Echange (À propos de l’)

Que faut-il entendre par échange dans une classe ? Devons-nous nous référer à la biologie élémentaire où la vie apparait comme échange continuel entre l’organisme cellulaire et son milieu ?
Nous retrouverons facilement cette notion d’échange dans différentes sciences, de la chimie à la sociologie.
Mais dans le domaine pédagogique, le mot échange nous semble peu employé. Pour le Dr Jean Oury, la notion de réciprocité est essentielle : « Toutes les modifications que l’on apporte aux techniques pédagogiques tendent à faire apparaitre une juste réciprocité dans les multiples échanges qui se font à l’intérieur même de la classe. Que, d’autre part, il existe un moyen pour faciliter l’établissement de rapports réciproques jugés équitables : c’est l’institution de systèmes de médiation dans lesquels les personnes ne sont plus simplement face à face, mais parlent de quelque chose qui existe et œuvrent sur quelque chose qui existe en dehors d’eux et dont ils sont responsables. Il faut bien préciser ce qu’on entend ici par le terme d’échange. Il s’agit d’un échange généralisé, d’une prestation totale. Le nourrisson qui sourit à sa mère engage avec elle une relation d’échanges, qui, si elle n’est pas respectée, peut amorcer des troubles d’une extrême gravité. Les manifestations de la carence maternelle entrainent des retards de toutes sortes et des troubles pouvant aller jusqu’à la mort et semblent être dues à la non-réciprocité précoce de l’échange engagé par l’enfant. La structure même de l’échange suppose deux termes : un donateur et un donataire. Il est, en outre, bien démontré actuellement que l’on ne peut recevoir sans donner. Cette loi de réciprocité totale est une loi qui gouverne d’une façon intransigeante le monde des hommes et qui, faute d’être respectée, entraine des désordres de tous genres. Les ethnologues soulignent bien que les contacts avec une peuplade primitive ne sont possibles que si l’on saisit la nature même de la réciprocité que l’autre exige de soi, faute de quoi, l’autre vous tue. » Peut-être faut-il rappeler comment d’après Freud, se fait chez chaque individu la première insertion dans les circuits d’échanges : au stade anal, « le contenu intestinal pour une muqueuse pourvue de sensibilité sexuelle joue le rôle d’un corps excitant et précède, en quelque sorte, un organe essentiel qui n’entrera en jeu qu’après l’enfance ; mais il possède encore d’autres significations importantes : l’enfant le considère évidemment comme une partie de son corps, pour lui c’est un cadeau qui lui sert à prouver, s’il le donne, son obéissance, s’il le refuse, son entêtement. »
De cette première façon de répondre ou non à la demande maternelle, un style d’échanges sera établi « avec ce marquage du signifiant binaire qui structure les relations de l’enfant : passif, actif, bien, mal, beau, vilain. » (G. Michaud)
Les échanges mère-enfant se réalisent (du moins théoriquement) sous des aspects multiples qui, dès le début, mettent en évidence que, s’il y a réciprocité, il n’y a, à aucun moment, équivalence : bien des choses sont échangées contre un sourire maternel. Ce qui compte, c’est davantage le signe qui marque l’accueil chez l’autre de la demande au sujet.
Ces échanges tendent peu à peu, vers des échanges de paroles.
« Le pouvoir de rencontre se découvre à lui, par-delà les séparations, dans les zones érogènes qui le relient au corps d’autrui, dans l’effet de distance des sonorités vocales de l’autre qui, caressantes ou violentes, mimétisent les contacts mémorisés du corps. La fonction symbolique, spécifique de la condition humaine s’y organise en langage. Ce langage, porteur de sens, nous rend présent un sujet dont l’existence originale est revêtue de ses peines et de ses joies, son histoire pour lui, de sa rencontre avec l’homme (sous forme des humains masculins et féminins) qui l’a fait se savoir homme d’un sexe ou d’un autre. » F. Dolto Aïda Vasquez et Fernand Oury, extraits de Vers une pédagogie institutionnelle ?, Éditions Matrice, 1re édition 1967, réédité en 1991

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