils doivent faire une recherche dans les journaux, les revues et les livres. » Mes élèves travaillant sur les ordinateurs, je lui dis qu’elle peut rester avec sa classe.
« Vous commencez vos recherches. Il y a des livres, des revues. Dans cette armoire, il y a aussi des coupures de presse », explique-t-elle à sa classe. Une élève se rend vers l’armoire, mais elle est fermée à clé. L’enseignante me demande si je sais où se trouve la clé. J’explique que cette armoire ne contient que les lecteurs DVD, mais elle me dit, devant ses élèves, que je me trompe.
« Monsieur, elle n’a rien préparé ou quoi ? Tout le monde sait que c’est l’armoire à DVD, il n’y a pas d’armoire avec les coupures de presse ! », me dit une élève de ma classe. Je lui demande de s’occuper de son article et de continuer à travailler.
L’enseignante finit par trouver la clé et elle découvre qu’il s’agit bien d’une armoire à lecteurs DVD…
Manifestement, elle n’a pas préparé la recherche en bibliothèque. Certains élèves de sa classe ne font rien. Elle semble cibler un jeune, en particulier : « Yassin, tu te fous de moi ou quoi ? Tu ne fais rien ! Je te demande de faire des recherches. » L’élève qui m’avait déjà interpelé sur la préparation de l’enseignante en remet une couche : « Purée, t’as vu comment elle parle à ses élèves, celle-là ? » La bibliothèque doit faire quarante mètres carrés, la réplique de l’enseignante ne se fait pas attendre : « Pardon ? Tu as quelque chose à dire ? Tu peux répéter ? » Et mon élève de répliquer : « Eh bien oui, je trouve que ça ne se fait pas de parler comme ça aux élèves ! » Je tente de la calmer, mais l’enseignante ne laisse pas tomber. Elle annonce qu’elle compte faire un rapport disciplinaire, car « c’est encore moi, l’enseignante, ici. Reste à ta place, tu es une élève ». L’élève explose et lui répond alors qu’elle préfère être une élève qu’un prof comme ça ! L’enseignante : « En tous cas, je préfère ma situation socioéconomique à la tienne ! »
La sonnerie retentit. Les deux classes quittent la bibliothèque. L’enseignante m’interpelle sur l’élève, mais je m’échappe. J’en parle à l’un ou l’autre collègue. Il n’y aura pas de suite…