Comparer des forêts

Dès le plus jeune âge, apprendre à comparer des forêts plutôt que des arbres. C’est-à-dire percevoir des données statistiques dans leur ensemble et développer une perception globale intuitive à partir de graphiques plutôt que réduire la collection à sa moyenne et le traitement de données au calcul de valeurs centrales.

Quand on fait comparer les cotes de deux classes pour un même contrôle à des élèves de quatrième secondaire, ils calculent presque tous spontanément la moyenne pour chacune des classes et cela s’arrête là. Quand la presse publie des résultats PISA[1]PISA (Programme for International Student Assessment) est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. … Continue reading, elle donne une liste ordonnée des pays à partir des moyennes et souvent, cela s’arrête là.

Avec des outils graphiques relativement élémentaires, nous avons expérimenté quelques activités dans deux classes de quatrième primaire[2]Les classes de Stéphanie DETHIER à Alleur et de Catherine SIMON à Vottem.. Les élèves concernés n’avaient donc aucune connaissance statistique et donc pas ce recours systématique à la moyenne qu’on observe chez les plus âgés.

Petits outils

[3]Minitools 1 et 2 de A. BAKKER du Freudhental Institute for sciences and mathematics education d’Utrecht. Le lecteur intéressé pourra consulter http://www.fi.uu.nl/~arthur/ et … Continue reading
Deux petits outils : le graphique en barres et le graphique à points.
On a testé la durée de vie, en heures, de trois piles. Le résultat est montré au travers d’un graphique en barres[4]Vous avez bien lu « en barres ». Il ne s’agit pas du même type que le graphique en bâtonnets. à la figure 1.
Quelle est la pile qui a duré le plus longtemps ? Le moins longtemps ?
– Quelle est la durée de vie des piles 1, 2 et 3 ?
– Sachant que la pile 4 a duré 70 heures et que la pile 5 a duré 105
heures, complétez le graphique.

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On a choisi quatre personnes au hasard dans une rue de Bruxelles et on les a pesées. Le graphique en barres de la figure 2 donne les résultats en kilos.

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Sur ce graphique, toutes les barres partent de zéro. C’est l’extrémité droite de la barre qui nous indique le poids de la personne testée. Si cette extrémité est marquée par un gros point, on peut se ramener à un graphique comme celui de la figure 3. Il s’agit d’un graphique à points.

Activité 1

Deux activités parmi celles qui ont été proposées aux élèves. La première…
On a testé 10 piles Duracell et 10 piles Wonder. La figure 4 montre les résultats (en clair pour Duracell, en foncé pour Wonder). Les durées sont exprimées en heures. Au vu des résultats, quelle est la meilleure marque ?
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On a encore testé 10 piles Duracell et 10 piles Wonder. La figure 5 montre les résultats (en gris clair pour Duracell, en foncé pour Wonder). Les durées sont exprimées en heures. Au vu des résultats, quelle est la meilleure marque ?

– On a coupé le graphique à 100 et on a regardé celui qui dépassait le plus souvent 100 h et c’est Wonder.
– Quand on voit les petites (barres), il y en a plus qui sont plus grandes dans les Wonder. Chez Duracell, il n’y en a qu’une qui est longue.
– C’est Duracell ! À un moment, il y a deux Wonder qui sont plus mauvaises.
– Il y a plus de piles Wonder qui durent plus longtemps que Duracell. L’élève a considéré des duels en créant des couples associant chaque fois une pile de l’un et une pile de l’autre, c’est 7 contre 4 (puis suite aux remarques l’élève rectifie à 7 contre 3).
Si on mettait toutes les barres sur une ligne droite, c’est Duracell qui gagnerait. L’élève nuance alors : S’il y a une grosse différence, on le verra tout de suite, mais s’il y a une petite différence…

À la fin de cette séance, les élèves sont perturbés et « chauds », ils veulent savoir qui a raison et admettent mal que suivant le graphique regardé ou le critère envisagé, les conclusions peuvent changer.

Activité 2
On a représenté les poids (en kilos) de deux groupes distincts. Comparez ces deux groupes à partir de la figure 6.

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À propos du graphique supérieur :
– Il y a plus de gens vers les 90 kg et rien vers les 40 kg.
– Les personnes sont plus « rassemblées ».
– Ils vont tous vers les 75 kg.
– Il y a moins de personnes pesées.
– Il y a plus de gens vers les 70 kg.
– La « montagne » est plus haute vers les 70/80 kg.
À propos du graphique inférieur :
– Il y a plus de personnes vers les 40 kg.
– Ils sont plus « éparpillés ».
– Il y a plus de légers… mais il y a aussi des très lourds !
– Il a l’air plus précis.
– Il y a plus de monde qui a le même poids.
– Si on les rassemble, ils sont les plus lourds, ils ont plus de légers mais ils sont nombreux.
– Même s’il y en a beaucoup vers les 50 kg, il y a quand même un de 109 kg : ça leur donne une « avance ».
– Il y en a plus qui dépassent les 90 kg.

Enseignements

Même dans ces classes où les élèves n’ont jamais étudié la moyenne, certains y ont recours dans leur argumentation, mais sous des formes qui restent assez intuitives. C’est le cas de l’élève qui veut mettre, pour chacune des deux marques de piles, toutes les barres en ligne les unes après les autres. C’est encore le cas d’un élève qui faisait de la compensation entre les barres d’une même marque pour trouver une forme de durée moyenne.

Mais à côté de la moyenne, d’autres outils de comparaison sont développés. Certains regardent quelle part de données est inférieure ou supérieure à une valeur choisie, ce qui conduira aux concepts de fréquence cumulée, de quartiles… Certains développent des constats qui sont de l’ordre de la dispersion comme « Les personnes sont plus “rassemblées” » ou « Il y a plus de légers… mais il y a aussi des très lourds ». Pour l’activité 2, certains prennent conscience de valeurs centrales et de la diminution de concentration des données au fur et à mesure qu’on s’en éloigne.

Tout ceci n’est qu’un très petit aperçu de ce qu’on peut faire au niveau du primaire. Notre conviction est que, s’il s’agit de faire du traitement de données à ce niveau (ce qui est prévu par le programme), autant le faire en sachant où on va, c’est-à-dire la statistique inférentielle et sa multitude d’outils qui nous immergent : sondages, intervalles de confiance…

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 PISA (Programme for International Student Assessment) est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique.
2 Les classes de Stéphanie DETHIER à Alleur et de Catherine SIMON à Vottem.
3 Minitools 1 et 2 de A. BAKKER du Freudhental Institute for sciences and mathematics education d’Utrecht. Le lecteur intéressé pourra consulter http://www.fi.uu.nl/~arthur/ et http://www.fi.uu.nl/wisweb/en/welcome.html.
4 Vous avez bien lu « en barres ». Il ne s’agit pas du même type que le graphique en bâtonnets.