Des racines pour grandir

Inviter les enfants à accomplir des recherches sur leurs origines, leur famille et leur histoire personnelle les fait grandir, certes, mais au-delà de cet aspect, des ponts se créent, des barrières tombent pour faire place à un réel intérêt pour l’autre.

Voilà plusieurs années qu’avec mes collègues, nous vivons le projet Racines[1]http://www.desracinespourgrandir.com proposé par Vinciane Hanquet, avec nos élèves de dix ans.
Il s’agit en quelque sorte de creuser et de cultiver le passé pour enfanter l’avenir. Tel un parcours de santé, c’est bien sûr une aventure riche à souhait qui s’offre à tous, avec son lot d’obstacles qu’il faut surmonter.
Au départ, il y a un réel enthousiasme des enfants : rentrer dans l’histoire de leur famille les passionne. Entendre leurs parents, grands-parents et arrière-grands-parents raconter des anecdotes ou les raisons qui ont poussé à s’expatrier, par exemple, engendre beaucoup d’émotions. C’est d‘ailleurs l’occasion pour les élèves de préparer des interviews et d’inviter des personnes ressources qui peuvent, en parlant de leur passé, éclairer bien des mystères.
Évidemment, seul, l’enfant ne peut pas approfondir le sujet, c’est la première embuche. Certains parents n’aiment pas aller dans les méandres de leur passé. Des histoires sont difficiles à dévoiler, voire même à avaler. Pourtant, à travers tout cela, l’enfant doit se construire. Il s’agit de rester prudent et de faire avec le possible de chacun.
La deuxième difficulté, c’est qu’il faut continuellement relancer et motiver, car pour les enfants, c’est un travail de titan que d’être derrière leurs parents qui n’ont pas toujours le temps d’aller aux renseignements.
Mais les enfants sont demandeurs et touchés en plein cœur lorsqu’ils reviennent avec des éléments qui, mis les uns avec les autres, forment le puzzle de leur vie. Il suffit de voir leurs yeux pétillants lorsqu’ils brandissent une information, une photo, une lettre, une médaille, une carte de rationnement tels des trésors de famille.
En entendant leurs camarades, ils se rendent compte que les histoires se recoupent, se croisent. Ils sont différents, mais semblables en même temps. Les récits des uns font écho chez les autres : il est arrivé qu’un enfant raconte que sa mère avait été adoptée et qu’un autre enchaine aussitôt pour dire que sa maman aussi. Ce sont donc des tabous qui tombent pour revenir à la simplicité.
La question migratoire est souvent mise en lumière. Les enfants comprennent pourquoi certains viennent d’ailleurs et qu’il y a maintes raisons de changer de nation. Les liens se tissent et chacun prend place dans l’histoire avec un grand h. Dans chaque famille, il y a quelqu’un qui un jour s’en est allé.
Une des activités proposées aux enfants est de repérer sur diverses cartes géographiques, les endroits de naissance de leurs arrière-grands-parents, grands-parents et parents en apposant une gommette de couleur identifiant le lien de parenté. Ensuite, il s’agit d’indiquer leurs lieux de vie, en procédant de la même manière. Enfin, les enfants placent une ficelle entre les gommettes naissance et lieux de vie. Apparaissent alors les chemins parcourus. Parallèlement, ils ont l’occasion de découvrir, via des documents, des évènements historiques datant de l’époque de leurs ancêtres. En replaçant ces évènements sur la ligne du temps où ils ont déjà écrit les dates correspondant au temps de vie des membres de leur famille, les enfants établissent des liens. Ils ont ainsi l’occasion de devenir des citoyens qui se comprennent, l’interculturalité devient une richesse.
Je n’oublierai jamais cette petite fille qui m’a dit, comme une révélation, que jusqu’alors, elle ne savait pas qu’elle était née à Braine-l’Alleud. Cela peut sembler anodin, et à la fois, c’est peut-être là qu’elle a commencé à prendre racine.

Notes de bas de page

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1 http://www.desracinespourgrandir.com