Voilà la réaction de mes élèves de 3e maternelle lorsqu’ils sont entrés dans la classe un après-midi de février. À y regarder de plus près, ce n’est pas cette boisson sucrée que les enfants ont découverte… À leur grand regret ? Pas tant que cela !
Dans le cadre d’une quinzaine ayant pour thème la pollution et la gestion des déchets, de nombreuses activités ont été proposées aux enfants. Plusieurs élèves de la classe étaient très interpelés par la pollution de l’eau et avaient du mal à comprendre comment l’eau était « nettoyée » et recyclée… « Monsieur Bruxelles Propreté » leur avait bien expliqué, mais ce n’était pas clair.
Donc, la bouteille de coca posée sur la table était en fait une bouteille remplie d’eau sale. « Et si nous la nettoyions, cette eau sale ? Comment pourrait-on s’y prendre ? », deux questions lancées à la classe : voilà comment je transforme mes petits élèves en chercheurs !
Après avoir formé des groupes de six, les enfants se sont retrouvés devant le défi suivant : rendre l’eau sale de la bouteille la plus propre possible en travaillant et en trouvant ensemble une solution à notre problème.
Du matériel était mis à leur disposition : un récipient, une éponge, une brique de savon, du savon vaisselle, un filtre à café, de l’ouate, une petite passoire, un filet à fruits, du sable, un carnet, un crayon et un entonnoir.
Après avoir fait reformuler le défi par les enfants et après leur avoir laissé du temps pour découvrir le matériel, je leur demande comment ils vont s’y prendre. Si chez certains enfants, des réponses fusent, d’autres restent très perplexes. Je leur propose de noter leurs idées dans le carnet mis à leur disposition (1 carnet par équipe). Un enfant me fait remarquer, à juste titre, qu’il ne sait pas écrire. « Mais tu sais dessiner… », ai-je répondu.
Mes élèves sont devant un défi à résoudre, doublé d’un autre : travailler ensemble.
Je m’efface petit à petit, n’étant plus là que comme personne ressource au cas où les enfants auraient besoin d’aide. J’observe et découvre moi aussi.
Dans un groupe, chaque enfant y va de sa petite idée et après avoir déversé l’eau dans un récipient, à tour de rôle, chacun y met ce qui lui parait le plus judicieux pour nettoyer l’eau : le savon bien sûr, le sable, l’éponge… Il n’y a pas vraiment d’interactions entre les enfants, peu de communication, aucun débat. Je leur rappelle que j’aimerais qu’ils travaillent ensemble, qu’ils doivent se mettre d’accord.
Dans un autre groupe, c’est tout autre chose : les enfants discutent, dessinent, expliquent. Ils essayent de se mettre d’accord. L’un d’eux propose que chacun donne son idée. Celles-ci se chevauchent, mais les enfants parviennent à se mettre d’accord sur une démarche. Je les vois déverser l’eau sale dans le récipient sur lequel ils ont posé l’entonnoir lui-même pourvu du filtre à café…
Dans le dernier groupe, cela discute beaucoup, mais les enfants ont du mal à se mettre d’accord. L’un d’eux jette de l’ouate dans le récipient rempli d’eau sale tandis qu’un autre prend le récipient et en verse le contenu à travers l’entonnoir. « Tu vas le boucher ! » lui dit Anita.
Je déambule dans la classe et suis étonnée de voir tout ce petit monde curieux de savoir, de chercher et de trouver la solution. Certains enfants, timides lors d’autres activités, se libèrent ici, prennent une part évidente à la recherche et vont se dépasser. D’autres, très extravertis, perdent une partie de leurs moyens. Je suis là pour les encourager et les relancer. Au bout de quelque temps, une des équipes m’appelle : on a trouvé ! Et un des enfants se lance dans une explication : « Regarde ! On a mis le filtre à café dans l’entonnoir, puis on y a mis de l’ouate et du sable… Regarde ! Je verse l’eau et elle ressort propre ! »
Les autres équipes tendent l’oreille et essayent aussi. Bientôt, trois récipients d’eau (presque) propre sont déposés sur la table.
Je demande aux enfants de reformuler ce qu’ils ont fait et je leur propose de dessiner leur expérience pour compléter leur portfolio. Je suis épatée par leurs dessins si précis et si justes. Ils me décrivent leurs productions et nous les comparons à leurs premiers dessins. J’écris leurs commentaires. Je prends des photos de mes petits chercheurs…
Lors de l’entretien après l’activité, les commentaires sont enthousiastes : « Je vais le refaire à la maison pour montrer à ma famille comment on “nettoie” l’eau sale. », « C’était chouette de travailler avec Y-lan », « Moi, j’ai trouvé, je suis content ! », « On pourra recommencer ? ». …
Je suis heureuse d’entendre ces commentaires et de leur avoir proposé ce défi. Ils ont travaillé ensemble, sont partis de ce qu’ils croyaient, de ce qu’ils savaient pour ajuster ensuite et construire ainsi de nouvelles connaissances.
Auraient-ils autant appris si je leur avais proposé des photos ou un schéma d’une station de filtrage ?
Et lorsque bien plus tard, une élève de la classe m’explique avoir installé un aquarium chez elle : « Et on a fait comme en classe, madame, on a mis des petits graviers et de l’ouate dans un gros tube pour que l’eau reste propre ! » Je trouve là la réponse à ma question.