Quel est l’effet du confinement sur l’apprentissage ? Et si les réponses venaient des élèves eux-mêmes ?
Étudiant en secondaire (3e degré), délégué de classe et de degré, j’ai été à de nombreuses reprises interpelé par des jeunes me demandant s’ils étaient les seuls à avoir du mal à suivre les cours, à ne pas arriver à se concentrer devant un écran, à faire face à des difficultés d’assimilation de la matière donnée en distanciel. Ils cherchaient à être rassurés quant au fait que leur situation était partagée par d’autres. J’ai cherché un moyen de répondre à leurs demandes et j’ai choisi de réaliser un questionnaire au sein de mon école. Concrètement, cette enquête, je l’ai divisée en deux parties : une quantitative qui reprend les autoévaluations de leurs niveaux de maitrise des différentes matières et l’autre, qualitative, composée de questions ouvertes pour permettre une expression plus libre.
J’ai demandé aux étudiants de s’attribuer une note comprise entre 1 et 10 pour les différentes branches, pour la période préconfinement et pour celle du confinement. Le constat est sans appel : les notes ont toutes diminué au fil du confinement et traduisent une baisse de la maitrise des nouvelles matières de l’ordre de 40 %. Cela est explicable par l’inégalité de l’accès à un environnement de travail adapté ainsi qu’à un matériel indispensable. Mais à mon sens, cela démontre également la nécessaire présence physique d’un enseignant lors de l’apprentissage.
Pourquoi les autoévaluations de certaines branches ont-elles plus chuté que d’autres ? Y a-t-il un lien avec le système scolaire préconfinement ? Dans la perspective de trouver des explications à cette situation, j’ai identifié une corrélation entre la qualité de la relation professeur-élève et la note qu’ils s’attribuent.
La motivation semble y jouer un rôle non négligeable. On peut identifier deux types de motivation : la motivation de sécurisation et celle d’exploration[1]M. Virat, Quand les profs aiment les élèves, 2019.. La première consiste à ce que l’étudiant se sente en sécurité dans son environnement. Elle passe par une relation de soutien affectif et matériel de l’enseignant envers le jeune. Une fois cette première condition rencontrée, l’élève est prêt à explorer ce qui l’entoure. Il s’agit de la motivation d’exploration. Nous pouvons conclure qu’une relation de soutien affectif et matériel entre l’adulte et le jeune participe de l’investissement de ce dernier dans son processus de formation.
Pour la partie de l’enquête avec les questions ouvertes, j’ai notamment demandé ce qui était facilitateur dans les apprentissages en présentiel. Une majorité des étudiants m’ont répondu que l’ambiance de classe jouait un rôle déterminant. Ils la définissent comme étant une bonne relation entre les différents membres de la classe qui se traduirait par le respect de tout un chacun, une sensation d’égalité, de l’humour, mais surtout de la solidarité.
J’ai cherché des solutions. Ma première idée fut de me tourner vers la remédiation donnée par les enseignants qui connaissent les points forts et les points faibles de leurs élèves. Mais, il y avait un manque de disponibilité de certains membres de l’équipe pédagogique, et aussi la difficulté de fournir une pluralité d’explications et d’exemples accessibles en fonction des besoins des uns et des autres.
J’ai donc imaginé un système de soutien scolaire fait par des élèves pour des élèves : l’intertutorat. Autrement dit, les étudiants comprenant bien un cours et se sentant suffisamment à l’aise dans la matière organiseraient une remédiation auprès de leurs camarades. Ce système permet aux jeunes d’avoir des explications issues de deux sources (l’enseignant et le tuteur) et il permet également au tuteur de se réapproprier la matière. De plus, les adolescents ne sont pas limités par l’horaire des enseignants, c’est gratuit (contrairement aux cours particuliers) et cela renforce la clé de voute de l’ambiance de classe qu’est l’entraide.
J’ai voulu évaluer l’utilité de l’intertutorat. J’ai donc envoyé une deuxième enquête pour récolter les avis de ceux qui avaient été dans le dispositif. Ils devaient attribuer une note comprise entre 1 et 10. Le résultat est clair et précis, ils ont jugé l’utilité à 9,2 pour l’intertutorat en présentiel et 8,6 pour le distanciel. Cette appréciation a été confortée par l’augmentation des points aux diverses évaluations dont ont témoigné les élèves et les enseignants. Elle s’est également traduite dans les autoévaluations du degré de maitrise de la matière des étudiants bénéficiant de cette remédiation.
Le groupe assistant régulièrement à ce soutien scolaire s’est attribué la moyenne de 7,2 en mathématiques, tandis que ceux qui ne la suivaient que sporadiquement se sont attribué la moyenne de 4,4. Tout cela contribue à démontrer l’intérêt de cette initiative. Les résultats obtenus aux différentes évaluations abondent en ce sens.
Des enquêtes comme celle-ci, il en existe déjà, mais pas assez. De plus, leur influence est souvent limitée, car elles ne sont pas toujours bien reçues par l’équipe éducative. Pourtant les élèves apprécient de donner leur point de vue et pensent que cette dynamique est bénéfique pour l’école comme pour eux. De plus, les questionnaires permettent de bien cibler les difficultés de chacun et de pouvoir mettre en place des dispositifs adaptés. Mais n’est-ce pas en travaillant main dans la main, étudiants et équipe pédagogique, que nous pourrons véritablement faire évoluer le système scolaire vers une meilleure prise en compte de la réalité de chacun ?
Notes de bas de page
↑1 | M. Virat, Quand les profs aiment les élèves, 2019. |
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