Les trois années de régendat[1]D’autres projets sont verticaux c’est-à-dire travaillés par les étudiants des trois années. sciences humaines fonctionnent tantôt ensemble, tantôt séparément. Le travail par projets est fortement développé.
De l’histoire à plusieurs[2]Les trois années de régendat sciences humaines fonctionnent tantôt ensemble, tantôt séparément. Le travail par projets est fortement développé.
Par Benjamin Claessens
La coopération, ça prend du temps !
Les apprentissages se font à l’intérieur d’un dispositif qui allie l’individuel et le collectif, les activités fonctionnelles et les activités de structuration. La Pédagogie institutionnelle sous-tend le tout.
À la première séance de cours, le professeur nous présente le projet horizontal pour la 1ère régendat . Le contrat consiste à réaliser une recherche qui devra déboucher sur un produit socialisable. Le sujet : une synthèse critique de la question électorale (droit de vote et mode de suffrage) au niveau du pouvoir central dans l’état belge, de 1831 à nos jours.
Il nous est imposé d’utiliser la critique historique sur des sources à rechercher afin de compléter notre produit. Le délai est fixé à sept semaines. La forme et le destinataire du produit sont à définir, de même que le mode de socialisation. Ces derniers font l’objet de nombreux débats entre nous. Certains voient grand en proposant une exposition, d’autres restent humbles et mettent plus en avant la réalisation d’une synthèse écrite.
Ensuite il y a ceux qui, débordant d’humour ou de folie, proposent des finalités comme un cédérom, un jeu de plateau,… Ce n’est qu’après plusieurs votes qu’un accord est obtenu. Nous allons préparer une synthèse écrite et enfin nous servir de cette dernière comme support à l’élaboration d’une exposition ouverte à tous.
Le départ
À la séance suivante, le travail peut commencer. Notre professeur nous énumère les différentes périodes sur lesquelles il faut travailler (1831, 1848, 1893, 1919, etc.). Chacun peut choisir une date et le groupe dans lequel il va évoluer. Un volontaire (en tournante) assure à chaque séance la présidence. _ Les objectifs ciblés pour les deux heures sont alors écrits aux tableaux. Le président coordonne la communication entre les groupes, distribue la parole, résume la situation d’avancement, fixe les objectifs pour la prochaine séance, etc.
Les premières séances de travail constituent plus en une immersion dans le sujet qu’en un réel travail de recherche. La somme cyclopéenne d’ouvrages et de documentation sur le sujet n’est pas, comme nous avions pu nous imaginer, un atout, mais bien une difficulté en plus. Plusieurs heures de lecture et de bouquinages sont nécessaires pour bien cerner notre période, avant de pouvoir faire la part des choses entre l’important et le détail et commencer un travail efficace.
C’est donc après plusieurs heures passées dans les bibliothèques et dans des centres de documentation que nous pouvons commencer la rédaction de la synthèse pour notre groupe (1848). _ Nous replaçons notre époque dans son contexte historique en analysant les faits, leurs causes et leurs conséquences pour aboutir à l’évènement qui nous intéresse. C’est-à-dire à l’abaissement du cens électoral du 12 mars 1848.
Le travail va alors bon train, mais le délai, lui, est déjà quasi atteint. Le professeur nous accorde deux semaines supplémentaires… Insuffisant pour rendre réalisable l’exposition prévue. Nous votons alors son annulation et nous concentrons nos efforts sur la réalisation d’une synthèse claire et complète.
L’arrivée
Notre groupe, une fois la synthèse terminée peut alors s’atteler à la recherche de sources et à la critique de ces dernières. Cela est assez astreignant, je crois que je me rappellerai longtemps encore, de tout ce temps passé à la recherche d’évènements concernant l’abaissement du cens dans une gazette de Liège de 1848 regorgeant d’informations aussi diverses qu’innombrables.
Dès que tous les groupes ont fini leur synthèse, nous commençons à mettre nos travaux en commun. De nouveaux groupes sont alors constitués : l’un s’occupe d’agencer et de relier les différents travaux, un deuxième prépare l’introduction, un troisième s’occupe des conclusions, un quatrième rassemble les bibliographies, etc.
Nous arrivons au bout de notre odyssée intellectuelle ! Tous les travaux sont lus en classe par tous, des changements sont apportés, des corrections effectuées et bientôt nous avons devant nous un ouvrage de plus de soixante pages. Le fruit de l’arbre de nos recherches et de notre coopération est tombé bien mûr, prêt à être dévoré par le lecteur.
Les atouts
Tout d’abord, le vieil adage a bien raison. Il y a plus dans deux têtes que dans une. La vision du travail, sa conception, l’approche des choses sont autant de facteurs subjectifs qui varient entre les diverses personnes. Cette diversité enrichit le travail. La mise en commun évite certains égarements et incohérences.
La répartition du travail permet à chacun de se concentrer sur sa tâche. Un tel préfèrera s’atteler aux recherches, par contre un autre sera plus prompt à critiquer les documents ou encore à rédiger le texte de synthèse.
Le contrôle mutuel est lui aussi un avantage de la coopération. _ Qu’une correction soit de type grammatical, orthographique ou encore tout simplement de véracité, son efficacité est logiquement doublée ou triplée, en coopération.
La collaboration force également la confiance envers les autres membres tant la charge de travail à effectuer est énorme. De plus, le fait d’avoir sa tâche, sa responsabilité bien définie au sein du groupe, astreint chacun à s’appliquer parce que la qualité du travail global dépendra de celui de chaque membre.
Le moral, face à un projet de grande ampleur, est très important. La motivation est plus forte au sein d’un groupe. On sombre plus facilement seul dans la mer de la démotivation qu’à plusieurs. Le groupe est un majestueux corsaire naviguant sur cette mer, à travers les flots de la difficulté beaucoup plus aisément que la petite barque du travail individuel.
Et enfin, cette manière de faire permet de mieux s’imprégner de la matière qu’on travaille.
Les difficultés
Le travail en commun ne surpasse pas l’individuel en tous points. Le plus frappant est la lenteur à laquelle on travaille. Écoutez les autres, leurs avis et problèmes, leur approche du travail, se mettre d’accord sur la façon de procéder, sur l’organisation, sur la séparation des tâches, sur les méthodes de travail et les opinions, cela prend du temps. Les séances de vote, par exemple, nous prenaient un temps précieux, et donnaient parfois l’impression de perdre son temps pour des broutilles. La patience est un allié essentiel dans le cadre d’un projet collectif.
La rédaction d’un texte, quel qu’il soit, prend aussi beaucoup plus du temps a plusieurs et n’est pas forcément de meilleure qualité qu’une production individuelle.
Un groupe ne fonctionne pas, ou très peu, si l’un de ses protagonistes n’est pas présent. Une absence peut porter un lourd préjudice au groupe.
Il faut se plier à la volonté de la majorité non seulement pour l’horaire, mais aussi pour d’autres aspects, comme le choix d’un document. On perd alors un peu de sa liberté…
Autre danger dans la coopération, c’est celui de la paresse sociale : « Oh pas besoin de faire ça, Marc le fera sûrement ».
Pour conclure, nous pourrions dire que la coopération est globalement plus productive que le travail individuel. _ Cependant, une condition est impérativement nécessaire : dans le groupe doit régner une bonne entente, la tolérance, le respect et l’amitié…