J’enseigne en sixième année primaire dans une école Freinet et je ne me sens pas toujours à l’aise quand on entre dans le monde artistique.
Face à cette appréhension, j’essaie donc de mettre en place une organisation et un cadre qui permettent aux enfants de vivre cette discipline au sein de notre classe.
Voici donc quelques pistes d’une pratique qui est et se veut toujours en évolution.
Dans notre école, chaque classe dispose d’un coin peinture. Cette disposition prédit déjà la place que le domaine artistique peut prendre au sein de chaque classe. Le coin peinture est constitué d’un chevalet ou, du moins, d’un support pour peindre et d’une variété de matériels : pinceaux de différentes tailles, peintures diverses (gouache, acrylique, aquarelle, écoline, etc.), pots, rouleaux en mousse pour peindre, tampons… Mais le matériel artistique ne se limite pas à ça. Restons dans le domaine manuel : une armoire est remplie de feuilles de couleur, de pains de terre, de ciseaux de différentes formes, de colles, d’ouate, de cotons-tiges, de bouchons, d’encres et de plumes ; mais aussi du matériel plus lourd comme des planches de bois, des tuyaux, des pots de toutes les tailles, des fils de laine, de coton, de cuivre, de fer… Les enfants disposent aussi de livres de techniques variées ainsi que des réalisations faites par les autres enfants.
Ici, il n’est pas question de recopiage, de perfection… mais de créativité, de découverte, d’essais, d’erreurs, d’épanouissement, de plaisir, etc.
Le travail artistique (car il s’agit bien d’un travail) est donc au menu de la semaine au même titre que le calcul, les problèmes, les sciences, la géographie, la lecture, l’écriture, etc. Les enfants sont invités à utiliser quand bon leur semble le matériel mis à leur disposition et à se lancer dans une création. Cette création sera l’occasion aussi d’apprendre tant de notions transversales comme la persévérance, le gout du travail bien fait, la prise en charge d’un travail du début jusqu’à la fin (y compris le rangement). C’est bien pour cela que j’appelle ça « travail » car il ne s’agit pas de prendre ces activités à la légère, de ne considérer l’artistique que comme le moment ludique de la semaine. C’est au contraire un moment d’une richesse étonnante, c’est là que l’enfant pourra toucher, manipuler, vivre par les sens, faire vivre ses émotions et laisser place à sa sensibilité et à sa personnalité.
L’année dernière, j’avais remarqué que les enfants investissaient peu le coin peinture. J’ai décidé cette année d’accorder plus d’importance à ce coin et de le faire vivre. J’ai donc proposé moi-même certaines techniques que j’avais testées préalablement. J’ai utilisé moi-même le matériel artistique et j’ai créé mes propres réalisations en même temps que les enfants. Les travaux sont automatiquement présentés et exposés en classe et au bout de quelque temps ou quand d’autres réalisations arrivent, les enfants reprennent leurs créations à la maison.
Dans l’organisation de la semaine, l’artistique n’a pas un moment réservé. Chaque jour, les enfants disposent d’une période où ils avancent à leur rythme dans le travail et selon leurs objectifs personnels (travail dans des fichiers en mathématique et en français, recherches personnelles en éveil, projets personnels, réalisations artistiques…). C’est à l’intérieur de ces périodes que les enfants peuvent investir le coin peinture.
Les idées de réalisation partent souvent de leurs passions. Dernièrement, deux enfants ont fait entrer leur passion (le foot) en classe et l’ont exprimée de manière artistique. Ils ont décidé de réaliser le ballon de la coupe du monde en papier mâché. Ce projet leur a demandé trois semaines de travail où ils ont été confrontés à une série de difficultés comme l’organisation des moments de travail car il fallait prévoir de faire sécher les couches ou encore l’absence du matériel dont ils avaient besoin pour continuer au moment voulu. Ils ont aussi pu comparer différentes peintures comme la gouache et l’acrylique et observer leurs effets. Ce projet a donné naissance à d’autres et, petit à petit, je me rends compte que le coin peinture est utilisé tous les jours.
Quand un enfant a fini sa réalisation, il la présente à la classe. À ce moment, les enfants ont l’occasion d’apprendre à porter un regard critique sur leur travail et sur le travail des autres enfants. Ils prennent donc la parole pour s’exprimer par rapport à l’œuvre présentée. Pendant ce temps, je note les commentaires dits et petit à petit une grille d’analyse des productions artistiques se crée. Par exemple, si un enfant dit « Tu as mis des couleurs vives », je note sur ma feuille « couleur » et lors de la prochaine présentation je rappellerai qu’on avait dégagé un critère « couleur ». Cette grille sera affichée dans le coin peinture et deviendra un guide pour les enfants. Elle continuera à évoluer à chaque nouvelle réalisation.