Voilà un bouquin qu’on attendait ! Le premier volume, qui vient de sortir, est consacré aux nombres naturels, aux décimaux, aux fractions, aux nombres relatifs et à la proportionnalité. Le second volume, à paraître, sera consacré à la géométrie.
Qui c’est ce « on » dans l’attente ? Un paquet de gens ! Des instituteurs chevronnés, débutants ou apprentis qui cherchent des références rigoureuses, sans être absconses, pour les mathématiques élémentaires qu’ils ont à enseigner. Des profs de tous niveaux qui s’interrogent sur la construction des concepts, de la pensée commune au savoir constitué. Des parents qui veulent comprendre la difficulté de leurs enfants. Peut-être même des mathématiciens qui font une cure de désintoxication mathématique pour retrouver les « défis primitifs ». Les décideurs, « on l’espère », qui discutent des programmes et des documents qui doivent accompagner les enfants et leurs enseignants.
Pourquoi « on » attendait ? Parce qu’on a vu tant et tant de pratiques scolaires d’enseignement mathématique ramenées à des bouts de recettes que des exécutants exécutent sans avoir compris le sens de ce qu’ils font et sans avoir le plaisir de goûter le plat.
Le bouquin[1]Nicolas Rouche et coll., Du quotidien aux mathématiques (Nombres, Grandeurs, Proportions), Ellipses, Paris, 2006 est-il à la hauteur de l’attente ? Largement ! La présentation est sobre et soignée. Ce n’est ni un ouvrage mathématique chargé de symboles et de formules ni un manuel niais ou réducteur. Les auteurs ont fait un double choix : « A. Nous partons des ensembles que l’on dénombre et des grandeurs que l’on mesure pour construire diverses sortes de nombres. B. Nous partons de la pensée commune et des questions les plus quotidiennes, et n’introduisons des mathématiques plus techniques que pour répondre à des questions rencontrées en cours de route, à des nécessités du développement théorique. »
Naturels et grandeurs
Les trois premiers chapitres traitent respectivement de la naissance des nombres naturels (un, deux, trois, …), de leur addition et soustraction, de leur multiplication et division. Comment comparer deux ensembles d’objets ? Comment écrire et dire les nombres ? Qu’est-ce qu’additionner et comment le faire mentalement et par écrit ? Derrière l’expression 7-4=3, il y a beaucoup de situations. Comment faites-vous mentalement cette opération ? Et les enfants ? Comment on multiplie un nombre à trois chiffres par un nombre à deux chiffres ? Pouvez-vous expliquer en détail la division de 8732 par 7 ou celle de 4539 par 324 ?
Le chapitre 4 parle de la naissance des grandeurs : longueurs, poids, aires, volumes, durées. Comme les nombres naturels, les grandeurs se comparent, s’additionnent, se soustraient. On peut multiplier une grandeur par un nombre naturel. On peut toujours diviser une grandeur ou la partager en parts égales, ce qui n’est pas le cas d’un naturel.
Des grandeurs à d’autres nombres
Pour comparer des grandeurs à distance, on utilise une troisième grandeur appelée unité de mesure. On mesure avec des entiers puis avec des décimaux (chapitre 5). La mise en parallèle de la mesure de grandeurs et des décimaux donne du sens à ces derniers et aux opérations qui les concerne. Comment diviser 13,771 par 4,7 ? On peut considérer qu’il faut partager une longueur de 13,771 m par 4,7 ? Mais comment interpréter en partage en 4,7 parts égales ? N’est-il pas plus simple de se demander combien de fois va une longueur de 4,7 m dans une longueur de 13,771 m. Et, n’est-ce pas la même chose que de se demander combien une longueur de 47 dm va dans une longueur de 137,71 dm ? On se ramène ainsi à la division de 137,71 par 47 analysée auparavant dans le livre.
Les grandeurs fractionnées mènent aux fractions (chapitre 6). Une nouvelle catégorie de nombres naît et prend sens dans le contexte des grandeurs. Demandez-vous, par exemple, comment on peut faire le produit de trois cinquième et de deux tiers ? Autrement dit, combien ça fait ? Pouvez-vous justifier votre réponse autrement que par une règle toute faite ?
Les grandeurs permettent encore de nourrir un autre concept riche, utile, indispensable, élémentaire et pourtant encore si mal compris par une large frange de nos contemporains (même parmi les plus instruits) : la proportionnalité qui se résumait dans mon enfance à la règle de trois.
Et encore des nombres
Le chapitre 8 aborde les nombres relatifs, positifs ou négatifs. Cela commence également par la naissance de ces nombres, l’ordre, l’addition, la soustraction (que se passe t-il quand je soustrais -3 à un nombre ?), la multiplication (pourquoi le produit de deux négatifs est-il un positif ?)
Le chapitre 9 revient aux naturels pour traiter la question des multiples et diviseurs, des nombres premiers, des nombres figurés, …
Bonne lecture en attendant le deuxième volume !
Notes de bas de page
↑1 | Nicolas Rouche et coll., Du quotidien aux mathématiques (Nombres, Grandeurs, Proportions), Ellipses, Paris, 2006 |
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