Demi-pont (Le)

Il était une fois un village, quelque peu attardé, traversé par une jolie rivière que l’on franchissait à un gué ; survivance pittoresque certes, mais qui ne manquait pas d’inconvénients. Quelques contestataires épris de progrès et informés de ce qui se faisait ailleurs firent campagne en faveur des pieds secs. La population se déchira en défenseurs du gué et partisans du pont. Les édiles, désireux de se montrer ouverts aux solutions nouvelles, prirent un parti qui leur parut sage. Afin de tenter l’expérience du passage surélevé sans pour autant sembler donner totalement et définitivement raison aux novateurs, ils décidèrent de construire la moitié du pont. Cela ménageait la réflexion, la tradition et le budget communal. L’usage montra rapidement que seuls les plus alertes, capables d’un audacieux saut final, passaient au-dessus. Le gué restait d’un usage plus courant. On démolit le demi-pont. On raconte aussi l’histoire – mais celle-ci n’est sans doute point fondée – d’un pays anglo-saxon qui décida un jour de vérifier les avantages de la conduite à droite. Cependant, afin de ménager les transitions chacun put, au cours d’une période d’essai, emprunter à son gré le côté qui lui plaisait. La conclusion apparut d’évidence : rouler à gauche était bien la meilleure solution. Robert MANDRA
(Extrait de “ L’éducation ” n° 109)

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