Chaque année, depuis 2006, l’Administration générale de la recherche et de l’enseignement publie des « Indicateurs » qui fournissent de précieuses données statistiques sur l’état de notre système éducatif. De la maternelle à l’université [1]Les indicateurs de l’enseignement 2012, Fédération Wallonie-Bruxelles, Enseignement et Recherche scientifique, enseignement.be.
Loin de moi la naïveté de croire que des statistiques peuvent traduire toute la complexité d’un système où l’humain et l’engagement des personnes (non quantifiables) doivent demeurer le cœur. En particulier à un moment où de nombreux économistes multiplient les prises de position pour soumettre l’École à leurs diktats !
Il n’empêche : on doit aussi tirer tous les enseignements possibles de ce travail considérable et précieux. Même si, pour l’essentiel, la version 2012 ne fait hélas que confirmer les principales maladies de notre système. A commencer par l’ampleur des retards et redoublements : au terme de leur scolarité, près de 60% des élèves accusent un retard d’un an au moins et la moitié de ces retardataires accusent un retard de deux ans ou plus ! Plus grave encore : les Indicateurs montrent clairement que cette hécatombe touche massivement les populations à « indice socioéconomique faible » … comme on dit (en 5° professionnelle, seuls 15% des élèves sont à l’heure et plus de 20% ont trois ans de retard ou davantage).
La préface de la ministre Simonet fait honnêtement état de ces constats récurrents et s’en alarme : « les taux de redoublements en secondaire restent très inquiétants …. On doit constater que le risque de déterminisme académique (l’échec produisant l’échec) se double d’un risque de ségrégation socioéconomique … ce qui renforce la ségrégation des publics ».
Pourquoi ne pas le dire plus clairement encore ? Le système continue à reproduire (et parfois à renforcer) les inégalités. Ce sont les enfants des familles pauvres et éloignées de la culture de l’École qui en sont les principales victimes. Les enquêtes PISA et les Indicateurs le rappellent régulièrement. La presse donne un écho (souvent bref et peu compréhensible) à des constats qui se banalisent. Les chefs d’établissement et quelques décideurs reçoivent le document et beaucoup le rangent (soigneusement) … bien décidés à le consulter quand ils auront le temps !
Et que fait le politique ?
La ministre Simonet prend clairement position : « Je suis convaincue que soutenir tous les acteurs de l’enseignement dans le cœur de leur métier permettra d’emmener plus efficacement les élèves vers l’acquisition des savoirs et la maitrise des compétences. » Qui oserait la contredire ? Suit une série d’initiatives prises dans cet esprit durant cette législature. Mais la ministre va plus loin et récuse « les réformes structurelles imposées d’en haut ». Habile, Madame ! Mais un peu démagogique…
Certes le monde de l’enseignement a horreur des réformes « imposées d’en haut ». Il en a souvent payé les frais. Mais notre système a un impératif besoin de réformes structurelles ! A commencer par une réforme de l’enseignement du fondement jusqu’à 14 ans qui ne deviendra réalité que s’il y a rupture avec l’organisation actuelle. Il est en effet indispensable de séparer cet enseignement du fondement des écoles secondaires. Il est tout aussi indispensable d’introduire dans cet enseignement des activités manuelles, technologiques et artistiques pour tous, des activités qui pèseront le même poids que les curricula « classiques ».
Le rôle du politique est de susciter les débats et réflexions qui préparent les esprits à ces changements. Pas d’opposer les réformes « venues d’en haut » à un statuquo mortifère ! L’actuel 1° degré du secondaire est, de l’avis de tous les observateurs, une véritable « usine à gaz » où souffrent des centaines d’élèves inscrits dans les soit disant « bonnes » écoles de tradition générale. Les Indicateurs en donnent aussi la preuve par les chiffres de « réorientations ».
La Fondation Roi Baudouin a publié en 2011 un rapport « Gaspillage des talents » qui préconise lui aussi des réformes structurelles. Notamment dans les formations initiales et continuées des enseignants . Allo, ministre Marcourt ?
Lisez, relisez ces Indicateurs et vous serez convaincus que des réformes structurelles s’imposent et qu’il faut bien sûr soigneusement les préparer avec les travailleurs de l’école.
Notes de bas de page
↑1 | Les indicateurs de l’enseignement 2012, Fédération Wallonie-Bruxelles, Enseignement et Recherche scientifique, enseignement.be |
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