Dérange ta chambre

Il est difficile de composer un bon disque pour enfants. De quelle place s’adresser à eux pour éviter le sirupeux, la condescendance ou les « mes- sages » plus ou moins implicites ?

En tout cas, pas un poil de tout cela dans « Dérange ta chambre ».

Les textes, d’abord. Ils mettent le plus souvent en scène un enfant qui raconte des moments de sa vie, avec étonnement, amusement ou colère. Ils disent ses fantasmagories devant l’énigme des errances nocturnes de son chat Victor, transformé en griffu invincible (chat malabar/qui protège son lit des cauchemars), sa déception devant sa petite sœur (j’aurais voulu une pe- tite sœur/une qui pleure pas à cent à l’heure/qui vomit pas sur le fauteuil/qui ne hurle pas pendant mille heures), sa reconnaissance pour la tante Yolaine qui, deux fois par mois, lui épargne les lentilles, pain complet, tofu et choco équitable parentaux (deux fois par mois, produit chimique dans le repas ! /on va se polluer juste une fois/frites mayo, fraises tagada/deux fois par mois/c’est la rumba dans l’estomac), sa perplexité devant sa bonne maman (qu’est-ce qui se passe/dans ta petite tête ? […]/combien de trous sous ton chapeau ? / faut te souffler les mots/toi qui me racontais des histoires… /moi je m’y perds dans ton brouillard), ou son impatience face à l’adulte vite distrait (écoute- moi quand je te raconte ces histoires/t’entends même pas si c’est un canular […]/je peux raconter ma vie, t’inventer toutes ces bêtises/kif kif bourricot… ton cerveau a roulé sur le tapis […]) Et encore un long et superbe etcétéra.

Vous l’aurez compris, si vous voulez du nanan bien lisse, passez votre chemin. Chaque fois, c’est fort, riche et nuancé, juste.

Côté musique, chaque mélodie se moule à merveille à son texte. Cela va du pop-rock au tango-rumba, en passant par la bossa, voire même, un hard rock light sauce maison, avec guitares (sèche ou électrique), basse, flutes, ukulélé, batterie, piano, et tutti quanti.

Le disque s’insère dans un livre superbe au papier bien solide, magni- fiquement illustré par Mathieu Vandermolen, et accompagné de petits poèmes de Jacques Mercier spécialement écrits pour l’occasion.

Enfin, si vous avez l’occasion d’aller écouter (ou d’inviter dans votre école) ces quatre drôles-là sur scène, foncez : leur plai- sir à jouer et à communiquer avec leur public est plus conta- gieux que toutes les épidémies de gastros et de rhumes réunis.

Guillaume Ledent, Dérange ta chambre, livre-CD, Collectif Ploum !, http://www.collectifploum.be/derangetachambre/