Joanne est institutrice dans une classe de première et deuxième maternelle. Depuis le 1er septembre, elle accueille vingt enfants âgés de trois, quatre et cinq ans. Que pense-t-elle du Tous capables, elle qui s’occupe d’enfants au tout début de leur scolarité ?
Joanne me parle de Julien, deux ans et demi, qui ne parle pas français. Le penser capable d’apprendre, c’est d’abord le mettre dans de bonnes conditions d’apprentissage. Joanne prend du temps pour lui parler, pour tenter de comprendre ce qu’il demande et pour qu’il comprenne ce qu’on lui demande. Elle reste près de lui quand il doit enlever ses bottes, les ranger et mettre ses chaussons et elle verbalise chacune des actions demandées. Elle respecte son rythme, bien souvent plus lent que celui des autres. Julien est le plus jeune du groupe, il est le dernier réveillé de la sieste. Elle le met en confiance, elle l’encourage. Quand il doit prendre son prénom pour le placer sur le tableau des présents, elle le guide et le félicite lorsqu’il le reconnait. Et elle lui fait confiance. Si Julien demande à boire, elle l’envoie seul remplir son verre d’eau. Pour cela, il lui faut beaucoup de patience, ce qui n’est pas toujours évident parce qu’il y a du bruit dans une classe de maternelle, parce qu’on manque parfois d’aide, parce que des collègues tombent malades et qu’il faut alors accueillir des enfants qu’on connait moins bien.
Lors de leur entrée en première maternelle, les comportements des enfants sont déjà bien différents. Joanne me dit y être attentive pour repérer ceux qui auront le plus besoin de son attention.
Luana, Daniel, Geïco, Zénab, Paola, Andreï et Cyril n’auront pas souvent besoin de son aide !
Luana ose prendre la parole. Pendant le Quoi de neuf ?, elle la prend régulièrement après avoir placé sa photo sur le tableau.
Daniel ose se tromper. Il était persuadé que les abeilles allaient chercher le miel dans les fleurs et, malgré l’opposition de Joanne, il maintenait fermement sa position. Une fois confronté à la lecture d’un livre documentaire, il a admis son erreur, fier maintenant de connaitre ce qui est juste !
Geïco prend plaisir à venir à l’école et marque son intérêt pour les différentes sollicitations de Joanne. La veille, l’institutrice a annoncé à tous les enfants qu’ils iraient voir une pièce de théâtre. Le matin, Geïco est arrivé en classe et a rappelé à tout qui voulait l’entendre qu’ils allaient au théâtre.
Zénab est créative. Pendant l’atelier d’argile, chaque semaine, elle utilise les outils mis à sa disposition pour creuser la terre, l’étirer, la rouler et réaliser ainsi un bonhomme, un animal ou encore un château.
Paola a de bonnes relations avec les autres enfants. Elle joue aux jeux de construction sans jamais se disputer, mais en discutant des échanges possibles de blocs avec les autres.
Andreï prend des initiatives. Confronté au manque de gouache verte, il annonce à Joanne qu’il va dans la classe de Camille pour voir s’il y en a encore.
Enfin, Cyril fait preuve de beaucoup d’autonomie. Sans qu’on ait à le lui rappeler, il met un tablier avant de peindre, range le jeu de société avec lequel il jouait, prend sa collation et la mange seul.
Par contre, fin novembre, Alexandra ne retrouve toujours pas son chemin pour revenir en classe après avoir été aux toilettes. Elle ne bouge pas de l’endroit où elle se trouve si Joanne ne le lui demande pas personnellement. Et, si Joanne l’oublie un peu, elle reste immobile, sur sa chaise, sans prendre aucune initiative. Tout cela a attiré l’attention de Joanne qui tente de la stimuler le plus souvent possible.
Rayane a trois ans et il se pense déjà incapable ! Si Joanne lui demande de dessiner un bonhomme, il refuse et dit qu’il ne sait pas le faire. Là aussi, il faudra beaucoup de patience et de temps pour lui donner confiance en ses capacités.
Quand j’interroge Joanne sur les apprentissages plus disciplinaires qu’elle peut déjà mener avec ces tout jeunes enfants, elle me dit les commencer sans exiger aucun résultat. Pas de niveau à atteindre, pas de tests, pas de stress, mais des attitudes à repérer et des enfants à stimuler le plus souvent possible.
Joanne observe ce qui se passe dans les activités quotidiennes de la classe. Quand un enfant prend tous les gobelets alors qu’il n’y a que quatre enfants à servir, elle se dit qu’il faut multiplier ce genre d’activités avec lui. C’est donc à ce dernier qu’elle demandera d’aller chercher des crayons pour en donner un à Clara, un à Ibtissam et un à Chico.
Quand Myriam lui apportera un manteau qu’elle a trouvé par terre, Joanne marquera profondément sa déception de n’y lire aucun prénom. Chaque enfant pourra alors prendre son manteau pour regarder si son prénom y est écrit. Joanne attendra ensuite avec impatience qu’un autre enfant lui apporte un manteau perdu en lui montrant le prénom pour savoir à qui il peut le rendre !