Dans le bon sens

Beaucoup de parents ne se sentent pas autorisés à parler de l’école. Ils ne sont pas spécialistes. Et pourtant.

Je vous ai dit que je ne suis pas fort pour parlerde l’école maternelle. Vous êtes peut-être déçue,vous n’aurez qu’une toute petite page et pas un bel article. Je ne suis pas un spécialiste, moi.

Cette phrase de Monsieur Housni est à l’image de ce que beaucoup de parents ressentent : on n’est pas autorisé parce qu’on ne sait pas. Pourtant, la confiance est le mot central de l’interview de Monsieur et Madame Housni à propos de l’école maternelle. La confiance, elle se tisse petit à petit, lorsque l’école se dévoile et que ce qui s’y passe est li- sible pour les parents, lorsque les enfants ra- content et se sentent bien, lorsqu’on voit pro- gresser ses enfants dans tel ou tel domaine. Pas des spécialistes qu’on disait ? Les parents
sont bien les spécialistes de la vie de famille, et on oublie souvent combien l’école y prend de place. La parole est maintenant à Monsieur et Madame Housni. Peu importe que cette parole remplisse une ou deux pages. Elle est précieuse, comme devrait l’être, pour les enseignants, celle de tant de parents pour qui l’école est capitale, mais dont on ne prend pas toujours la peine d’écouter leur manière de voir.

« L’école maternelle sert avant tout aux apprentis- sages. C’est un passage, avant l’école primaire, il faut passer par là. C’est une préparation à la première pri- maire. Les enfants y apprennent plein de choses.

Notre petite est entrée en première maternelle au mois de mai. Elle apprend à parler français, à jouer, à dessiner. Elle parle déjà français à la maison, mais elle apprend plus. Elle a appris à tenir son crayon pour des- siner. Elle connait toutes les couleurs maintenant. Elle compte de 1 jusqu’à 15. Et sa façon de jouer a changé. Elle apprend à jouer en groupe et à faire des travaux en groupe. Ça, c’est important… Et un peu la discipline. Parce que des fois, les enfants, ils rentrent, ils vident le bac des jouets et ils laissent tout comme ça. On dit qu’ils doivent ranger, mais ils ne rangent pas toujours. Là-bas, il y a des rangements à faire, dans la discipline. Parfois, l’école réussit là où les parents n’arrivent pas. C’est quand ils sont petits qu’ils doivent apprendre, mais avec nous, ils sont un peu fainéants. À l’école, ça marche, obligé. »

UN BON SYSTÈME

« On ne sait pas très bien toutes les activités qu’ils font ni tout ce qu’ils apprennent. Et puis ça dépend d’une maitresse à l’autre. Apparemment, ils sont bien. J’apprends aussi. J’entends qu’ils sont bien en mater- nelle et en primaire, qu’ils ont une bonne pédagogie. On va voir évidemment comment cela va se passer avec notre première fille qui vient d’entrer en primaire. Mais tout le monde dit que l’école s’est améliorée et que c’est de mieux en mieux. Je vois aussi que c’est dans le bon sens que cela va. Mes amis aussi ne disent que du bien. Au départ, nous voulions les mettre ailleurs, dans une école plus reconnue qu’on nous avait conseillée, mais il n’y avait pas de place. Les enfants qui étaient pas- sés par là avaient un bon niveau. Quand on avait posé la question si cette école était bien, on nous avait dit non, ils n’ont pas de niveau. Mais maintenant, on a vu, on a confiance. Je pense même que dans l’école que nous avions choisie au départ, le niveau est plus pauvre qu’ici. Nous attendons beaucoup de l’école et de notre enfant. Qu’il ait de bonnes bases, qu’il fasse de bonnes études. Et ça commence justement à la maternelle.

Quand ma fille revient à la maison, je lui pose des questions : « Qu’est-ce que tu as fait à l’école ? » Elle me dit : « On a bien joué aujourd’hui, on a bien dessiné… » Ça, c’est la grande. La petite, elle me dit : « On a fait dodo, quelqu’un, il a fait pipi… » Juste ça. « On a mangé les tartines, on a joué. » Elle est contente. La grande, elle raconte tout. Par exemple : « J’ai fait les responsabili- tés aujourd’hui, j’ai colorié. Joëlle (c’est son institutrice) a écrit un bon mot sur moi. » C’est très chouette parce qu’ils les responsabilisent, chacun a son activité. « Toi, tu comptes les enfants, toi, tu t’occupes des crayons, toi, tu notes les présents et les absents. » Ils font ça déjà en deuxième et troisième maternelles. C’est une bonne méthode. Ça les fait participer à la vie de la classe. Et chaque fois, ils changent de rôle.

Parfois l’institutrice me dit : « Votre fille, elle a fait comme ça, elle a fait des bêtises… » Elle nous dit quand il y a un problème. Quand je lui demande comment c’était aujourd’hui, elle me dit si c’était bien ou moins bien. J’ai vu que ma grande fille, quand elle est entrée dans la classe de l’année dernière, elle a beaucoup changé, elle est devenue vraiment bien. Je pense que l’institutrice de cette classe a un bon système. La semaine passée, son nouveau professeur a expliqué comment elle faisait. On n’a pas tout retenu, mais on a vu que c’est un bon sys- tème, le même que l’année passée, et on fait confiance. »

DE L’ATTENTION

« L’année dernière, en 3e maternelle, l’institutrice a vu que notre fille ne prononçait pas bien. Pendant un an, tous les lundis, elle a pris notre fille en classe, avec trois autres élèves, pendant que les autres de la classe avaient cours de néerlandais. C’est très important ce qu’elle a fait avec elle, elle a remis ces quatre enfants à niveau. Quand notre fille nous a raconté qu’elle n’al- lait pas au néerlandais, j’ai râlé un peu : « Pourquoi on a écarté notre fille du groupe ? » Mais après, je me suis dit, je suis en train de déconner, c’est le contraire, je dois la féliciter, parce que c’est pour le bien de l’enfant. Elle m’a dit aussi que, pour le Néerlandais, Nisrine aurait le temps de l’apprendre. Elle nous a rassurés et nous avons senti la différence après. Ce n’est pas une perte de temps ! On a vu le résultat…

L’institutrice m’a demandé : « C’est quoi la, langue de la maison ? » J’ai dit : « Moi, je ne parle pas bien fran- çais. » Elle m’a répondu : « Il n’y a pas de problème. Si vous parlez bien arabe à la maison, il n’y a pas de pro- blème, surtout continuez. » C’est vrai, si je ne parle pas bien le français et que ma fille grandit avec moi, elle va apprendre mes fautes.

À l’école, le plus important, c’est qu’on apprenne bien. Il y a des écoles où on s’en fout. Il faut que ma fille apprenne bien. Elle m’a dit, quand je serai grande, je serai médecin. J’espère qu’elle va continuer bien. Et je vois que les institutrices de cette école s’en occupent vraiment bien. C’est du sérieux. En plus, chaque enfant est bien accueilli dans cette école. Et les parents aussi…
Je crois que là-bas, on va mieux réussir que dans des écoles très reconnues. Je connais des enfants qui ont été dans des écoles très dures, et le résultat est nul. À la fin, ils n’ont pas de diplômes. Je crois que dans ces écoles, il y a trop de stress. Les enfants ne peuvent pas être bien. Trop serrés, trop serrés, ils n’en peuvent plus. Ici, ils apprennent à aimer l’école. »