Du contrat pour l’École au Pacte d’excellence : un peu plus de la même chose ?

Resituons le contexte.

2005. La ministre de l’Éducation Marie Arena lance une consultation autour d’un projet de Contrat stratégique pour l’éducation. Cette consultation mobilisant entre janvier et mai 2005 quelque 30.000 personnes au cours de 200 rencontres a pour but d’associer à la réflexion les différents partenaires du monde scolaire et de les engager dans une Déclaration Commune.

Le Contrat pour l’Ecole se déploie autour d’objectifs qui touchent à la réussite de tous les élèves, à une intention explicite de favoriser la mixité sociale et de traquer les mécanismes de relégation au sein des établissements scolaires.
Dix priorités déclinées en mesures concrètes et chiffrées sont en outre arrêtées pour atteindre ces objectifs. On citera l’encadrement et l’orientation des élèves au service de l’acquisition des savoirs et du développement des compétences, la formation et la valorisation des enseignants, le renforcement du dialogue écoles-familles.

La philosophie du Contrat pour l’École s’inscrit dans la lignée des objectifs européens de Lisbonne qui ambitionne pour l’Europe à l’horizon 2010 de devenir ‘l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale’. Pour réaliser cette ambition, les objectifs européens sont d’améliorer les compétences de base en lecture, d’augmenter les flux de diplômés de sciences et de technologie, de réduire les sorties précoces du système scolaire et de généraliser le second cycle de l’enseignement secondaire, de développer la formation des adultes.

Le Contrat pour l’École se présente comme un plan d’actions qui promet d’être piloté en permanence, destiné à être évalué périodiquement par un Comité stratégique lui-même alimenté par les avis et rapports de la Commission de Pilotage[1]CEF, janvier 2015, Etat des lieux du ‘contrat pour l’Ecole’, p. 7.

2008-2009. En l’absence de réalisation de l’objectif d’évaluation et de pilotage annoncé en 2005, le ministre Christian Dupont opte pour l’établissement d’un bilan intermédiaire des actions programmées initialement. On y constate une concrétisation plus rapide que prévue de certains objectifs, mais l’on déplore le fait que’pour mener une évaluation scientifiquement étayée, il faudrait confronter rigoureusement les objectifs et les cibles fixés avec des indicateurs de résultats spécifiques qui ne sont pas disponibles aujourd’hui'[2]CEF, janvier 2015, Etat des lieux du ‘contrat pour l’Ecole’, chapitre 3.8.

Novembre 2014. Dans le cadre du Pacte d’Excellence, la ministre Joëlle Milquet ressort des tiroirs le Contrat pour l’École et confie au CEF[3]CEF, Conseil de l’Education et de la Formation créé par décret de la Communauté française en 1990. le soin d’établir un état des lieux de sa mise en œuvre. Pour documenter cette question, la ministre attend que ‘soient collationnées les études existantes et que ces dernières soient croisées avec les avis des acteurs du Contrat pour l’École, membres du CEF. Un rapport de 158 pages est publié en janvier 2015, certes accessible à tous, mais dont la publicité ô combien discrète ne le porte à la connaissance que d’un cercle d’initiés…

Que nous apprend le rapport du CEF ?

Le rapport du CEF s’appuie sur un ensemble de données objectives fournies par la publication annuelle des Indicateurs de l’Enseignement, par les rapports annuels du Service général de l’Inspection et des CPMS et l’avis de partenaires tels que les instituts de formation continue.

Sur un plan global et sans entrer dans une analyse exhaustive, l’état des lieux du Contrat montre que l’on ne peut pas ‘reprocher’ au politique d’avoir lésiné sur les moyens destinés à opérationnaliser les différents points du Contrat pour l’École (2005) et, par voie de conséquence, la mise en œuvre des axes principaux du Décret Missions (1997) :
• budgets importants consentis pour renforcer l’encadrement différencié et les démarches de remédiation ;
• engagement d’un nombre accru d’enseignants ;
• mise en place du Décret Inscriptions avec l’intention de tendre vers une mixité
davantage garante de l’intégration et de la réussite de tous les élèves ;
• contrôle accru des mécanismes de ségrégation, de la mobilité des élèves, de
l’absentéisme et du décrochage ;
• grâce aux Évaluations Externes, certificatives ou non, qui se sont généralisées à
l’ensemble de la scolarité obligatoire, visibilité accrue des niveaux de maitrise atteints par les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles en langue française, mathématiques et éveil ;
•…

Les résultats obtenus dans les différents axes restent discrets. Certes, des avancées existent dans les statistiques, mais le terrain prend la mesure de l’ampleur de la tâche. Les défis restent considérables.

2015. Faut-il remettre le couvert ?

Faut-il refermer le Contrat pour l’École pour écrire un Pacte d’Excellence ? L’enjeu est-il de refaire l’analyse du système de A à Z, de redéfinir ses valeurs et objectifs ? N’en sait-on pas suffisamment pour agir ? Si le Contrat pour l’École n’a pas apporté ce qu’on attendait de lui, n’est-il pas impératif de comprendre pourquoi ?

En fait, l’institution scolaire en FWB est tout à fait étonnante : chaque tentative de réforme est taxée d’échec ou d’inadéquation avant même qu’elle ne percole de manière large sur le terrain des classes et alors même qu’aucun indicateur n’a été réfléchi pour évaluer correctement la démarche initiée… On critique l’approche par compétences alors même qu’elle reste dans bien des écoles une invitée discrète et mal comprise. Les programmes sont l’objet de réécriture alors que dans maints endroits on commence seulement à les comprendre, voire à les lire ! On dénonce les pédagogies actives alors qu’elles aussi relèvent de pratiques géographiquement (très) limitées ou qu’elles ont emprunté des chemins de traverse qui les éloignent de leur esprit premier. Il a fallu plus de 30 ans pour comprendre l’enjeu de cohérence et de continuité que pouvaient offrir des cycles d’apprentissages à l’école fondamentale… et encore, ils sont loin d’être partout mis en œuvre dans la transparence de cet enjeu pourtant majeur pour les élèves les plus fragiles. Certes, un certain jargon pédagogique émaillant textes et discours pourrait témoigner de l’évolution des pratiques enseignantes. Mais ce jargon n’est-il pas lui-même un leurre ? Différenciation, apprenants, programmations, année complémentaire, évaluations les plus diverses (externes ou non, certificatives ou non, sommatives, diagnostiques, prédictives, et j’en passe…). Derrière ces florilèges d’étiquettes, les réalités du terrain changent finalement peu : on n’arrête pas de baptiser autrement des pratiques qui en définitive ont peu évolué, voire, qui se sont parfois même dégradées tant on en a parfois perdu le sens premier. En ressort une grande confusion sur le terrain des classes où l’enseignant amalgame méthodologies, concepts et pratiques issus de courants de pensée et de logique très différents, voire antagonistes, sans en être véritablement conscient et tout en ne comprenant pas toujours les enjeux sociétaux qu’ils peuvent recéler.

Faut-il donc remettre le couvert ? Certes, oui ! À condition toutefois de ne pas réécrire un diagnostic déjà connu de tous ! Si l’on s’accorde à reconnaitre que les constats de 2005 sont quasi les mêmes que ceux de 2015, la mission du Pacte d’Excellence pourrait être celle d’avoir la lucidité et l’ambition d’aller au bout de la démarche de remise en question, de placer ses énergies non pas dans l’élaboration d’un nouveau diagnostic, mais dans une analyse fine des raisons pour lesquelles la ‘machine scolaire’ s’enraye face à une société qui ne l’attend pas pour se transformer.
Nous l’avons écrit: les réponses du politique depuis 2008 ont été de nature quasi exclusivement structurelle (moyens budgétaires et humains, modalités de régulation des inscriptions…) et externes à la classe (remédiation, cours d’Adaptation à la Langue de l’Enseignement, éducateurs, Dispositifs d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo- Arrivants…). Ne devrait-on pas s’intéresser à cette formidable boite noire à laquelle la liberté des méthodes interdirait de toucher, à savoir ce qui se passe dans la classe au moment même des apprentissages ?

Le Contrat pour l’École en mettant en place les évaluations externes, le Décret Inscription, les socles de compétences… a eu le mérite de préparer les conditions nécessaires pour s’introduire au cœur de la question. Le Pacte d’Excellence pourrait enfin être l’occasion d’évaluer comment ces conditions sont saisies par le terrain et si elles répondent efficacement à l’intention explicite de réduire les inégalités scolaires. Le Pacte d’Excellence pourrait s’atteler à analyser finement pourquoi l’institution scolaire résiste, ralentit les mises en œuvre, de façon consciente ou inconsciente. Le Pacte d’Excellence pourrait se pencher sur ce qui est au cœur même de la pratique enseignante : la qualité des dispositifs d’enseignement susceptibles de faciliter les apprentissages de tous les élèves.

Mais à part ça, Madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien !
Analyser, évaluer ce qui se passe au sein des classes, voilà un sacré tabou ! Que l’on effleure les pratiques enseignantes, et c’est tout un monde qui se sent agressé dans son autonomie pédagogique, dans sa créativité. C’est trembler face à l’intrusion, rarement perçue comme légitime, de la recherche, des pédagogues, du privé, de l’inspection, voire même celle du collègue proche ! Les médias, les politiques, les syndicats… tous s’entendent à défendre l’idée selon laquelle les enseignants connaissent leur métier et détiennent sur base de leur seule intuition ou expérience les réponses aux défis posés à l’école d’aujourd’hui. Et pourtant ! En défendant cette position, qui veut-on rassurer ? L’enseignant qui préfère se retrancher derrière les bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves ? Celui qui renvoie la responsabilité des échecs à des familles à qui il demande de réussir ce qu’il ne parvient plus lui-même à obtenir ? Plus souvent, espère-t-on ainsi réconforter l’enseignant qui s’épuise à obtenir des résultats qu’il obtenait autrefois et qui ne comprend pas pourquoi il n’y parvient plus ?

Si les enseignants méritent pleinement la reconnaissance de leur travail, déclarer qu’ils savent ce qu’ils ont à faire et comment ils doivent le faire n’est peut-être pas le slogan le plus opportun. S’il est vrai que dans un certain nombre d’établissements, tout ‘semble’ continuer à ‘tourner’, du moins pour le plus grand nombre, les lieux se multiplient où la complexité et les défis du métier déstabilisent profondément les gens du terrain. Constater les déficits de notre système d’enseignement, ce n’est pas stigmatiser l’enseignant, mais c’est mettre en lumière ce qui, aujourd’hui, rend son métier véritablement difficile.

La question des pratiques même si elle existe, reste très discrète, se murmure à voix basse de peur de… Or, à y regarder de près, le discours ambiant a quelque chose de schizophrénique. En voici quelques exemples.
• Chaque année en juin, les médias font briller les taux de réussite à l’épreuve du CEB. Tout va très bien, Madame la Marquise ! Derrière des chiffres remarquables, chaque titulaire est conscient que de nombreux élèves aborderont les exigences du secondaire avec à peine les 50% de ce qui est considéré comme le socle commun que tous devraient maitriser. Entre la 1ere et la 3e différenciée, ces élèves dégringoleront encore un peu plus dans le décrochage pour enfin obtenir un simulacre de certificat à 15 ans. Certains d’entre eux savent à peine lire et leur culture mathématique est proprement dramatique.
• Les évaluations externes, certificatives ou non, confèrent une plus grande cohérence au système et de plus grandes chances d’équité, outillent les écoles de grilles de lecture très intéressantes. Tout va très bien, Madame La Marquise ! Mais est-on sûr que ces évaluations évaluent ce qu’elles doivent évaluer ? Ne devraient-elles pas elles-mêmes être évaluées dans leur mode de conception, de passation et de correction, dans l’exploitation des pistes didactiques qui les suivent ? Comment aide-t-on les équipes à les interpréter et à s’en servir pour améliorer leurs pratiques ? Là où cela se fait, des évolutions très positives s’observent dans les modes d’accompagnement des élèves.
• Les chiffres attestent une diminution du taux de redoublement en primaire et de maintien en 3e maternelle. Tout va très bien, Madame la Marquise ! Certes, les chiffres baissent et les recherches nous invitent à nous en réjouir puisque moins d’élèves sont soumis à cette mesure dont l’inefficacité a été démontrée. Toutefois, les enseignants s’interrogent sur l’accompagnement nécessaire de ces élèves fragiles qui poursuivent leur cursus sans que des moyens adéquats soient mis en place ? Passer de classe, bien sûr, mais pas sans diagnostic fin des difficultés de l’élève, pas sans connaissance des démarches à mettre en œuvre et des objectifs à prioriser, pas en l’absence d’une réelle différenciation pédagogique.
• Jamais on n’a autant parlé de la remédiation[4]Grosjean Sandrine (coord.), La remédiation scolaire. Une politique du sparadrap ? Collection L’école au quotidien, Couleur livres, Bruxelles, 2012. et des moyens injectés pour l’organiser dans les établissements scolaires. Tout va très bien, Madame La Marquise! Et pourtant, les recherches ont démontré là encore les limites d’une remédiation le plus souvent externalisée et la nécessité d’interroger les dispositifs d’enseignement qui, en amont de la remédiation, permettraient au contraire d’éviter celle-ci, au moins pour une majorité d’élèves. Par ailleurs, les enseignants engagés dans cette fonction le sont rarement par choix personnel et se sentent bien souvent démunis face aux difficultés de leurs élèves.
• Les décrets ont assoupli la structure des classes passerelles pour les faire évoluer vers des Dispositifs d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants s’adaptant davantage aux réalités multiples des élèves primo-arrivants. Tout va très bien, Madame la Marquise ! Et pourtant sur le terrain, les enseignants essaient d’innover, de créer, le plus souvent chacun dans son coin et chacun comme il peut, des dispositifs susceptibles d’accueillir après 6 mois ou 1 an de DASPA, des élèves qui, certes, ont appris à communiquer en français, mais qui sont encore très éloignés du niveau de français requis pour apprendre dans cette langue. Par ailleurs, le profil ‘juridique’ des élèves n’est pas toujours en lien avec leur profil pédagogique : les choses sont ainsi faites que face à deux élèves hispanophones, l’un bénéficiera du DASPA, car il est colombien (hors espace Schengen), l’autre non, car il est espagnol (espace Schengen) !
• Des budgets importants sont alloués à l’achat de manuels scolaires et de logiciels qui ont été agréés par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les établissements dotent leurs équipes de séries de manuels pour lesquels ils reçoivent des budgets, ceci afin de les aider à mieux planifier et organiser les apprentissages. Tout va très bien, Madame la Marquise! Et pourtant, l’Inspection dénonce dans ses rapports une logique pédagogique trop souvent absente au sein du système d’agrément. Il s’agit en fait d’une démarche formelle avec des effets pervers importants : on agrée des manuels ou des outils qui ne correspondent pas toujours à l’approche par compétences ! Par ailleurs, les livres du maitre ne sont pas agréés[5]Rapport du CEF p.67 ce qui n’encourage pas forcément les maitres à y recourir alors que ce sont eux qui pourraient les éclairer sur la complexité et l’enjeu des disciplines.

Oser aborder le cœur de la question.

On le voit : des innovations ont eu lieu ces dernières années, mais il est indispensable de dépasser le fait de les couler dans des circulaires et des décrets… Si l’on veut que les décrets s’incarnent dans des gestes professionnels significatifs, ne serait-il pas urgent de reconnaitre à quel point l’enseignement est devenu un métier complexe, et ce, dès les classes maternelles quand :
• les enseignants doivent apprendre à gérer une classe composée d’élèves aux profils de plus en plus hétérogènes dans leurs savoirs langagiers, culturels,…
• les enseignants doivent détecter finement les besoins d’apprentissages de leurs élèves, diagnostic auquel une minorité d’entre eux a été formée,
• les enseignants doivent pouvoir enseigner à des élèves qui communiquent imparfaitement en plusieurs langues,
• et quand, cerise sur le gâteau, il faut qu’un maximum réussisse !

Dire que tous les enseignants aujourd’hui connaissent leur métier, qu’ils savent ce qu’il faut faire et comment le faire, n’est-ce pas refuser de reconnaitre le sentiment d’épuisement et d’impuissance que trop d’enseignants expriment à force d’être débordés et dépassés, trop seuls… Reconnaitre les difficultés des enseignants, ce n’est en rien nier leurs compétences. Que du contraire ! C’est affirmer que le rythme professionnel a changé. L’analyse que beaucoup d’enseignants, toujours investis, mais lucides, font de leur métier est exacte : les défis du terrain exigent d’autres modalités de travail, qui passent par le développement d’une véritable collaboration, par une obligation de formation tout au long de la carrière, par une évaluation/régulation comprise davantage dans une ambition d’évolution que dans une logique surannée de sanction.

Deux facteurs semblent singulièrement absents du questionnement : l’accompagnement et la temporalité. L’accompagnement pour véritablement soutenir les enseignants dans la complexité des changements inhérents à leur métier (formations ambitieuses et de qualité, pilotage par des directions averties…) et temporalité pour que l’on puisse véritablement mesurer les effets de ces changements avant de décider de poser un nouveau diagnostic. Là où l’on utilise ces paramètres, l’on sait qu’il faut peu de choses pour libérer à nouveau la créativité des enseignants, leur conscience d’avoir un impact sur leur agir professionnel ce qui, selon le modèle de Viau a un impact direct sur leur motivation et leur estime de soi.

Retrouver le cœur du métier…

‘La justice d’un système se mesure au sort des plus défavorisés’ (John Rawls). Assurer aux plus défavorisés un sort décent passe par une plus grande efficacité des stratégies d’apprentissage dans la classe. C’est d’abord une question didactique (cf. les résultats PIRLS[6]PIRLS, Programme International de Recherches en Lecture Scolaire). Cette dynamique doit être soutenue par un contrôle, un accompagnement et une formation des maitres.’[7]Rapport du CEF, p.134

N’est-ce pas en cela que le Pacte doit ambitionner son excellence ? Ces dernières années ont été traversées de mutations, certes profondes, mais surtout très rapides. L’exigence de résultats passe d’abord par une exigence d’adapter, de déployer les savoirs liés au métier d’enseignant. ‘La source d’une efficacité retrouvée est d’ordre didactique : il s’agit d’accompagner et d’équiper les équipes éducatives pour des pratiques de classe efficaces. Cet objectif implique un respect des dispositions de la Constitution qui prévoit une égalité de traitement de tous les élèves et étudiants qui ne peut passer que par une égalité de traitement des opérateurs d’enseignement. Améliorer le niveau général, c’est aussi garantir aux plus démunis un niveau de savoir et de compétence décent.’ [8]JP DEGISVES, Rapport du CEF, p.133
N’est-ce pas à cet objectif-là que le Pacte d’Excellence doit s’atteler ? Apporter à l’enseignant des opportunités concrètes de comprendre l’évolution dans laquelle il vit afin de pouvoir y adapter ses gestes professionnels. Certes, aucun changement n’est facile. Certes, cela nécessite du temps, mais plus encore, c’est d’un habile dosage d’exigence, de bienveillance et d’expertise dont les équipes ont besoin. Tout apprentissage passe par des phases de déstabilisation rendues possibles parce qu’il y a confiance et sécurité. En ce sens, réfléchir l’accompagnement des équipes est plus essentiel que jamais. Tous les acteurs trouvent ici leurs rôles : l’inspection dans son rôle d’investigation, d’analyse, de feedback constructif, les conseillers pédagogiques dans leur rôle d’écoute et de proximité inscrite dans la durée, les formateurs avec leurs apports d’experts éclairés par la recherche, les directions d’établissement qui tireront les diverses ficelles afin de tisser durablement le cadre qui aidera les équipes à progresser, les collègues dans une dynamique d’organisation apprenante. C’est bien un changement de culture qui est ici convoqué. Ambitieux. Car, face aux défis d’aujourd’hui et de demain, ce sont tous les acteurs de l’École qui doivent pouvoir être outillés pour oser le débat sur ce que le métier d’enseignement a de plus essentiel, à savoir ‘comment enseigner’ pour que tous réussissent.

‘Écouter quelqu’un, c’est l’écouter dans la façon dont il écoute sa propre vie. Nous avons à inventer les stratégies et détours nécessaires pour développer des enfants pas pareils au départ, qui ne seront pas nécessairement pareils ou égaux au terme du parcours, mais à qui auront été donnés, entre-temps, des chances pareilles en matière de compétences diversifiées. Le problème est à multiples racines, nouées les unes aux autres. D’où la difficulté de le résoudre.’Edgar Morin à Jacques Levine (extrait de lettre), in Pour une anthropologie des savvoirs [9]scolaires, De la désappartenance à la réappartenance, Levine & Develay, ESF éditeur (2003) Cette difficulté exige de la modestie et de la reconnaissance, de la rigueur et de la créativité… Et il semble bien légitime que les enseignants aient besoin pour cela d’être épaulés…, encouragés dans leurs audaces, réflexifs dans leurs constats… Outiller les enseignants pour cette mission, ce n’est pas mettre en évidence ce qu’ils n’arrivent plus à faire ; c’est en s’appuyant sur leur expertise leur donner de nouvelles clés de pratique professionnelle.

Du Contrat pour l’École au pacte d’Excellence… Ce dernier se trouve devant l’opportunité de toucher le cœur de la question pour la faire avancer… sans remettre une fois encore les compteurs à zéro.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 CEF, janvier 2015, Etat des lieux du ‘contrat pour l’Ecole’, p. 7
2 CEF, janvier 2015, Etat des lieux du ‘contrat pour l’Ecole’, chapitre 3.8
3 CEF, Conseil de l’Education et de la Formation créé par décret de la Communauté française en 1990.
4 Grosjean Sandrine (coord.), La remédiation scolaire. Une politique du sparadrap ? Collection L’école au quotidien, Couleur livres, Bruxelles, 2012.
5 Rapport du CEF p.67
6 PIRLS, Programme International de Recherches en Lecture Scolair
7 Rapport du CEF, p.134
8 JP DEGISVES, Rapport du CEF, p.133
9 scolaires, De la désappartenance à la réappartenance, Levine & Develay, ESF éditeur (2003