Du côté de chez nous

Inscrire ses enfants dans une école en discrimination positive, un choix, une chance, une richesse.

En tant qu’enfant, j’avais moi-même fréquenté une école communale néerlandophone d’un quartier populaire de Bruxelles et cette expérience m’a laissé un souvenir heureux et un gout durable pour la mixité sociale et culturelle qui se reflète aujourd’hui dans mes relations sociales et mon orientation professionnelle (je suis assistante sociale). J’ai également éprouvé cette expérience comme une richesse lorsque j’ai abordé les études secondaires dans un établissement beaucoup plus élitiste, où la mixité n’était plus qu’un vœu pieux.

Cette école-là

Pour le choix d’école de mes enfants, l’idée de départ était de privilégier la proximité (tout en sachant que nous habitions un quartier populaire), par facilité et pour favoriser les liens avec des parents et des enfants du quartier. Cependant, nous voulions aussi une école dont le projet nous parle, notamment après une expérience moins heureuse et très brève dans un autre établissement. Ce qui a été déterminant, c’est l’identité forte de l’école, le choix revendiqué de la mixité, du lien avec le quartier, d’un projet pédagogique… et les enseignants que nous avons rencontrés : solidaires du projet, soutenus par une équipe et une direction, appréciés, motivés.

Cette école, comme notre quartier, reflète une mixité sociale et culturelle, mais surtout : cet état de fait était un choix, une volonté. La discrimination positive était présentée comme une richesse et une chance.

Le public populaire et immigré de l’école ne se résumait pas à une communauté largement majoritaire. Cet élément est important aussi. En tant que parents, nous ne nous sentions pas une exception d’être belges, francophones, diplômés et travaillant. Nous pouvions voir d’autres parents qui faisaient une démarche similaire à la nôtre, des enfants avec un bagage similaire à celui des nôtres. Mais nous étions une facette parmi beaucoup d’autres de la population fréquentant cette école. C’est aussi notre représentation de la société ; un mélange.

Un élément nous a pourtant fait hésiter, c’est la faible place réservée à l’éducation artistique (arts plastiques, musique…) et corporelle/sportive dans l’école. Si nous options pour une école plus engagée dans ces domaines, nous perdions l’avantage de la mixité. L’art et le sport peuvent être pratiqués hors de l’école, mais tous ne le feront pas. Ces à-côtés deviennent alors discriminants parce qu’ils ne sont pas assurés par l’école.

Craintes et attentes

Notre principale crainte était que nos enfants n’apprennent pas suffisamment ou s’ennuient à côté de ceux pour qui l’enseignement se faisait déjà dans une deuxième langue. Nous aurions aimé trouver un établissement équivalent en néerlandais, mais cette démarche est réellement devenue compliquée aujourd’hui.

Nos principales attentes étaient que chaque enfant soit considéré et « nourri », avec enthousiasme et exigence. Nous attendions de nos enfants qu’ils apprennent à vivre avec les autres et à faire un plus des différences.
Et je n’ai jamais regretté ce choix. La proximité est un luxe auquel nous goutons chaque jour. Aller à l’école à pied, se lever à une heure raisonnable, connaitre le quartier, les trajets, la piscine, la bibliothèque, la ludothèque, le centre culturel… Tous ces lieux sont familiers aux enfants qui ont acquis de bons repères dans le quartier. Des liens se sont tissés avec des enfants du quartier et leurs parents dont plusieurs sont même devenus des amis. Des solidarités ont pu se mettre en place.

La mixité n’a pas posé de problème, mais a fréquemment soulevé des questions à propos des religions, des cultures, des pays, de richesse et de pauvreté, des différences… et des similitudes. Il me semble que nos enfants ont toujours vu chez les autres ce qui les rapproche autant que ce qui les différencie.

Les enfants ont de manière générale peu d’appréhensions (ce qui ne veut pas dire peu de questions) lorsqu’ils font des rencontres. Ils se lient facilement avec d’autres lorsqu’ils sont en vacances ou dans un lieu public, sans passer nécessairement par l’intermédiaire des parents. Ils ne vont pas plus spontanément vers un enfant plus « ressemblant » au niveau culturel ou social. Peut-être sont-ils prémunis contre certaines peurs ? C’est en tout cas mon souhait le plus cher.
Les « meilleurs » amis des enfants leur ressemblent finalement beaucoup, jusque dans le schéma familial, et c’est parfois à notre niveau de parents que des filtres entrent en action, en fonction des affinités avec certains parents plus qu’avec d’autres. Au-delà de ces un ou deux amis, dès que le cercle s’élargit, il se diversifie à l’image du public de l’école, tant socialement que culturellement.

À quelques reprises, nous avons été confrontés à des limites dans le travail des enfants (pas de travaux de recherche à la maison pour éviter les disparités, par exemple) ou au manque de moyens de l’école (l’un de nos enfants, en troisième primaire aujourd’hui, n’a jamais eu de classes vertes, l’ainée une seule fois en maternelle et les cours de gym sont assurés, dans le meilleur des cas, une semaine sur deux…), mais cela ne représente qu’une ombre au tableau qui est globalement très positif.